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Etude d'impact environnemental en droit français et camerounais

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par Faustine Villannaeau FOTSO CHEBOU KAMDEM
Université de Limoges - Master II en Droit International Comparé de l'Environnement (DICE) 2009
  

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CHAPITRE II. LES SOURCES RÉGLEMENTAIRES

Les lois du 10 juillet 1976 et du 05 août 1996 ont institué les études d'impact dans les projets. Cependant les législateurs de la France et du Cameroun ont laissé le soin au pouvoir exécutif de prendre des modalités d'application de l'EI. On peut donc affirmer que c'est à travers le décret n°77-1141 du 12 octobre 1977 en ce qui concerne la France et le décret n°2005/0577/PM du 25 février 2005 pour le Cameroun que l'EI est devenu applicable. Mais par souci de précision, de clarté et d'extension du champ de protection de l'EI, le pouvoir exécutif dans chacun des pays susmentionnés est intervenu pour prendre d'autres mesures à travers plusieurs autres actes administratifs. Cette intervention permanente du pouvoir exécutif traduit la recherche perpétuelle d'une réglementation parfaite visant à anticiper au mieux les effets négatifs des projets sur l'environnement. Réforme inachevée30(*), la connaissance de la procédure d'EI passe donc nécessairement par la consultation de plusieurs textes dans les deux pays, ce qui est susceptible de créer une instabilité juridique31(*).

ParagrapheI. L'existence dans les deux pays d'un texte réglementaire de base : un décret d'application

Il est intéressant d'analyser littéralement les dispositions communes aux décrets d'application susmentionnés avant d'envisager leurs particularités.

A. Les dispositions communes aux différents décrets d'application

En fait, le décret du 12 octobre 1977 et celui du 05 août 2005 outre le fait qu'ils rendent applicables les lois respectives des deux pays, ils reprennent chacun les directives obligatoires du contenu des EI. On retrouve dans les deux décrets : une analyse de l'Etat initial du site et de son environnement ; une analyse des effets "directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement ; Les raisons pour lesquelles, parmi les partis envisagés, le projet présenté a été retenu ; Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement. Ces textes introduisent également dans la procédure d'EI les dispositions facilitant l'information du public. En outre, les deux décrets apportent une distinction entre les études d'impact que la loi n'avait pas opérée 32(*). Il existe donc dans les deux pays de véritables études d'impact et des études d'impact allégées. Cette dernière catégorie porte des noms différents selon qu'on se retrouve en France ou au Cameroun33(*). Ces deux textes de base réglementent également chacun à sa manière la procédure de saisine du ministre en charge de l'environnement.

Le pouvoir exécutif dans chacun des deux pays a focalisé son attention sur certains points qu'il a jugés importants de réglementer dans le cadre du décret pris en application de la loi nationale instituant l'EI.

B. Les dispositions particulières de chacun des décrets d'application.

La singularité frappante du décret du 12 octobre 1977 réside sans doute dans les différentes annexes qui le composent. Au total, on compte 4 annexes regroupant chacune respectivement une liste de travaux dispensés ou non d'EI ou faisant l'objet d'une mini-étude d'impact. A partir de ce décret, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage savait déjà en France si son projet était ou non soumis à une EI. Par contre au Cameroun, le Premier Ministre34(*) qui avait signé le décret de 2005 avait différé la question des activités soumises à l'EI35(*). Pour rendre effectivement applicable au Cameroun la procédure d'EI, il a fallu attendre plus d'un mois

En revanche, le Décret camerounais a mis l'accent sur la procédure d'EI depuis l'élaboration jusqu'à l'approbation ou le rejet de l'EI en passant par sa recevabilité. Ce Décret va plus loin en prévoyant le suivi et la surveillance environnementale du projet.

Ces différents décrets ont été renforcés ultérieurement par d'autres textes réglementaires.

ParagrapheII. Les autres textes réglementaires dans les deux pays.

Nous envisagerons leurs objectifs qui sont identiques avant de parler des conséquences d'une telle intervention du pouvoir réglementaire.

A. Le souci de précision, d'efficacité et d'extension de la protection.

Les textes réglementant l'EI dans les deux pays ont été pris, soit pour apporter davantage de précision dans la compréhension de cette procédure révolutionnaire36(*), soit pour étendre le champ d'application de l'EI. C'est ainsi qu'en France, il est intervenu la Directive 337/CEE du 27 juin 198537(*) concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement qui a amélioré les modalités d'information du public dans le domaine de l'EI. Dans le même sens, l'exécutif a signé le Décret n°93-245 du 25 février 1993 qui a modifié le Décret d'application suscité. A son actif, il est important de relever que c'est ce texte qui modifie le montant permettant de rendre obligatoire le déclenchement de l'EI. C'est également ce texte qui transpose les modalités d'information du public édictées par la Directive communautaire ci-dessus ; c'est lui qui rend obligatoire l'indication de la dénomination du ou des auteurs et la rédaction d'un résumé non technique ; c'est lui qui adjoint le chapitre sur les méthodes d'évaluation des impacts sur l'environnement et de prendre en compte les effets directs et indirects, temporaires et permanents. Enfin, c'est ce Décret qui fait obligation de produire une appréciation des impacts de l'ensemble du programme lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps. A la suite de ce Décret, une circulaire38(*) a été prise pour faciliter la compréhension des EI et des enquêtes publiques. Cette circulaire détaille le champ d'application de la réglementation, le contenu du dossier, la procédure et l'application des impacts d'un programme de travaux. De manière chronologique, on peut également citer le Décret 94-484 du 09 juin 1994 modifiant le décret du 21 septembre 1977 sur les installations classées qui impose l'analyse des méthodes pour certaines catégories d'installation. Plusieurs autres décrets seront pris, notamment le Décret 96-1018 du 26 novembre 199639(*), dans le but d'étendre ou d'améliorer le contenu de l'EI.

Au Cameroun, il y'a eu également inflation des textes réglementaires poursuivant l'objectif de précision, d'efficacité et d'extension du champ de protection. A cet effet, il faut noter à côté du décret du 23 février 2005, l'arrêté n°0070/MINEP du 22 avril 2005 sus mentionné. On peut également citer l'arrêté n°0001/MINEP du 13 février 2007 qui définit le contenu général des termes de références des EIE. Ce texte détaille tous les éléments du contenu de l'EI et facilite le travail du pétitionnaire qui sait exactement ce que l'administration souhaite voir dans son rapport. Ce texte prévoit que les éléments spécifiques à prendre en compte dans les termes de référence de chaque secteur d'activités font l'objet d'un texte particulier40(*). Dans le même sens, nous mentionnons également l'arrêté n°0002/MINEP du 23 février 2007 précisant les éléments spécifiques des termes de références des EIE dans les forêts de production, pour les plantations et reboisements, pour les forêts communautaires. Puis, l'arrêté du 29 juin 2007 fixant les conditions d'agrément des bureaux d'études à la réalisation des études d'impact et audits environnementaux. Ce dernier texte a été adopté en vue d'améliorer la qualité dans la rédaction des EI. Il n'est pas inutile de rappeler qu'avant les textes d'application, l'exécutif camerounais avait déjà adopté le décret n°485/PM/2000 du 20 juin 2000 fixant les modalités d'application de la loi n°99 :013 du 22 décembre 1999 portant code pétrolier. Ce décret exigeait déjà la rédaction de l'étude d'impact pour certaines opérations pétrolières.

Cette réglementation poussée des EI ne favorise pas toujours la sécurité et la stabilité juridiques des EI.

B. L'insécurité et l'instabilité juridiques41(*).

La prolifération des textes réglementant l'EIE a la conséquence de créer une instabilité et une insécurité juridiques42(*). La multiplicité des décrets, aggravée par l'hétérogénéité et la technicité de leur contenu, leur dispersion dans le temps et la difficulté de distinguer entre ce qui est en vigueur et ce qui ne l'est plus provoquent une situation de confusion, obstacle sérieux à la connaissance de l'état du droit par ceux qui ont à le mettre en oeuvre. En effet, il n'est pas aisé pour une seule procédure d'EIE de rechercher à travers plusieurs textes les dispositions applicables. Le système juridique mis en place dans les deux pays conduit à rechercher en ce qui concerne le contenu de l'EIE dans plusieurs textes selon le secteur d'activités et pour ce qui est de la procédure d'enquêtes publiques dans d'autres textes. Le pétitionnaire doit préalablement chercher si son EI doit être insérée dans les dossiers soumis à enquête publique. Or, il ne ressort pas dans les textes usuels, notamment le décret d'application que telle EI est soumise à une enquête publique. Au surplus, il est aujourd'hui institué en France que le seuil financier de déclenchement de la procédure d'impact est aligné sur le seuil de la procédure d'enquête publique. Ce faisant, si le seuil financier des enquêtes publiques change, le seuil financier des EI change automatiquement en raison du parallélisme des champs d'application43(*). Il arrivera donc des moments où le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage, moins informé, présentera une EI qui est en dessous du seuil financier applicable en raison de son actualisation. Cette gymnastique intellectuelle que doit employer les parties prenantes est source d'instabilité, car le pétitionnaire moins méticuleux pourrait bâcler son EI.

Conclusion 

L'EI outil de mise en oeuvre du principe de l'intégration de l'environnement dans les politiques de développement trouve sa source en droit français comme en droit camerounais dans une loi et dans de nombreux textes réglementaires. Il apparaît que la source législative qui l'a instituée ne lui est pas entièrement consacrée. Cette loi traite de l'EI dans l'ensemble de la protection de l'environnement. La loi ou du moins les articles consacrés à l'EI fixent le cadre réglementaire de la procédure. On y retrouve donc en substance les mentions obligatoires du contenu d'une EI, les personnes responsables, les dispositions qui prévoient la liste des travaux qui seront soumis à EI etc...L'analyse de la force probante des articles respectifs de la loi du 10 juillet 1976 et du 05 août 1996 a révélé que cette dernière loi était plus contraignante en raison des sanctions pénales et le régime de nullité y assortis. Cependant, ces différentes lois n'ont pas été applicables immédiatement dès leur promulgation. Il a fallu donc attendre l'intervention de l'exécutif pour mettre en application les différentes lois. Le pouvoir exécutif est d'abord intervenu une première fois pour prendre un décret d'application, puis plusieurs fois pour apporter des précisions, faciliter la compréhension et étendre le champ d'application de la réglementation. A ce jour, il n'est pas possible de conclure que la réforme de la réglementation de l'EI est achevée. Il serait important pour les pouvoirs publics dans les deux pays de s'inspirer des critiques de la doctrine pour élaborer des textes relativement définitifs qui garantiront la stabilité juridique de la réglementation et permettront surtout d'atteindre l'objectif principal de l'EI, à savoir la prévention et le développement durable44(*).

* 30 En France, le critère financier qui est un indicateur du déclenchement de l'EI est aujourd'hui assorti d'une clause d'indexation. Ce qui veut dire que cet indicateur changera en fonction de cette clause. Le pouvoir réglementaire sera donc appelé à chaque fois pour actualiser ce critère.

* 31 A. Juppé avait pris une circulaire du 21 novembre 1995 visant à organiser « une étude d'impact » de tout projet de loi ou de décret dans le but d'endiguer « la prolifération des textes législatifs et réglementaires qui rend aujourd'hui le droit obscur, instable et finalement injuste »

* 32 A ce titre, le décret du 12 octobre 1977 a fait l'objet de contestation devant le Conseil d'Etat. V. Brice Lalonde, « un décret d'inapplication », Le Monde, 16 octobre 1977 ; un arrêt du 30 janvier 1985 a reconnu la légalité du décret et des notices d'impact

* 33 En France une EI allégée porte le nom de notice d'impact alors qu'au Cameroun elle est dénommée étude d'impact sommaire. De même en France, M. Prieur qualifie cette catégorie d'étude d'impact de mini-étude d'impact, op.cit., n°85, P.77

* 34 Son nom est INONI Ephraïm, originaire de la partie anglophone du Cameroun. Au Cameroun, en raison de l'équilibre régional et pour des raisons de stratégie politique, le Premier Ministre camerounais, depuis l'ère du Président BIYA, est toujours anglophone.

* 35L'article 6 du Décret n°2005/577/PM du 05 août 2005 a assigné au ministre chargé de l'environnement le soin de fixer une liste d'activités qui sera soumise aux EI. Ce renvoi ne fait pas du Décret en question un Décret d'application puisqu'en l'absence d'une liste identifiant les activités assujetties, il n'était pas possible d'imposer la procédure d'EI au maître d'ouvrage.

* 36 Pour reprendre l'expression de M.Prieur, op.cit, n°80, P.72.

* 37 Il faut d'ailleurs noter que la communauté européenne s'est largement inspirée de la réglementation française dans le domaine étudié.

* 38 Circulaire 93-73 du 27 septembre 1973

* 39 Ce décret impose à certains établissements hôteliers soumis à autorisation en application de la loi du 27 décembre 1973 sur l'orientation du commerce et de l'artisanat de faire une estimation de l'impact de leur projet sur l'environnement.

* 40 Art.3

* 41 Sur le point de la prolifération des textes et leurs conséquences, lire René Chapuis, Droit Administratif Général, Tome 1, 15ème édition, Montchrétien, n°87, P.65, n°109, P.83.

* 42 Sur le point de la prolifération des textes et leurs conséquences, lire René Chapuis, Droit Administratif Général, Tome 1, 15ème édition, Montchrétien, n°87, P.65, n°109, P.83.

* 43 Cf. circulaire 93-73 du 27 septembre 1993

* 44 Pour le développement de cette notion, lire Denis Roger SOH FOGNO, Gouvernance métropolitaine et politique des transports en Afrique : quelle place pour le développement durable, in Juridis Périodique, Revue de Droit et de Science Politique, 19ème parution, N°75, P.102 et s.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore