Etude d'impact environnemental en droit français et camerounais( Télécharger le fichier original )par Faustine Villannaeau FOTSO CHEBOU KAMDEM Université de Limoges - Master II en Droit International Comparé de l'Environnement (DICE) 2009 |
CHAPITRE I. :LES SOURCES DE L'EIE EN DROIT CAMEROUNAIS ET EN DROIT FRANÇAIS.Il est important de rappeler que cette institution a apparu d'abord dans le droit national d'un pays d'Amérique avant de faire irruption implicitement comme déjà indiqué dans la Déclaration de Stockholm. C'est donc autour de 1970 que le gouvernement français, à l'exemple de la République Fédérale d'Allemagne23(*) au niveau européen, a déposé au Parlement en avril 1975 le projet de loi relatif à la protection de la nature qui faisait référence en son article 2 à l'exigence d'une EI pour tous les travaux et projets d'aménagement à travers le principe du respect des préoccupations d'environnement. Ce projet de loi adopté par le parlement le 10 juillet 1976 a prévu pour l'application de cet article 2 un décret qui est finalement entré en vigueur le 1er janvier 1978, soit un an et demi après son vote. Après ce décret, plusieurs autres textes ont été pris à l'effet soit de renforcer, soit de préciser la réglementation de l'EI. Pour sa part, le Cameroun a dû attendre 36 ans après la naissance de la procédure d'EI et 20 ans après l'adoption de la loi relative à la protection de la nature en France pour introduire l'EI dans une loi relative à la gestion de l'environnement. Précisons que cette loi ne traite pas spécifiquement de l'étude d'impact comme la loi française du 10 juillet 1976. Le législateur camerounais comme son homologue français a prévu pour l'application de l'EI, l'adoption d'un décret qui se fera attendre jusqu'en février 2005, soit 9 ans plus tard à compter de l'adoption de la loi. A la suite de ce décret, plusieurs autres textes réglementaires sont venus renforcer la procédure de l'E.I mise en place. Ce mimétisme dans le processus de réglementation en la matière nous amène à étudier les sources législatives et les sources réglementaires dans les deux pays. Section I. Les sources législatives, droit commun de l'E.I dans les deux pays.La loi camerounaise du 05 août 1996 consacre expressément tout un chapitre constitué de 4 articles à l'E.I alors que la loi française du 10 juillet 1976 ne consacre qu'un article à la réglementation de l'E.I. Toutefois, la longueur de l'article 2 de la loi de 1976 et la place réservée à l'EI24(*) dans ladite loi compensent cette défaillance dans la charpente de la réglementation de la matière. Malgré cette légère différence sur la structuration des dispositions consacrées à l'E.I, il est remarquable de constater que les deux lois constituent le droit commun applicable à l'EI. A ce titre, elles ont vocation à indiquer en substance les grandes lignes de l'élaboration au contrôle de l'E.I. Il réside néanmoins une différence fondamentale au niveau de la portée des deux lois. Dès lors, il incombe d'étudier les objectifs visés et la portée de ces deux lois. ParagrapheI. Quasi identité des deux lois quant à leurs objectifs. Les législateurs camerounais et français n'ont pas adopté une loi entièrement et exclusivement consacrée à l'EI. En réalité, les deux lois soumises à l'analyse sont des lois- cadres. Elles réglementent la protection de l'environnement dans son ensemble. Il apparaît donc que les lois adoptées dans les deux pays ont un caractère général. Cependant en ce qui concerne les dispositions relatives à l'EI, il y'a lieu de noter la poursuite des mêmes objectifs, notamment la fixation du cadre réglementaire de l'EI et l'inapplicabilité immédiate de la loi. A. Deux lois fixant le même cadre réglementaire de l'EI La lecture croisée de la loi française de 1976 et de celle camerounaise de 1996 permet de constater en substance que ces dernières articulent les grands axes de l'EIE qui seront développés et définis par le pouvoir réglementaire au moyen d'un décret. Parmi les grands axes qui feront l'objet d'une réglementation précise et détaillée, on retrouve les modalités de publicité, les travaux qui seront soumis à une EIE, la procédure d'enquête publique et les conditions d'intervention de la décision environnementale. En outre, les deux lois fixent le contenu minimum d'une EI et déterminent la personne responsable de l'EI. En d'autres termes, si dans un domaine quelconque un texte prévoit la procédure d'EI, le contenu de cette étude doit comporter obligatoirement les indications ou directives prévues dans la loi. De même, la charge de cette EI incombe toujours ou maître de l'ouvrage25(*) quelque soit les travaux envisagés précisent les deux lois. Les lois en question prévoient en filigrane les mesures de contrôle de l'administration, notamment le déclenchement de la procédure d'urgence aux fins de suspendre l'exécution des travaux envisagés ou entamés. La vision des deux législateurs de fixer le cadre réglementaire de l'EI a eu pour conséquence de rendre ces lois inapplicables en l'absence d'intervention du pouvoir réglementaire. B. Deux lois d'inapplication immédiate. En effet, la loi telle qu'adoptée ne pouvait pas entrer en vigueur telle qu'elle dans les deux pays. Comme indiqué supra, cette loi n'avait que la vocation de fixer le cadre réglementaire et de poser certains principes. Dès lors, pour connaître les travaux qui sont soumis à une EI, le juriste environnementaliste ou le maître d'ouvrage doit consulter le décret prévu à cet effet. C'est essentiellement à ce niveau que les lois étaient inapplicables en l'absence d'un décret d'application permettant d'identifier préalablement les travaux soumis à l'EI. Avant le décret énumérant la liste des travaux, aucune EI ne pouvait être imposée au maître d'ouvrage qui envisageait les travaux malgré l'évidence des effets nocifs de ceux-ci sur le milieu naturel. Dans le même sens, le maître d'ouvrage ou le juriste environnementaliste doit nécessairement se référer au texte réglementaire pour s'informer sur les modalités de publicité. Malgré les mêmes objectifs, les deux lois n'ont pas la même force contraignante. ParagrapheII. La portée juridique des deux lois. Dans ce cadre, nous aborderons la portée juridique de la loi de 1976 et de celle de 1996. A. La portée juridique souple de la loi du 10 juillet 1976. Il est indéniable de reconnaître que l'article 2 de la loi de 1976 constitue le point de départ d'une législation qui vise à rompre avec l'incertitude. En effet, la meilleure politique de l'environnement consiste à éviter, dès l'origine, la création de pollution ou de nuisance plutôt que de combattre ultérieurement leurs effets26(*). Même si son application était subordonnée à la signature d'un décret, la loi de 1976 a le mérite d'avoir posé le principe du respect des préoccupations d'environnement dans les travaux et ouvrages. Plus clairement, la loi dispose que tous les travaux importants doivent être soumis préalablement à leur réalisation à une étude d'impact. Elle prévoit l'établissement d'une liste énumérant limitativement les travaux dispensés d'étude d'impact. Cependant, « il est étonnant de remarquer que cette loi ne parle pas « d'étude d'impact sur l'environnement », aussi est-on en droit de se demander de quel impact il s'agit »27(*). Ce manque de précision pouvait limiter la portée de la pratique des EI n'eût été la précision apportée par son décret d'application. Cette loi brille également par l'absence des sanctions et d'un régime contraignant qui devait canaliser le juge dans son office à l'occasion d'une action intentée contre une activité ayant des effets nocifs sur l'environnement. Le législateur camerounais a pour sa part accordé à la procédure d'étude impact une valeur juridique plus contraignante. B. La portée juridique contraignante de la loi du 05 août 1996 La loi camerounaise a été très explicite dès l'abord en précisant dans son chapitre 228(*) l'objet de l'étude d'impact. Il apparaît sans ambiguïté que l'étude d'impact portera sur l'environnement. Cette loi a également posé le principe de la soumission de tous les travaux à EI, mais en prévoyant l'établissement d'une liste positive énumérant les travaux soumis à EI. Ce qui a le mérite de faciliter le contrôle du juge en cas de saisine. Mais, le législateur camerounais est allé plus loin que son homologue français en instituant un régime de nullité et des sanctions pénales29(*). Par ces dernières mesures, le législateur camerounais a manifesté son attachement pour la protection préventive de l'environnement. * 23 La RFA a introduit cette procédure dans une loi du 10 octobre 1975. * 24 2ème article de la loi. * 25 Il prend plusieurs dénominations, notamment maître d'ouvrage, promoteur, pétitionnaire. * 26 Un des considérants de la directive communautaire du 27 juin 1985. * 27 M.Prieur, op cit. n°89, P.79. * 28 Le chapitre II est intitulé « ETUDE D'IMPACT ENVIRONNEMENTAL » * 29 Voir infra |
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