Situation géographique du camelódromo
A l'échelle de la ville, le camelódromo se situe
en plein coeur du centre de Rio, dans le quartier nommé Centro,
où il y occupe une super cie de 3 000 m2. Pour les raisons
qui ont été évoquées plus tôt, le Centro est
devenu le grand centre d'a~ aires où les activités principales
présentes sont le travail de bureau et le commerce qui rythment le
quartier.
Les limites principales du camelódromo sont
dessinées par la Rue Presidente Vargas, et la rue Uruguaiana. Deux rues
excessivement fréquentées, la première en raison du tra~ c
important (composée de 4 fois 4 voies), déversant chaque jour une
quantité impressionnante de travailleurs venant de tous les coins de Rio
et des villes voisines, et la seconde par son double rôle de rue
commerçante et de liaison directe jusqu'au métro Carioca.
Les rues autour de la rue Uruguaiana sont elles aussi
commerçantes, comme l'indique la carte ci-contre, qui fait état
des répartitions fonctionnelles de l'actuel Centro.
A l'arrière du camelódromo on rencontre un
complexe appelé SAARA43 , composé de la rue Alfandega
et ses rues voisines, qui ont toutes la même fonction exclusivement
commerciale. Depuis la rue Uruguaiana pour l'atteindre, les clients doivent
obligatoirement traverser les rues soit Alfandega, soit Buenos Aires, soit
Senhor dos Passos, qui en continuant forment le SAARA. Créant ainsi
là encore un fort passage quotidien au sein même du
camelódromo. Pour information, la population des travailleurs du SAARA
est essentiellement immigrante (à la base il s'agissait de la
communauté juive et arabe, mais par la suite sont arrivés
Coréens et Chinois qui actuellement sont majoritaires dans le SAARA.
Cependant, il est très rare de les rencontrer.
Généralement ils sont propriétaires des boutiques mais ce
sont des brésiliens qui y travaillent44). Nous le verrons
plus tard, ceci fut à l'origine de problèmes pour le
Camelódromo.
Il est important de souligner les convoitises et craintes que
génèrent le droit d'utilisation d'un terrain ,qui plus est d'une
telle super cie, en plein Centro. À la fois d'une valeur marchande
très élevée, due à la fonction du Centro car il
brasse une grande masse humaine, ce que recherche n'importe quel
commerçant, formel ou non. Et d'un autre coté, le vide qu'il
génère périodiquement implique une crainte
généralisée du Centro en soirée et le dimanche. En
e et le samedi les boutiques sont ouvertes mais ferment tôt (vers 18h),
et le dimanche, le Centro ressemble à une ville fantôme. Ainsi,
les locaux d'entrepôts créés pour la marchandise des
camelots furent dévalisés à répétition, si
bien que ces derniers furent obligés de s'organiser en
conséquence.
Encore un détail important pour comprendre ce qui fut
générateur du développement du Mercado popular da
Uruguaiana, fut que dès sa fondation ce dernier était
composé d'environ 1500 emplacements, ce qui était largement
supérieur à tout ce qui avait été plani~ é
lors des expériences antérieures de camelódromo.
L'objectif étant de se débarrasser d'un maximum de camelots en
une fois.
43 Nom donné au quartier qui vient en
réalité de l'association de commerçants qui y a
été fondée, et baptisée Sociedade de Amigos das
Adjacências da Rua da Alfândega (Société d'amis
des alentours de la rue Alfandega)
44 Cette analyse brève de la population du SAARA a
été faite par Roberto Anderson, mais elle n'a été
vérifi ée dans aucun écrit.
Evolution du camelódromo - Qui sont ses
architectes?
Actuellement, le camelódromo da Uruguaiana, connait un
succès chaque jour croissant. En décembre 2007, un article de
journal45 mettait en évidence qu'au-delà d'attirer
toutes les classes sociales confondues, de plus en plus de touristes passent
par le Camelódromo qui devient ainsi un pôle touristique.
Cependant, lorsque l'on écoute le discours des camelots, ce
succès était loin d'être gagné et une bonne
localisation à elle seule ne su sait pas, loin de là.
D'après même certains, l'objectif de la Prefeitura était
essentiellement de calmer les camelots un moment, mais en aucun cas de faire
fonctionner le lieu de vente, ceci dans l'objectif de le voir disparaître
à terme.
« Au départ les clients avaient peur, et à
cause de ça beaucoup de gents (camelots) ont abandonné les box,
mais aussi les box n'étaient pas comme ça. C'étaient des
petits stands, durant la journée, on devait pendre des trucs, des
petites cordes pour montrer tous les objets, un peu comme une petite cabane de
gardien, tu vois, avec des genres de ~ ls pour suspendre. Et alors la nuit, on
devait tout replier , mettre à un endroit et tout était
fermé avec un cadenas. »
(Evaldo - ex-agent de sécurité du
camelódromo- Entretien réalisé en octobre 2008)
A cause de l'aspect précaire qui n'inspirait pas con
ance, d'après le camelot cité ci-dessus, les clients ont mis deux
ans à pénétrer petit à petit au sein du
Camelódromo. Auparavant, seuls les vendeurs situés dans la
périphérie, c'est à dire bordant les rues, pouvaient
vendre. Camelots et Prefeitura ont tous deux saisi rapidement que pour attirer
du monde, des améliorations étaient nécessaires. La
Préfeitura a cherché à donner au lieu un caractère
de marché, et mis au point une norme d'aspect des petits stands des
camelots, comme le montre la photo prise en 1996. Ce fut la seule aide
municipale que connut le camelódromo, et c'est probablement pour cette
raison que les camelots dénoncent un manque d'investissement de la
Prefeitura pour ce lieu, voir même de sabotage. En e et, de nombreuses
réformes eurent lieu, et toutes furent faites par les camelots eux
même.
Il est di cile de déterminer exactement dans quel ordre
se sont déroulés les évènements, d'autant que tout
à été fait petit à petit, mais par logique on
imagine que la première amélioration fut celle du sol. Il s'agit
d'une grande dalle d'une quarantaine de centimètres, qui marque un
seuil, et qui fut carrelée. A cette même occasion les camelots
abattirent des murets, anciennes limites du parking, qui conditionnaient les
entrées, empêchant ainsi des accès directs pour les
clients
Par la suite, les stands de la Prefeitura furent
abandonnés, échangés par des box de métal et une
structure métallique également pour venir recevoir une
couverture. Ces deux éléments, sont en continuelle mutation. En
ce qui concerne la couverture, étant donné le budget
limité, elle fut faite petit à petit. Détail amusant, ces
périodes de travaux sont même devenues un marqueur temporel dans
le
45 Soler Alessandro (17 décembre 2007) «
camelódromo da Uruguaiana vende até cachimbos para fumar crack
», Globo, primeiro caderno, p.22
Solto na Cidade - Uruguaiana
Transformations du Camelodromo, en 1995, 1996, et 2008
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vocabulaire des camelots; « ça c'était
à l'époque de la deuxième couverture... » . En
2008 on considère qu'il y a déjà eu quatre couvertures. La
première était précaire, en bâches plastiques, la
seconde en amiante, puis la troisième en fer, jugé plus
résistante. Les camelots se rendirent compte à leurs
dépends que le fer, conducteur de chaleur produisait un e et de serre
infernal, et installèrent une quatrième couverture, d'amiante
à nouveau.
« On n'avait pas d'argent. Si on appelait une entreprise,
qu'est ce qui allait se passer? L'entreprise allait nous faire payer
très cher, de l'argent qu'on n'avait pas. Du cou on a mis la main
à la pâte nous même On a commencé à le faire.
Le sol on a commencé à le faire aussi. Et ça a
été comme ça. Maintenant ça fait 14 ans et on
continue! »
(Felipe - Coordinateur à l'UNIO - Entretien
réalisé en septembre 2008)
Alors que les camelots avaient très peu de notions de
construction pour la majorité, on peut voir clairement qu'ils ont acquis
au ~ l du temps une expérience de construction et de gestion de
l'espace. Même si tous les travaux se chevauchaient dans le temps, en
règle générale, en ce qui concerne la couverture, ils
entreprirent les travaux en suivant l'ordre des quardas; la A, puis la B, etc.
Je dis en règle générale car certains
évènements comme des incendies ont amené certaines quadras
à être retraitées avant d'autres dont c'était le
tour. Ainsi on observe très nettement par exemple que les camelots ont
compris au fur et à mesure que l'espace était plus
agréable; plus lumineux et mieux ventilé, lorsque que la
couverture était plus haute. Celle de la quadra A,
réalisée la première est réellement située
à un niveau bas, à environ 3 m du sol. De plus lors de sa
réalisation, les camelots ont mis en oeuvre un faux plafond pour des
raisons esthétiques, mais ce dernier obscurcit l'ensemble. Cet
aménagement ne se retrouve dans aucune quadra. La quadra B a
déjà une couverture plus haute, mais l'e~ et attendu n'avait pas
encore été atteint (d'après Filipe, coordinateur à
l'UNIO). En e et, il n'est pas toujours évident d'appréhender
parfaitement ce que l'on s'apprête à créer. Cela dit, la
dernière quadra ayant béné~ cié de travaux,
à savoir la quadra C, pour des raisons d'incendie, semble avoir atteint
un certain niveau de confort. La couverture atteint en son maximum environ 8m
et les camelots ont innové avec des plaques de plastiques translucides
amenant de la lumière jusqu'au centre de la quadra. La couverture de la
quadra D a été commencée mais à l'heure actuelle
n'est pas encore achevée. Cela pose d'ailleurs de sérieux
problèmes lors des pluies abondantes aux quelles la ville de Rio est
confrontée lors des changements de saisons.
Lassés de devoir démonter et remonter chaque
jour leurs stands, ainsi que de ramener la marchandise chez eux, les camelots
on ~ ni par pérenniser leur espace de vente, en réalisant des
box. Ils sont généralement faits de métal, ou pour le
moins leur système de fermeture, par un rideau de fer qui se cadenasse
au sol. Les aménagements extérieurs varient suivant le goût
et l'activité du camelot. Nous reviendrons plus
précisément dessus au cours de la seconde partie. L'important est
de noter que dans ce cas encore, la construction a été faite
uniquement par les camelots.
Au niveau de l'organisation en plan, il y a eu peu de
transformations. Lorsque que l'on compare le dessin fait par Augusto Ivã
et l'actuel implantation des box, on constate que le tracé a
été peu changé, juste densi~ é en certaines zones,
mais l'organisation des couloirs « en peigne » a été
respectée partout mis à part dans la quadra B. On constate
l'apparition de nouveaux box qui, en règle générale,
viennent s'adosser contre des parois laissées vides, comme des murs
pignons (quadra A), des sorties de métro ou les locaux d'entrepots
prévus par la Prefeitura (quadras C et D). On comprend aisément
que certains espaces n'avaient pas été envisagés par la
Prefeitura lors de la ré exion sur le plan, et qu'une fois sur place les
camelots l'ont réadapté.
N
Figure 12:
Supperposition du plan projeté par Augusto Ivã (en
gris), et du plan actuel du Camelodromo.
Par contre, un phénomène en matière
d'organisation est à noter. Alors que la répartition des camelots
avait été faite à peu de choses près totalement au
hasard, ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui.
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