L'UN IO et la ville de Rio de Janeiro
Ainsi, l'organisation du Camelódromo a
été prise en main par une association, ce qui a été
béné~ que pour toute une série d'éléments,
le confort des camelots ainsi que leur sécurité et celle des
clients. Cela su t il à apaiser les craintes dont il a été
question plus hauts par les usagers de la ville formelle?
Regard des commerçants de la rue sur le Mercado
Popular da Uruguaiana
En face de l'entrée principale du Camelódromo,
dans la rue Uruguaiana se trouvent essentiellement des boutiques de la grande
distribution d'électroménager. Des conversations avec leurs
vendeurs semblent mettre en lumière qu'ils sont tout à fait
satisfait de ce qu'à fait l'UNIO du Camelódromo aujourd'hui. En
réalité ils ne sont pas très au courant de qui a fait
quoi, attribuant une grande responsabilité à la Prefeitura.
Cependant, la situation actuelle, leur semble une parfaite réussite,
malgré les accusations qu'ils sont habitués à lire dans
les journaux au sujet de la marchandise trouvée dans certains box.
En premier lieu, ils sont très satisfaits de ne plus
sou rir d'une quantité de camelots sur leur trottoir, ce qui
empêchait l'entrée des clients dans la boutique. De plus l'e~ et
obtenu est double, puisqu'en plus de cela, le Camelódromo amène
une quantité indéniable d'acheteurs supplémentaires
à leurs magasins. Comme la marchandise proposée au
Camelódromo est totalement di érente de la leure, il n'y a pas de
concurrence.
« Il sont attirés par le Camelódromo parce
que les prix sont vraiment attractifs. Mais du coup quand ils sortent, ils
viennent faire un tour chez nous. Oui, il y a vraiment un ~ ux plus important
maintenant. Et le samedi, quand il y a moins de boutiques ouvertes au
Camelódromo on sent qu'il vient moins de monde»
(Ivone - Gérante du Ponto Frio - Entretien
réalisé en Janvier 2008)
Par ailleurs ils savent que pour l'occupation du lieu les
camelots paient une taxe à la Prefeitura. Certes ce n'est plus le cas et
actuellement la seule taxe qu'ils paient va à l'UNIO mais la sensation
d'une justice rétablie a été cependant formulée.
« Moi je vois ça comme un manque de respect. Ils
viennent sur mon trottoir et vendent leur marchandise, alors que moi, faut pas
croire, je paie des taxes pour pouvoir vendre. On fait pas ce qu'on veut !
Là comme ça, ils sont régularisés, et pour
ça ils paient à la Prefeitura, ça me paraît normal.
»
(Mario - Gérant du Danùbio - Entretien
réalisé en Janvier 2008)
Quelques vues sur la rue Uruguaiana
Comme ce Camelódromo est une initiative de la
Prefeitura, sa légalité n'est absolument pas remise en cause. A
ce sujet certains estiment également que le lieu est très
stratégique pour que la Prefeitura garde le contrôle sur les
camelots, car cette dernière n'en est pas très
éloignée. Cela fait probablement référence aux
expériences précédentes de Camelódromos où
ces derniers étaient placés dans des lieux très
éloignés du centre. Après quelques recherches, il n'est
pas exclu que ce vendeur pouvait faire allusion à d'autres organismes:
le Secrétariat de Sécurité publique de l'Etat situé
à à peine 100 mètres du Camelódromo, et le
siège administratif du Gouvernement municipal situé à 1
km. Ces deux corps du pouvoir ont été cités lors d'un
article paru dans le Globo5, signalant que ces derniers maintenaient
une surveillance constante sur le Camelódromo...
Y a-t-il quelqu'un qui contrôle l'UNIO?
Les schémas ci-contre montrent pour l'un quel est le
système théorique mis en place, censé contrôler le
bon fonctionnement du Mercado Popular da Uruguaiana et pour l'autre une
approche de la réalité qui se produit.
Figure 14
5 Uruguaiana, le marché sans loi ? En
référence à l'article de journal écrit dans le
Globo le 20 juin 1999 « O mercado sem lei da Uruguaiana criado pela
prefeiura » par Antônio Werneck
Par un simple regard on constate un premier fait : alors que
le Camelódromo devrait être au centre de ce schéma, c'est
l'UNIO qui a usurpé sa place et a pris le contrôle du Mercado
Popular. Même si le terrain est propriété de l'état,
c'est la Prefeitura qui en est la responsable o cielle et qui doit prendre en
main la mise en place des camelots et assurer le fonctionnement. Ainsi elle
doit contrôler la marchandise, avec l'aide de la garde municipale, et la
bonne application des règles mises en place, ainsi que le
prélèvement de la taxe d'occupation du sol par les camelots.
Lorsque l'on regarde le second schéma, tout contact entre le
Camelódromo et la Prefeitura semble rompu alors que plusieurs
entrées étaient prévues, avec l'ACACRJ6 dont
elle avait le contrôle, ou encore la garde municipale qui se fait
régulièrement corrompre, mais fait cependant quelques descentes
de principe de temps à autres, fermant ainsi le Camelódromo pour
la journée et embarquant de la marchandise7. En ce qui
concerne le contrôle de l'application des règles ~ xées par
la Prefeitura, cette dernière a prévu un secteur à cet e
et, nommé Contrôle Urbain, avec à sa tête un
dénommé Lucio Costa.
« Lucio Costa est un personnage très curieux,
parce que il était le chef de la ~ scalisation. Au départ il
était un contrôleur ~ scal. Et petit à petit il est devenu
le chef de la troupe de choc des contrôleurs ~ scaux, qui était un
groupe qui devait véri~ er que les ambulants occupaient le lieu de forme
régulière. C'est pour ça qu'ils ont créé un
groupe uniquement pour ce type d'ambulants, dont Lucio Costa était le
coordinateur. Je me souviens de lui, quand il arrivait pour réprimander
les camelots, avec une pince gigantesque, comme dans Orange Mécanique,
« allons y !! » et il coupait les ~ ls électriques, il jetais
dehors ceux qui n'étaient pas à leur place... Mais à
partir d'un certain moment il a commencé à créer une
alliance avec les vendeurs, et maintenant il est devenu le candidat des
camelots pour être vereador8. »
(Roberto Anderson - Prefeitura- Entretien réalisé
en septembre 2008)
Cette candidature est très récente puisque les
élections ont eu lieu début août 2008. Lucio Costa n'a
d'ailleurs pas été élu. Pour pouvoir être candidat
il avait du abandonner son poste au contrôle Urbain et une
remplaçante vient de prendre sa suite. La relation entre l'UNIO et le
Contrôle Urbain pourrait évoluer, changeant de responsable.
Cependant, Roberto Anderson reste très sceptique, car les
autorités supérieures (la Prefeitura) ne semblent pas se
préoccuper de la question outre mesure.
« En vérité je crois que il y a eu une
erreur qui fut la suivante. La mairie voulait se débarrasser d'un
problème, et une fois qu'ils ont réussi à les placer dans
le terrain, ils s'en sont lavé les
6 Associação dos Comerciantes Ambulantes do Centro
do Rio de Janeiro. Association des vendeurs ambulants du centre de Rio de
Janeiro offi ciellement reconnu par la Prefeitura.
7 Isabela Kopke (8 janvier 2002) « Blitz no
Camelódromo », Globo, p.10
Leslie Leitão et Mohamed Saigg (14 mars 2006) «
Camelódromo é interdito », Globo, p.9
8 Comme une sorte de chef de quartier. Cf partie I, introduction
de « Les architectes et urbanistes de la Préfeitura en action
»
mains et ne voulaient plus trop avoir de contrôle là
dessus. »
« Je crois que la Prefeitura a
préféré s'occuper des camelots qui sont dans la rue, et
considérer le Camelódromo comme un problème mineur. Ils
sont là à l'intérieur, ils se débrouillent.
Ça leur donne moins de problème. »
(Roberto Anderson - Prefeitura- Entretien réalisé
en septembre 2008)
D'après Roberto, cette taxe ne fut payée que la
première année, et avec les travaux réalisés par
les camelots, ces derniers se sont petit à petit
auto-déclarés propriétaires, et il est actuellement
impossible de leur réclamer une taxe. Et il est vrai que lorsque le l'on
discute avec Rosalice, la taxe de contribution sociale que paient les camelots
chaque semaine ne sert o ciellement pas à couvrir un quelconque droit
d'occupation. Ce pendant une discussion avec un camelot qui fut agent de
sécurité à l'UNIO a sous entendu une autre
vérité.
« Mais la Prefeitura, qu'est ce qu'elle fait
ici?
Rien
Rien?
A part rester bien tranquille, prendre sa petite part et se
taire. »
(Evaldo - Un camelot ex-agent de sécurité du
Camelódromo - Entretien réalisé en aout 2008)
Robertoavaitlui aussifaitallusion aufaitqu'en
réalité, mêmesi la Prefeitura netouchaito~ ciellement aucun
revenu pour le prêt du terrain, il était très probable que
certaines personnes responsables touchent des « dédommagements
» pour laisser le Camelódromo fonctionner tranquillement. On peut
imaginer expliquer ainsi l'attitude de Lucio Costa qui a su voir un
intérêt personnel plus important du coté des camelots que
du coté de la Prefeitura.
D'autres organismes pourraient être également
susceptibles d'avoir une relation avec l'UNIO. Il existe un Syndicat des
Vendeurs Ambulants de Rio de Janeiro. Ce syndicat a un rôle
d'intermédiaire entre la Prefeitura et les vendeurs ambulants. La
Prefeitura a notament mis à leur disposition des locaux dans tout le
centre ville où les ambulants doivent entreposer leurs stands
démontables prêtés par la ville. J'avais imaginé
qu'un lien aurait pu exister entre eux et le Camelódromo, étant
donné l'origine des vendeurs, et la responsable a reconnu qu'il a
existé autrefois un contrôle e ectué sur le lieu (je me
demande si ce syndicat n'est pas l'ancienne Association des Commerçants
Ambulants du Centre). Cependant actuellement, le contact avec l'UNIO est
aujourd'hui totalement rompu, et certains détails de la conversation
laissent à imaginer qu'elle ne mentait pas...
« Non, tu sais, nous on ne contrôle absolument pas
ce qui se passe là bas. Si tu veux des informations tu y vas et ils ont
une association, tu demandes un certain Alexandre... Alexandre je ne sais plus
comment, c'est lui qui gère ça.
Alexandre Farias? Il est mort il y a deux ans.
Mais non... Ou alors peut être et son remplaçant
dans ce cas c'est un autre Alexandre » (Dona Simone - Présidente du
Syndicat des Vendeurs Ambulants du Centre de Rio de
Mars 2006 -Le Camelodromo fermé un jour
de contrôle de police - Alexandre Farias, déclaré
le cerveau du plus grand réseau de contrebande à Rio, pris
par la police
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Janeiro - Entretien réalisé en octobre 2008)
Au même titre que pour certains fonctionnaires de la
Prefeitura, il semblerait également que d'autres organismes exercent un
contrôle sur le Camelódromo. La proximité avec le SAARA a
été, et pourrait être encore un réel
problème9. Comme nous l'avons évoqués plus
tôt, la population du SAARA est essentiellement immigrante, et compte une
grande quantité d'asiatiques. Le Camelódromo est devenu un lieu
de revente de marchandise de contrebande (CD et DVD pirates, vêtements de
marques falsi~ ées), issue de la ma a chinoise, et l'ancien
président Alexandre Farias avait été accusé d'avoir
assuré 20% des boxes du Camelódromo pour le stockage et la
revente de la marchandise. Par ailleurs, des moyens de pressions peu scrupuleux
de la part de cet organisme ont été dénoncés,
spécialement les incendies.
Alors que l'UNIO paraît e ectivement hors de
contrôle de tout organisme o ciel, elle est à ce jour reconnu au
sein du Camelódromo comme un représentant de la loi au même
titre que la Prefeitura, voire encore de plus forte importance, étant
donnée l'intérêt manifesté par cette dernière
à leur égard. Par contre, c'est à ce moment là que
l'on constate qu'en perdant le contrôle des terrains, la Prefeitura a
créé un lieu où l'illégalité d'occupation de
l'espace est parfaitement tolérée, ce qui a engendré
l'ouverture sur des illégalités beaucoup plus importantes, et sur
lesquelles la prise de pouvoir semble encore plus délicate.
9 Silva da Silveira Marcelus, Os camelôs e o mercado
popular da rua Uruguaiana: o ordenamento territorial na area central do Rio de
Janeiro, Niteroi (RJ), Thèse de doctorat de Géographie
à l'Universidade Federal Fluminense, 2002
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