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Solto na cidade - uruguaiana

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par Florence Emberger
ENSAPB - Master 1 2009
  

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Présentation de l'UNIO ou Association de Camelots

Alors que la Prefeitura semble s'être désintéressée de l'organisation du Camelódromo de la rue Uruguaiana et de son devenir, les camelots ont décidé d'en prendre en main la gestion. Le résultat est plutôt spectaculaire, et la question est donc, comment cette organisation s'est elle mise en place ?

Le retour des frères Rapetous. La continuité d'une hiérarchie déjà établie.

A l'origine du Camelódromo, il existait une association de camelots appelle ACAC-RJ (Association des Commerçants Ambulants du Centre de Rio de Janeiro) qui fut o ciellement reconnue responsable de l'organisation des camelots sur les terrains vidés par les travaux du métro. Cependant, au sein du Camelódromo, un groupe d'actif commença à prendre en main la réalisation des travaux dont il a été question précédemment. A la tête de ce groupe, un dénommé Alexandre Farias, qui était déjà bien connu des camelots puisqu'il était l'un des trois frères Rapetous, le groupe qui régnait auparavant sur la rue Uruguaiana. Il est di cile de savoir si ce groupe s'est imposé comme une évidence étant donné la localisation, ou si des a rontements ont eu lieux comme au sein des précédents Camelódromos. Dixit Rosa Alice, l'actuelle présidente de l'association de camelots, l'UNIO a été fondée 2 ans après la création du Camelódromo, soit en 1996, date qui correspond au début des travaux mis en place par Alexandre Farias. Cela dit, d'après la presse, c'est en 1999 que fut créée l'UN IO, après une dispute entre Alexandre Farias et Antônio Perez, le responsable de l'ACAC-RJ. C'est à ce moment là que le contact a été rompu avec l'association qui était en lien direct avec la Prefeitura.

Pour la petite histoire, en mars 2007, les forces de l'ordre font une grande ra~ e dans tout le Camelódromo, ainsi que dans la maison du président de l'association. Ce dernier est fait prisonnier, accusé d'être à la tête d'un grand réseau de revente de marchandises dites « pirates ». Il s'agit dans l'ensemble de copies de CD et DVD, ainsi que de vêtements, tennis de marques falsi~ ées. Je n'ai pas retrouvée de traces quand et comment ce dernier sortit de prison, mais le 18 mai 2007, Alexandre Farias se fait tirer dessus et meurt alors qu'il était au volant de sa voiture.

Peinture réalisée sur un mur du Camelodromo, représentant très certainement Alexandre Farias

Par la suite, la présidence de l'UNIO fut reprise par Rosalice Rodrigues Oliveira, poste qu'elle occupe encore actuellement.

Le rôle de l'association au sein du Camelódromo

Alors que l'on peut considérer que le Mercado popular da Uruguaiana a atteint un premier stade satisfaisant en matière de construction, le rôle de l'UNIO n'en est pas moins limité. Même si à chaque incendie1, l'association est à la tête de la commande des travaux, elle assume quotidiennement un grand nombre d'autres tâches: elle est responsable de la manutention du Camelódromo et notament des toilettes, créées par la Prefeituera. Elle emploie donc une équipe de ménage qui intervient chaque jour. Elle assure la mise en place d'un réseau d'électricité, et son approvisionnement. De plus, depuis que les camelots laissent leurs marchandises dans les boxes qu'ils ont créés, une équipe de sécurité arpente 24h/24 les couloirs du Camelódromo. Pour tous ces services mis en place, les camelots paient à l'UNIO une taxe baptisée contribution sociale. Dans cette taxe sont également compris des services de dentistes et d'avocats auxquels ont droit les camelots. Dans le pratique aucun d'eux ne semble en pro ter, ou pour le moins je n'ai pas trouvé ceux qui en béné~ cient. Mais il semblerait que ce soit par choix, ces derniers

1 Jusqu'à ce jour, ont déjà eu lieu 3 incendies, le 11 février 2001, le 3 décembre 2001, 18 novembre 2007,

arguant qu'ils ont leurs habitudes ailleurs. Ils sont cependant conscients que ces services sont à leur disposition.

Toutes ces équipes (nettoyages, sécurité, dentiste, avocats), que Rosalice nomme les fonctionnaires de l'association représente actuellement 57 personnes. Cependant, lors d'une discussion avec l'un de ces anciens fonctionnaires, ce dernier met en avant certains détails au sujet de ces personnes au service de l'UNIO :

« Chacun qui participe à l'amélioration ici, le personnel (l'UNIO) lui donne un peu d'argent. Par exemple ici c'était plus bas (le toit), on l'a surélevé. Ils ont fait payé une taxe pour les box.

A cause des travaux?

Oui, à cause des travaux. Mais pour les travaux qu'est ce qui se passe? Ce sont leurs « employés », genre...

Qu'est ce que ça veut dire?

Comment est ce que je peux te dire ça? C'est un peu comme le tra~ c de drogue, ils ne peuvent que travailler à l'intérieur...

Mais comment ça, tu veux dire que vous ne pouvez pas venir et proposer des transformations à ceux qui en ont besoin?

Si bien sur tu peux, tu peux, mais je ne pourrais pas conseiller mon maçon par exemple, je ne peux pas amener qui je veux pour faire quelque chose ici, dans le Camelódromo. » (Evaldo - Un camelot ex-agent de sécurité du Camelódromo - Entretien réalisé en aout 2008)

Cette conversation met en évidence que toute la structure mise en place pour donner un caractère formel à l'ensemble ne sort en réalité pas du système informel. Cependant, on ne peut nier que l'UN IO fasse preuve d'une certaine volonté sur ce plan, et a réussi depuis peu à faire valoir les emplois des agents de sécurité. Ils sont aujourd'hui sous contrat, employés par l'UNIO, et cotisent ainsi pour leur retraite. Pouvoir dire que l'on est sous contrat (carteira assinada) au Brésil est une ~ erté particulièrement grande, preuve d'une insertion dans le système formel et de réussite sociale.

Autre détail, cette conversation démysti~ e un peu le système d'entraide concernant les milieux défavorisés. Au Brésil il existe un terme ; le Mutirão. Qui désigne ce que l'on pourrait appeler un travail en coopérative ; un système d'entraide mis en place ou chacun aide son voisin pour se voir aidé à son tour, et qui provoque l'admiration de nombreux corps de métiers aux aspirations utopistes. On attribue le succès du développement de certaines communautés dans l'état de Rio (et probablement ailleurs également) suivant ce principe de fonctionnement. Ce terme de mutirão s'est vu attribué au processus de développement du Camelódromo et par cette ré exion, notre interlocuteur sous entend que le mutirão a fonctionné aidé de certaines motivations. J'imagine que lors du commencement des travaux, l'aide ~ nancière de l'UNIO n'a pas forcément été présente tout de suite, mais on constate que maintenant que le Camelódromo a atteint un certain niveau de développement, des stimulations sont nécessaires.

Une autre ré exion, en ce qui concerne les fonctionnaires, conserne la sécurité mise en place dans le Camelódromo. Elle est composée de 20 hommes (5 par quadra) et est totalement invisible aux yeux des clients. Moi-même qui ai fréquenté les lieux très régulièrement ai mis beaucoup de temps à les reconnaître. Il sont habillés de façon tout à fait classique, mis à part qu'ils ont un gilet noir sans manche, avec l'inscription Camelódromo, discrète dans le dos. Autant dire que la communication est faible, comparée au personnel de l'UNIO a ublé de T-shirt vert ou orange suivant la fonction (coordinateur vert et directeur orange), avec l'inscription UNIO en grosses lettres.

On peut se poser la question de l'intérêt d'une telle discrétion. Comme le souligne Thierry Paquot, la sécurité a un double objectif d'intimidation envers les personnes mal intentionnées et de tranquillisation pour les clients qui fréquentent le lieu, qui comme nous l'avions dit, ont mis du temps à investir le Camelódromo. Or, Il a été montré que c'est le sentiment d'insécurité, tout autant que le nombre de crimes et délits commis qui diminuent par l'e~ et de la présence visible des forces de sécurité 2. Et l'invisibilité de cette sécurité induit un sentiment d'insécurité toujours présent dans la tête des clients :

« Bon, j'en ai seulement entendu parler, moi il ne m'est jamais rien arrivé, mais ici dans le Camelôdromo on dit qu'il y a beaucoup de pickpocket.

Ah bon?

Il ne m'est jamais rien arrivé, ni même à quelqu'un que je connais, mais je sais que dans certains blocs3 il y a beaucoup de pickpockets. Mais bon, je n'ai rien vu et rien ne m'est arrivé

Et tu sais dans lesquelles ça se produit plus?

Non, je ne sais pas»

( Fabiano - un client - Quadra D - Entretien réalisé en septembre 2008)

L'objectif premier de cette sécurité est de protéger la marchandise. Il va de soit qu'il faut également protéger le client car la réputation du lieu est en cause, mais ce n'est pas une priorité. Grâce à ce service de sécurité d'Uruguaiana, on est plus en sécurité dans le Camelódromo que dans le centre ville lui même, mais un grand nombre de gens l'ignorent. Par la discrétion de cette patrouille, Uruguaiana a che clairement que sur son territoire les lois qui y ont été établies sont mises en pratiques par leurs propres représentants de l'ordre qui sont di érents du système formel, tout comme le sont les lois en vigueur au Camelódromo. Malgré tout, les confrontations avec la police sont fréquentes et inévitables étant donné que nous sommes en plein centre ville. La sécurité d'Uruguaiana reste e cace mais fait pro l bas face à la ville formelle avec laquelle elle est continuellement en contact. Elle est tout à fait à l'image de cette cohabitation entendue entre le Camelódromo, son activité, et la ville de Rio.

2 Paquot Thierry, Le quotidien urbain. Essai sur les temps des villes, (Paris), Institut des villes, 2001.

3 Il a utilisé le terme bloco pour désigner ce que nous appelons quadra, suivant le langage établi par les camelots. On note par cette occasion que ce vocabulaire n'a pas encore été acquis par tous.

Organisation au sein de l'UNIO

L'UNIO est organisée suivant un schéma hiérarchique simple :

 

Figure 13

Le seul contact que les camelots ont avec l'UNIO se fait à travers des coordinateurs qui sont leurs intermédiaires directs. Leur tâche principale est de récolter la fameuse contribution sociale. C'est un travail quotidien car il n'y a pas de jour précis pour son règlement, chaque camelot passe un accord avec l'UNIO. Le coordinateur est également chargé de recueillir toutes les remarques de dysfonctionnements (électricité, matériel défectueux), et en faire part aux directeurs qui s'occupent de les résoudre. En n le grand rôle du coordinateur est celui de la gestion de con its entre camelots, qui d'après Felipe, sont réguliers.

Le président et le vice président sont responsables du fonctionnement général, essentiellement de la manutention (électricité, ménage, sécurité), et s'attèlent donc à la gestion des équipes hors camelots. Ces deux personnages représentent surtout le pouvoir au sein du Camelódromo et sont les interlocuteurs directs des ou d'un quelconque autre organisme souhaitant intervenir sur le Camelódromo.

Même si on ne sait pas exactement par quels moyens Alexandre s'est retrouvé à la tête de l'UNIO, on se doute que le réseau préexistant avant la création du Camelódromo a du jouer. Aujourd'hui, on ne sait pas trop comment Rosalice est arrivée au pouvoir ; si elle a été élue ou si cela s'est fait d'un commun accord entre le personnel de l'UNIO. Il est cependant établi que des élections doivent avoir lieu tous

les 5 ans pour changer le personnel de l'UNIO si les camelots le désirent. Cependant, depuis 15 ans l'équipe n'a jamais changé. Rosalice faisait déjà partie de l'équipe d'Alexandre et était connue de tous, elle occupait un poste de directrice. D'après l'extrait suivant, on semble comprendre que la première équipe de direction s'est faite par auto-proclamation.

« Premier jour du camelodrome elle (Rosalice) était déjà a l'intérieur, à participer à tout. Donc elle a une voix très active à l'intérieur. Alexandre, qu'est ce qu'il s'est passé? Il savait qu'elle avait beaucoup de connaissances, et il l'a appelée pour être directrice. Parce que là il faut avoir beaucoup de contact, bien dialoguer, entre amis. »

(Felipe - Coordinateur à l'UNIO - Entretien réalisé en septembre 2008)

Cetteéquipe ne semble pas près de changer, même si lesjournaux relatent parfois destémoignages de camelots se plaignant de l'attitude d'Alexandre qui exerçait sur eux du chantage. D'après un sondage réalisé par l'UNIO elle-même, cette dernière béné~ cierait de 95% des vois de camelots, ce qui indique que pour l'instant l'équipe ne sera pas modi~ ée.

On peut malgré tout citer le nom de Periquito, un camelot qui a créé sa propre association4, et qui dénonce des abus que commettrait l'UNIO. A son sujet Felipe sourit et lève les yeux au ciel.

« Il est fatigant, il ne veut pas reconnaître notre travail. On discute beaucoup avec lui mais bon... De toute façon il n'a l'appui de personne ici tu sais. Alors nous on lui fait comprendre... »

Les relations entre l'UNIO et les vendeurs du Camelódromo

Il est assez di cile de statuer sur le regard que portent les camelot sur l'UNIO. Toute une partie des travailleurs n'a pas de contact avec eux, et pour ceux avec lesquels le contact existe, on sent parfois quelques réticences à en parler, des sous entendus, des non-dits, mieux vaut ne pas se mettre l'UN IO à dos.

Le rôle de l'UNIO n'est pas perçu par tous de la même façon. Il y a tout d'abord toute une catégorie de camelots qui est arrivée après la création du Camelódromo qui reconnaît n'avoir aucun contact avec l'association, et n'est même pas au courant des service que cette dernière leur propose (dentiste notamment).

« Non, je n'ai pas trop de contact avec eux non. Parce que moi j'arrive ici, je monte le box, puis je ferme les lieux et je m'en vais d'ici. »

(Tiago, 21 ans- vendeur dans la quadra C depuis 1 an - employé - Entretien réalisé en décembre 2007)

4 Assocação Legitima Entidade Grupo de Apoio aos comerciantes do Mercado Popular do Centro do Rio. D'après l'article Depois do incêndio, ânimos quentes, par Marcelo Migliaccio, paru dans le Jornal do Brasil le 20 novembre 2007, l'association de Periquito aurait l'appui de 80 box sur les 1500 du Camelódromo.

Ce style de réponse est assez systématique venant de la part de personnes arrivée depuis encore peu de temps. En règle générale, qui ne paie pas la contribution sociale ne semble pas avoir de contact avec l'UNIO, mais les employés qui sont présents dans le Camelódromo depuis un moment commencent à entrer petit a petit au contact de cette association. Les rapports décrits sont très conviviaux.

« Et quelle est ta relation avec l'association de camelots? Tu as des contacts avec eux? Oui, des bonnes relations, et nombreuses.

Nombreuses, et de quel type?

Des conversations... On discute beaucoup.

Et tu trouves qu'ils arrivent à améliorer les conditions de travail ici? Ou c'est plutôt des relations amicales que tu as avec eux?

Oh, plutôt d'amitié, oui d'amitié. »

(Fernando, 18 ans - vendeur dans la quadra D depuis 4 ans - Entretien réalisé en décembre 2007 )

En n les camelots qui ont vu naître l'UNIO et savent comment elle fonctionne lui portent un regard di érent. Cela dit, généralement ceux qui semblent éprouver du désaccord avec le fonctionnement de l'UNIO, préfèrent être brefs à ce sujet, et cet extrait d'entretien est le seul qui soit une dénonciation réellement explicite.

« Par exemple tu bois une bière, tu paies la quantité que tu dois, d'accord? Ben nous on paie la quantité d'électricité qu'on utilise. Et ils prennent de l'argent, ça a un prix. C'est comme dans la maison ou j'habite, il faut bien payer ce qu'on utilise. Et ici certains utilisent et on abusent. Tu comprends?

Ah oui? Mais s'il y a quelqu'un qui veut se plaindre de quelque chose, comment il fait? Il va à l'association.

Mais tu ne peux pas te plaindre d'eux même...

Alors là tu peux prendre des coups, perdre ton point de vente... »

(Evaldo - Un camelot ex-agent de sécurité du Camelódromo - Entretien réalisé en aout 2008)

On peut lire de nombreux témoignages dans les journaux, où les camelots accusaient Alexandre Farias de les forcer à entrer dans des réseaux de piraterie etc. Toutes ces accusations sont à prendre avec précaution comme je l'ai déjà signalé, cependant il faut en avoir conscience. L'équilibre du Camelódromo repose sur les épaules de L'UNIO, c'est un fait, et les camelots sont conscients qu'ils lui doivent le bon fonctionnement quotidien du lieu. Cela dit, Roberto Anderson avait fait à juste titre la remarques suivante « Quand tu es hors la loi, dans l'irrégularité, ça donne une marge pour beaucoup d'autre irrégularités, notamment d'exploitation, à l'intérieur même du marché, certains en exploitent d'autres. » . C'est malheureusement ce qui semble e ectivement se passer au sein du Camelódromo.

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