II. Dans les coulisses du Camelódromo
Ce chapitre cherche à mettre en lumière la
façon dont les camelots se sont organisés au sein du
Camelódromo, quels processus ont été mis en place pour
rendre le lieu fonctionnel à la vente, et quelles en sont les
conséquences sur la ville formelle. On dit du Camelódromo qu'il
est hors de contrôle des autorités o cielles. Est-ce une
réalité? Quelles sont les règles en vigueur à
l'intérieur du Camelódromo? Au sein du Mercado Popular on compte
plusieurs échelles. Tout d'abord il existe une structure reconnue par
tous au sein du marché; l'UN IO. Il s'agit de l'association
créée par les camelots qui assure le fonctionnement quotidien du
lieu. Ensuite au sein des camelots eux-même, il existe d'autres formes
d'organisations, sur lesquelles l'UNIO n'intervient absolument pas. Il s'agit
essentiellement d'accords entre camelots qui sont à l'origine de
conséquences spatiales importantes, comme par exemple l'organisation des
marchandises par thème dont il a été question
antérieurement, les appropriations de l'espace,ou encore sur le rythme
de vie du Camelódromo.
Ainsi, nous allons tout d'abord nous pencher sur l'UNIO, a n
de savoir comment elle a été créée, sa forme
d'action et son rôle au sein de Camelódromo et dans la ville?
Par la suite nous aborderons les camelots eux même. Qui
sont ils? Comment occupent ils ce territoire devenu le leur? Que signi~ e
être vendeur du Camelódromo?
En n notre dernier regard se portera sur le rythme au sein du
Camelódromo et celui qu'il impose par voie de conséquence sur le
Centro qui, comme nous l'avions déjà noté, possède
quant à lui un rythme très spéci~ que.
L'UNIO - Pillier du fonctionnement du
Camelódromo.
Au fond de la quadra C, derrière un grand mur sur
lequel des lettres capitales vertes annoncent « associção -
Camelódromo » se trouve le siège de l'association de
Camelots, baptisée UNIO par ces derniers. Passé le porche nous
nous trouvons alors plongés dans un décor qui pourrait être
celui de Mad Max, où sont entreposés divers outils et
matériaux de construction, un peu e acés par les rayons d'un
soleil puissant tamisés de poussière et d'ombres marquées.
Des hommes à la mine peu engageante ne tardent pas à demander ce
que vous faites ici. La première fois que je suis entrée je me
suis dit qu'il était
Porche d'entrée de l'UNIO
peut être encore temps de revenir sur mes pas et de
changer de sujet de mémoire, avant de parvenir à retrouver dans
mon esprit le nom de la personne que m'avaient indiqués les camelots;
Rosalice, alias Alice, la présidente de l'association. On m'amena donc
dans son bureau. Rosalice, une femme de 47 ans au visage marqué,
m'expliqua entre deux ordres donnés à des hommes de petites
tailles qui semblaient courir dans tous les coins, qu'elle ne voyait pas
d'objection à ce que je travaille sur le Camelódromo, mais qu'il
ne fallait pas que je compte sur son aide. A force de discussions elle accepta
de me revoir d'un air agacé pour m'accorder un entretien qui ne durera
qu'une dizaine de minutes mais m'apportera quelques éclaircissements sur
le fonctionnement et le rôle de l'UNIO. Alors que je m'étais
résignée à me satisfaire des informations que j'avais
obtenues sur cet organisme, je ~ s un jour la connaissance de Felipe, le ~ ls
de Rosalice, qui est également un coordinateur de l'UNIO (j'expliquerai
par la suite ce qu'implique ce rôle). A l'inverse de sa mère,
Felipe, personnage imposant à l'allure joviale m'a o ert son aide avec
plaisir. Il a par contre toujours tenu à ce que nos rencontres se
fassent à l'extérieur du Camelódromo, et sa
première déclaration fut « Je sais de quelles
informations tu as besoins, et je te dirais ce que je sais que je peux te dire
». C'est à lui que je dois l'historique sur les
transformations du marché, celui de la création et des
transformations de l'UNIO, des explications détaillées sur les
rôles de chacun au sein de l'UNIO et du Camelódromo, et
également des informations nouvelles que je n'imaginais pas sur les
organisations entre les vendeurs de rue de Rio de Janeiro.
La faiblesse de ce qui s'annonce dans cette partie pourrait
venir du fait qu'elle soit essentiellement basée sur les dires d'actifs
de l'UNIO, limitant ainsi les points de vues. Des entretiens avec d'autres
personnes telles que Roberto Anderson, un ancien travailleur de l'UNIO, les
camelots eux-mêmes et des articles de journaux, m'ont permis d'avoir des
sons de cloches di érents. J'ai surtout tenté de faire ressortir
ce qui m'a paru le plus plausible pour mettre en lumière la force et les
failles de ce système, en faisant le tri dans les informations non
véri~ ées que l'on trouve notamment dans les journaux. En e et,
le Camelódromo fait régulièrement la une à propos
de son investissement dans la contrebande, ou encore à propos des
accusations régulières des camelots au sujet de l'UNIO qui les
exploiterait. Lorsque l'on veut comprendre quelles sont les limites de ce
système créé par les camelots on ne peut écarter
ces accusations, mais il faut les prendre avec parcimonie. D'autant qu'il m'est
arrivé de constater parfois par moi-même l'infondé de
certaines accusations écrites dans les journaux comme le Globo. Ainsi
cette partie a pour but de décrire des faits, quitte à laisser en
suspend certaines interrogations pour lesquelles chacun est libre de son
jugement. L'objectif est ainsi de comprendre qui compose l'UNIO, comment
fonctionne elle, quel rôle joue-t-elle au sein du Camelódromo,
quelles lois la régissent?
|