Chapitre 2. La responsabilité pénale
Section 1. Les infractions d'imprudence comme source de la
responsabilité pénale des sociétés de
classification
Section 2. La répression des infractions aux
règles pénales de l'environnement comme nouveau
foyer de la responsabilité CONCLUSION GENERALE
Abréviations et sigles
A.B.S. American Bureau of Shipping
A.D.M.A. Annuaire de Droit maritime et Aérien
A.D.M.A. Annuaire de Droit maritime et Océanique
A.J.D.A. Actualité Juridique, Droit administratif
Ass. plén. Assemblée plénière
B.V. Bureau Veritas
C.E. Conseil d'Etat
C.E.D.H. Cour Européenne des Droits de l'Homme
Chron. Chroniques
Circ. Circonscription
Civ. Chambre civile de la Cour de cassation
Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation
Concl. Conclusions
Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation
D. Recueil Dalloz
D.M.F. Droit maritime français
D.N.V. Det Norske Veritas
E.M.S.A European Maritime Safety Agency
G.A.D.I.P. Grands Arrêts du Droit International
Privé
G.A.J.A. Grands Arrêts de la Jurisprudence
Administrative
GAZ. PAL. Gazettes du Palais
G.L. Germanisher Lloyd
I.A.C. S. International Association of Classification Society
I.I.D.M. Iberoamerican Institute of Maritime Law
I.S.M. International Safety Management
I.S.P.S. International Ships and Port Facility Security
J.C.P., Ed. Gen. La Semaine Juridique édition
généralement
J.M.M. Journal de la Marine Marchande
J.O. Journal Officiel
J.O.C.E. Journal Officiel des Communautés
Européennes
L.G.D.J. Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
L.R.S. Lloyds Register of Shipping
L.L.R. Lloyd's Law Report
MARPOL Marine Pollution (Convention O.M.I.)
Obs. Observations
O.M.I. Organisation Maritime Internationale
Préc. Précité
P.U.A.M Presses Universitaires d'Aix-Marseille
P.U.F. Presses Universitaires de France
R.D.P. Revue de Droit Publication
Rec. Recueil Lebon
R.C.D.I.P. Revue Critique de Droit International Privé
R.D.T. Revue de Droit des Transports
R.F.D.A. Revue Française de Droit Administratif
R.S.C. Revue de Sciences Criminelles
RINA Registro Italiano Navale
S.O.L.A.S Safety of Life at Sea (Convention O.M.I.)
T.C. Tribunal des Conflits
T.J.B. Tonneaux de Jauge Brute
U.S.C.G. United States Coast Guards
INTRODUCTION
« O combien de marins, combien de capitaines Qui sont partis
joyeux pour des courses lointaines Dans ce morne horizon se sont
évanouis!
Combien ont disparu, dure et triste fortune! Dans une mer sans
fond, par une nuit sans lune, Dans l'aveugle océan à jamais
enfouis! »
Victor Hugo, Oceano Nox, juillet 1836
Cette première strophe du poème de Victor Hugo
illustre le paradoxe des rapports que l'Homme entretient avec la mer. Les
Hommes ont de tout temps été attirés par la mer dont
l'immensité est synonyme d'inconnu et donc de découvertes et qui
leur offre ses nombreuses ressources. Mais les disparitions récurrentes
de ceux qui l'exploitent ou la parcourent pour le commerce notamment nous
rappellent sans cesse la dangerosité de la mer.
Section 1. L'apparition de règles
préventives face à l'insécurité maritime
Les espaces maritimes, que ce soit près des côtes
ou plus au large, connaissent une insécurité endémique. La
mer est, de tout temps, restée synonyme de dangerosité pour les
personnes qui s'y aventuraient. A la piraterie qui sévissait et qui
sévit encore dans de nombreuses zones s'ajoutaient les mauvaises
conditions climatiques. Cette idée d'insécurité
apparaît particulièrement dans les notions intéressant la
navigation maritime. Les notions de chance et de fatalité sont ainsi
attachées à cette navigation. La fortune de mer par exemple
désigne tout événement survenu au cours d'un voyage
maritime et dû à des circonstances liées à
l'état de la mer et du vent1. Du fait de cette
dangerosité, le terme d'aventure maritime était utilisé
pour qualifier la navigation maritime et les marins étaient des
aventuriers.
1 A. LE BAYON, Dictionnaire de droit maritime, PUR,
2004.
Malgré ce risque, ce péril marin,
inhérent et endémique à la navigation maritime, le
transport par mer s'est développé depuis l'Antiquité. Le
manque de connaissance du milieu mais également le manque de
développement scientifique et technique expliquent la faiblesse des
navires pour affronter le mauvais temps dans l'Antiquité. Pour
éviter un péril imminent, les marins avaient recours notamment
à la pratique du jet. La cargaison et même les vivres
étaient jetées par dessus bord pour alléger l'embarcation.
Cette pratique était prévue par la Lex Rhodia de Jactu. Cette
loi, empruntée aux Rhodiens2 fut nommée Rhodia.
Au Moyen Age, les premières règles
préventives se développèrent et furent
insérées dans des textes. Ainsi, les autorités maritimes
des grands ports de la Méditerranée édictèrent des
directives sévères sur le franc-bord. Cette législation
était destinée à lutter contre les abus des armateurs et
capitaines qui surchargeaient leurs navires pour dégager le plus de
profit possible et ce, malgré le risque de perdre le navire ainsi que la
cargaison qu'il transportait. Une telle réglementation apparaît
à Venise au cours du XIII ème siècle. Il était
interdit de dépasser le tirant d'eau marqué pour chaque navire
par une croix sur la coque. Ce tirant d'eau représente le volume d'eau
que déplace un navire.
Les autorités gènoises avaient, quant à
elles, des règles précises pour calculer le tirant d'eau maximal
de certains navires, ainsi qu'une procédure de contrôle du
chargement et des sanctions en cas d'abus. Des fonctionnaires avaient pour
tâche de mesurer les navires pour calculer ce tirant d'eau et d'assister
à la mise en place sur la coque de fers, ancêtres des lignes de
charge3.
La fin du XVIIème siècle et le XIXème
siècle virent se développer des législations nationales
plus ambitieuses. Les Révolutions industrielles que connurent
successivement le Royaume-Uni et la France notamment, apportèrent de
nombreuses innovations techniques qui favorisèrent le
développement des transports maritimes. Ainsi, l'invention de la machine
à vapeur révolutionna le transport en soustrayant en partie le
transport maritime aux aléas du vent qui limitaient la navigation
à la voile.
La recherche d'une plus grande sécurité fut
conduite tout d'abord dans un cadre purement privé. Les
différents opérateurs du transport craignaient qu'une
intervention étatique en ce domaine soit trop étendue et mal
adaptée aux réalités du commerce maritime. «
L'intérêt bien compris de l'armateur ayant engagé toute sa
fortune dans l'acquisition de navires, représentait finalement la
2 D. GAURIER, La Lex Rhodia de Jactu, ADMO, tome XV,
1997, pp. 185-187.
3 F. ATTOMA-PEPE, Un aperçu du franc-bord des navires
au Moyen-Age, BULLETIN TECHNIQUE DU BUREAU VERITAS, janvier 1976, pp.
10-14.
meilleure garantie de la sécurité de tous
»4. Cette conception libérale de la
sécurité maritime fut majoritaire pendant toute la
première moitié du XIXème siècle.
Il fut à cette époque considéré
que toutes les personnes ayant un intérêt au transport maritime
devaient assumer leur part de responsabilité face aux périls de
la mer. Ainsi se développa la copropriété des navires
visant par exemple à amoindrir les aléas économiques en
divisant les risques. C'est également à cette époque que
se développèrent les premières sociétés
d'assurance maritime. Ce mécanisme consiste à faire intervenir un
tiers en la personne de l'assureur, qui prend la place de celui à qui le
risque incombe. Le XIX siècle vit aussi la naissance des principales
sociétés de classification.
Malgré cette conception très libérale de la
sécurité maritime, certaines législations nationales plus
ambitieuses se développèrent. Des réglementations
préventives furent mises en place ainsi que des procédures de
contrôle des navires, principalement en France et en Grande-Bretagne.
L'Ordonnance sur la Marine de Colbert institua les fonctions
d'huissiers-visiteurs. Par la suite une déclaration royale du 17
août 1779 mis en place une double visite du navire pour les
expéditions maritimes, l'une à l'aller et l'autre au retour.
Pendant la Révolution, le 9 août 1791, fut votée une Loi
sur la police de la navigation. Cette Loi imposait aux capitaines des navires
armés au long cours de provoquer eux-mêmes la visite du navire
avant armement puis avant chargement. Les inspections étaient
menées par des officiers-visiteurs ou experts-visiteurs nommés
par le tribunal de commerce ou à défaut par le maire de la ville.
Ces inspecteurs étaient d'anciens navigateurs, constructeurs ou
charpentiers qui avaient des connaissances certaines sur la navigation en mer
et sur la structure des navires aptes à effectuer une telle
navigation5.
La promulgation du Code de commerce n'apporta pas de
modifications importantes au système mis en place par cette Loi. Par la
suite, les inspections annuelles furent progressivement étendues
à d'autres navires. L'embarquement et le débarquement des
marchandises dangereuses furent réglementés par un décret
du 2 septembre 1874.
Le système des visites fut remanié par une Loi
du 17 avril 1907 qui encadrait les conditions de construction du navire, son
armement et ses équipements mais également ses conditions de
chargement et d'exploitation6. Cette Loi créa
également le corps des inspecteurs de la navigation
4 P. BOISSON, Politiques et Droits de la
Sécurité Maritime, EDITIONS BUREAU VERITAS PARIS, 1998, p.
29.
5 D. DANJON, Traité de droit maritime, LGDJ,
Paris, 1910, p.100.
6 P. BOISSON, op. cit., p. 30.
chargés d'effectuer des visites préalables
à l'appareillage des navires. Elle constitue la base de la
réglementation française moderne en matière de
contrôle des navires et elle marque la mainmise définitive des
règles étatiques sur la sécurité maritime.
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