II.2. Problématique, question de recherche et
hypothèses de recherche
L'intégration est un processus qui a toujours
existé. Les peuples se sont rapprochés sous différentes
formes qui sont allées des formes brutales de guerre aux formes douces
d'échanges commerciaux et de mariages. Cependant, l'intégration
régionale, sous sa forme actuelle, est une révolution post
industrielle et un phénomène typique du 20ème
siècle, caractérisé par la libre circulation (des
marchandises, des services, des capitaux, des personnes, des idées, des
politiques, des valeurs et de la culture) à travers des
frontières communes, réalisée à travers la
suppression progressive des frontières identifiables des Etats
nations.
L'intégration régionale moderne est un processus
de restructuration fondamentale des frontières existantes des Etats
nations dans un super Etat, généralement un Super Etat
Economique. Au 20ème siècle, l'intégration
régionale était, dans son essence, un constat que
l' « Etat-Nation » tel qu'il a évolué
à travers les siècles depuis les grandes civilisations de
l'histoire ancienne et atteint l'âge mûr au 18 ème
siècle, était inadéquat sous la nouvelle ère de
l'information et de la communication à savoir que « l'Etat est
devenu trop petit pour les grandes choses et trop grand pour les petites
choses ». Il existe une dynamique visible et globale vers la
décentralisation. Il est aussi devenu une réalité qu'il
est peu probable que l'intégration régionale soit
gérée avec succès et de manière durable sans
gouvernements locaux efficaces. Cette compréhension relativise ce que
certains prennent plaisir à dire comme quoi « L'Etat Nation
est mort, longue vie au Super Etat ».
L'intégration régionale a peu progressé
ces dernières décennies en Afrique. Le pourcentage de commerce
intra régional est de 9% en Afrique occidentale et seulement de 4% en
Afrique centrale (Foroutan, 1998). Avec la résurgence des conflits
armés et des guerres civiles en Afrique de l'Ouest et du Centre,
l'intégration régionale a même reculé. La guerre en
Côte d'Ivoire a engendré une grande perturbation du commerce
intrarégional ainsi que des échanges avec les pays tiers. De
même, le conflit au Congo-Brazzaville et la paralysie du chemin de fer
pendant de longues périodes a déstabilisé les
échanges avec les pays voisins.
Depuis le début des années 90, une reprise du
processus d'intégration régionale s'observe en Afrique ; elle
intervient après l'éclipse des années 80 qui avait
succédé à l'effervescence intégrationniste ayant
caractérisé la décennie des indépendances. Cette
recherche de l'intégration, grâce à laquelle le
thème et la démarche sont à nouveau à l'ordre du
jour, reflète la conviction chez les décideurs des
économies africaines que l'intégration est une condition
essentielle du succès des efforts déployés en
matière de développement. Cette conviction s'est d'autant plus
consolidée que l'évolution de l'économie mondiale se
traduit par l'émergence de pôles économiques,
eux-mêmes résultats de regroupements et d'émergence de
pôles tels que la mondialisation est multipolaire
(B.Békolo-Ebé, 1993, 1994).
Sur le plan politique, les tentatives de la CEDEAO et de la
CEMAC d'apporter des solutions africaines aux différentes crises des
pays membres ont connu des échecs. Tous ces faits montrent que le
processus d'intégration régionale a été
caractérisé depuis longtemps par une crise structurelle et que la
nouvelle approche de l'intégration mise en place dans le cadre de la
zone franc au milieu des années 1990 n'a pas apporté les
remèdes appropriés. Il convient par ailleurs de mentionner que
les raisons qui motivent les pays à s'intégrer restent
partagées. Les structures socio-ethniques, l'histoire commune, le
contexte géostratégique dans lequel ces pays évoluent sont
autant de facteurs explicatifs de cette intégration comme le montre N.
Bourenane(1995).
Comme les autres pays du monde entier en général
et de l'Afrique en particulier, le Rwanda n'a pas échappé
à l'intégration dans la région et d'appartenir à
plusieurs ensembles économiques régionaux. C'est récemment
qu'il a rejoint la Communauté de l'Afrique de l'Est même si la
demande d'adhésion a été présentée depuis
1996. En effet, si on localise le Rwanda dans son contexte géographique,
il est situé au Centre Est de l'Afrique entre 1 et 3° L.S et entre 28
et 30° L.E. Il se trouve à 1,200 km de l'Océan Indien et à
2,200 km de l'Océan Atlantique, il partage ses frontières au Sud
avec le Burundi, à l'Est avec la Tanzanie, au Nord avec l'Uganda et
à l'Ouest avec la République Démocratique du Congo. Ce
contexte géographique d'enclavement du Rwanda fait que les produits
importés soient relativement chers et les produits d'exportation moins
compétitifs sur le marché mondial (J.D. Muhigira, 1991).
Au cours de l'histoire récente du Rwanda, ce dernier a
adhéré aux différentes organisations régionales
comme la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL),
l'Organisation du Bassin pour l'aménagement de la Kagera (OBK), la
Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale,
(CEEAC). Suite aux crises qu'ont connues le Burundi (1993), le Rwanda (1994) et
la République Démocratique du Congo (1996), la CEPGL est devenue
inopérante. Les États membres de cette Organisation traversent
depuis plus d'une décennie, la plus grave crise politique de leur
existence, marquée entre autres par des conflits ethniques d'une ampleur
sans précèdent, une insécurité
généralisée et un blocage de longue durée des
institutions républicaines et des administrations (C.I. R. G. L, 2006).
L'autre organisation régionale à laquelle le Rwanda
avait adhéré est l'Organisation pour l'Aménagement du
Bassin de l'Akagera (OBK). Après le Génocide de 1994, cette
organisation n'a pas été aussi fonctionnelle, il semble qu'elle a
été abolie.
Quant à la CEEAC, le Rwanda s'est retiré de
cette organisation le 5 juin 2007. A cet effet, l'ancien
Ministre Rwandais des Affaires Étrangères Charles Murigande a
justifié ce retrait par le fait que le Rwanda « est
confronté aux problèmes liés aux multiples appartenances
aux Communautés Économiques Régionales ayant pour
corollaire la perte et la déperdition des maigres ressources
(Rapport de la Deuxième conférence des Ministres
Africains de l'Intégration, 2007). Cependant, en y regardant de
près, l'on remarque que le retrait est motivé par des raisons
géostratégiques et politiques. Sans entrer en détails, une
chose est certaine c'est que le retrait du Rwanda à la CEEAC, correspond
à son entrée à la CAE. Bien que les facteurs
d'intégration du Rwanda à la CAE soient nombreux, le
gouvernement Rwandais précise que « plus de 70% du commerce du
Rwanda se passe dans le rayon commercial de la CAE et que la
quasi-totalité des institutions rwandaises sont liées à
celle des pays de la CAE par des accords de coopération » (La
Nouvelle Relève, 2007).
Pour approfondir davantage cette question ayant trait aux
raisons ayant motivé l'intégration du Rwanda à la CAE,
nous nous sommes posé la question suivante : «Quels sont les
facteurs qui ont poussé le Rwanda à s'intégrer dans la
Communauté de l'Afrique de l'Est »?
Les réponses provisoires à cette question se
résument autour de deux hypothèses ci - après :
1. Les facteurs géographiques et historiques justifient
d'un côté l'intégration du Rwanda à la
Communauté de l'Afrique de l'Est;
2. Les facteurs économiques et politiques justifient
de l'autre côté l'intégration du Rwanda à la
Communauté de l'Afrique de l'Est.
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