II.1.1.2. La théorie classique instrumentaliste
Cette approche instrumentaliste des stratégies
d'intégration régionale se présente sous deux formes : une
approche institutionnelle, axée sur la mise en place des institutions
chargées de la promotion et du suivi du processus, et une approche
axée sur le choix des modalités d'intervention (N. Bourenane,
1996).
En ce qui concerne les institutions à mettre en place,
se retrouvent deux orientations non exclusives. La première donne la
primauté à la mise en place de structures multilatérales,
spécifiques et permanentes, chargées de définir et de
proposer aux États des programmes d'action et d'en suivre l'application
une fois qu'ils sont adoptés (op.cit). Les organisations
communautaires ainsi créées ont en propre leur siège, leur
personnel et leur budget de fonctionnement. Leurs décisions ont un
caractère supranational obligatoire et contraignant pour l'ensemble des
partenaires (N. Bourenane, 1996). La seconde donne la préférence
à l'institution de commissions intergouvernementales
spécialisées, se réunissant périodiquement, pour
préparer et prendre des décisions à mettre en oeuvre par
les pays et en évaluer par la suite l'exécution. Elles sont
constituées de hauts responsables qui représentent les
départements ministériels des États concernés lors
des travaux. Les personnes désignées sont ainsi susceptibles
d'être changées. Seules les structures ont une certaine
pérennité (op.cit).
Si on y regarde de près, on constate que la seconde
orientation a pris le dessus en Afrique comme le dit d'ailleurs (L.L, Ntumba,
1996). Les secrétariats et les autres organes communautaires restent
limités dans leur pouvoir et leur champ d'action, parfois même
dans leur indépendance d'action au niveau opérationnel
(N.Bourenane, 1996). Le vrai pouvoir se situe dans chaque cas auprès des
instances intergouvernementales, à savoir la Conférence des chefs
d'État et de gouvernement, le Conseil des ministres et les commissions
techniques spécialisées composées de commissaires des
États. Cela reflète le primat de la coopération sur la
construction communautaire et traduit le fait que les organisations
intergouvernementales n'expriment pas une volonté de
dépassement, mais au contraire de réaffirmation, des
souverainetés nationales (op.cit).
II.1.1.3. L'approche de la construction communautaire
privilégiant les actions de type stratégique
Cette approche telle que proposée par N.
Bourenane(1996) ouvre la démarche de la construction communautaire
à ce qui est stratégiquement utile et réalisable sur les
plans sociaux et techniques. La question des instruments de mise en oeuvre des
stratégies d'intégration fondée sur une telle
problématique devient ainsi seconde. En effet, le type d'institutions
à mettre en place, les mesures concrètes à promouvoir et
les échéances à fixer dépendront directement de la
nature et des éléments de la stratégie de construction
communautaire choisie, du contexte, de la nature des acteurs en présence
et des enjeux qui les réunissent. Pour une compréhension
mutuelle, il est important de définir les éléments
clés dans les termes de l'auteur.
II.1.1.3.1. Une convergence des stratégies
nationales
N.Bourenane (1996) préconise une démarche
pragmatique, fondée sur l'adoption d'une stratégie
réaliste et dynamique de l'intégration. Parmi les
éléments d'une telle approche, la première a trait
à la conception-même de la construction communautaire, qui doit
refléter des accords s'exprimant au triple plan sous-national, national
et international entre les partenaires directement concernés. Autrement
dit, la stratégie de construction régionale doit exprimer une
convergence de stratégies nationales particulières,
définies de façon démocratique.
II.1.1.3.2. Une démarche progressive et
flexible
Le deuxième élément requis d'une approche
plus pragmatique et réaliste se réfère à la
constitution des entités régionales. Contrairement à la
vision qui semble prévaloir sur le continent et qui tend à faire
de l'intégration régionale une démarche fondée sur
l'exclusion de l'appartenance d'un pays à plus d'une organisation
communautaire, le choix des groupements régionaux devra être
davantage le fait des opérateurs économiques, ce qui suppose une
démarche très souple, variable selon les objectifs des
différents intervenants (N. Bourenane). La définition des
programmes d'intégration et des objectifs temporels devra tenir compte
également de la nature des structures socio-ethniques des pays
considérés, de l'histoire récente des relations entre
leurs composantes humaines respectives et du contexte
géostratégique dans lequel ils évoluent.
II.1.1.3.3. Le rôle de l'État et les
Organisations intergouvernementales
L'intégration est ici repensée en tenant compte
des différents acteurs concernés et de leurs rôles
respectifs (N. Bourenane, 1996). Dans le nouveau contexte résultant de
la mise en oeuvre de programmes économiques articulés autour d'un
désengagement de l'État des espaces de production et
d'échange, l'État ne pourra plus systématiquement imposer
les cadres d'organisation et d'intervention aux acteurs économiques,
privés ou publics (op.cit). Au contraire, l'état devra
informer, suggérer et accompagner les actions, laissant ainsi place
à la dynamique sociale des échanges et de luttes qui
réunit les acteurs sociaux concernés.
Aussi, le devenir des institutions et des organisations
intergouvernementales a été repensé dans cette optique.
Les OIG doivent être réorganisées pour servir de
structures de propositions et d'appui aux opérateurs, au lieu de
continuer à fonctionner comme des prolongements et des excroissances des
États, sans prérogatives réelles (N. Bourenane, 1996).
Cette orientation aura le double intérêt, de libérer ces
entités de l'emprise stérilisante des pouvoirs en place et
d'ouvrir des perspectives à leur autofinancement partiel, par les
partenaires intéressés aux processus de construction
communautaire qui se mettent en place (op.cit).
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