D. DE LA PROBLÉMATIQUE
1. POSITION DU PROBLEME
Raymond Quivy affirme qu' « une recherche est par
définition quelque chose qui se cherche. » (Quivy, 1995 :21) Une
telle assertion pourrait se vérifier dans le cadre de notre
investigation sur les relations établies entre le
Cameroun et l'UNESCO qui, nous confrontent à une réalité
quelque peu ambiguë. C'est qu'aux yeux de ses principaux acteurs, (tant du
Cameroun que de l'UNESCO) il ne fait aucun doute que le Cameroun et
l'Institution spécialisée des Nations unies entretiennent une
« coopération fructueuse ». Paradoxalement la population
camerounaise semble « minorer », lorsqu'elle « n'ignore »
pas simplement l'utilité de l'UNESCO au sein du territoire national.
Autrement exprimé, cette coopération, de l'aveu des ses
promoteurs, connaît « une faible visibilité », si ce
n'est une vulgarisation assez limitée auprès des populations.
Pour étayer leur argumentaires, les promoteurs notent le fait que le
Gouvernement camerounais bénéficie d'un nombre assez important de
projets financés sous l'égide de l'UNESCO au sein de son
territoire, signe de la reconnaissance des « bons » rapports
établis entre les deux institutions. (Voir supra) «
Coopération exemplaire » également dans la mesure où
le Cameroun contribue au fonctionnement quotidien de l'UNESCO à travers
le payement de ses contributions, ainsi que par son action appréciable
au sein des différents organes de l'institution
spécialisée.
Ainsi, lors de son Discours d'ouverture à l'occasion de
la quatrième Conférence des Commissions Nationales pour l'UNESCO
de la région Afrique tenue à Yaoundé du 2 au 6 juin 2003,
le Premier Ministre camerounais, Peter MAFANY MUSONGUE acclamait avec
fierté la coopération avec « cette Organisation (...)
concrétisée jusque-là par un grand nombre d'actions
». Sur invitation du Chef de l'État camerounais, Monsieur
Koïchiro MATSUURA, Directeur Général de l'UNESCO en visite
officielle au Cameroun du 15 au 17 janvier 2004, dans son discours d'ouverture
ne manquera pas d'adresser ses remerciements pour la « coopération
fructueuse que le Cameroun entretient de longue date avec l'UNESCO et pour son
engagement personnel en faveur de la paix et d'une diplomatie de
proximité ». A l'ouverture de la Conférence des Ministres de
l'Éducation des États membres de la Communauté
Économique et Monétaire d'Afrique Centrale (CEMAC), tenue
à Yaoundé du 16 au 17 janvier 2004, le Pr. Joseph OWONA, Ministre
de l'Éducation Nationale et président de la Commission Nationale
de la République du Cameroun pour l'UNESCO, va à son tour dresser
une ébauche de bilan de la coopération Cameroun-UNESCO : «
Les relations que le Cameroun entretient avec l'UNESCO sont aussi vieilles que
le Cameroun même en tant que nation indépendante. C'est en effet
dès 1960 que le Cameroun a adhéré à l'UNESCO.
Depuis lors, cette Organisation se tient à nos côtés, dans
les domaines de sa compétence, pour aider notre pays à s'affirmer
comme nation libre et responsable de son destin, mais aussi comme nation du
savoir, de la science et de la paix ». Plus récemment le 23 octobre
2007 à Paris, le Chef de l'État camerounais dans son discours
tenu devant la 34ème Conférence générale
de
l'UNESCO, suite à « l'aimable invitation »
à lui adressée par K. MATSUURA, va reconnaître que : «
le Cameroun et l'UNESCO entretiennent une coopération fructueuse et
exemplaire ». Autant d'exemples qui sont là pour nous
révéler que des relations Cameroun-UNESCO seraient positives aux
yeux de ses promoteurs institutionnels, ainsi qu'ils le mentionnent au fil des
années, dans leurs discours respectifs9.
Le discours politique, bien que n'étant
forcément pas « cet instrument docile et transparent grâce
auquel la réalité des « choses » se laisserait
percevoir. », tout au moins reste t-il producteur de sens en ceci qu'il
« construit le monde social autant qu'il le reflète » (Le
Bart, 1988 :3, 5). Et si « le monopole de la parole légitime,
poursuit Le Bart, n'équivaut pas au droit de dire n'importe quoi »,
c'est parce qu'aux yeux de notre auteur, le discours signifie et fabrique une
vision commune de la réalité (idem, 10 et 31). Or si l'on reste
dans la perspective de la perception par le haut de la coopération
Cameroun-UNESCO, il n'est pas rare d'observer des regrets provenant des
mêmes personnalités qui se plaignent néanmoins de la faible
appropriation de la coopération par les masses, sinon de leur
insensibilité vis-à-vis de celle-ci. Aussi peut-on lire ici et
là :
« Cette coopération, au-delà des structures
traditionnelles de coopération, au-delà de la participation du
Cameroun aux activités traditionnelles de l'Organisation a connu des
faits marquants (qui)... ne sont malheureusement guère connus du grand
public Camerounais », regrette le Secrétaire Général
de la Commission Nationale de la République du Cameroun pour l'UNESCO,
Barthélémy MVONDO NYINA. Ou encore : « Il ne reste plus
qu'à sensibiliser le peuple camerounais qui n'est pas au courant de ces
grandes réalisations... », renchérira cette autre
autorité camerounaise habituée de la coopération
internationale10. Aussi pouvons nous dire sans grand risque de se
tromper que c'est fort de ce constat que les autorités camerounaises, de
concert avec les partenaires financiers internationaux, vont organiser un
séminaire portant entre autre sur le renforcement de la
visibilité des relations Cameroun-UNESCO. Ce
séminaire11, financé sous fond japonais pour
l'essentiel, va s'étaler sur une semaine entière (septembre 2007)
de sensibilisation du public de Yaoundé et de ses environs sur le bien
fondé de cette coopération.
9 Cette vision ultra positive de cette
coopération revient régulièrement dans les discours de
l'actuelle ministre de l'Education de base et Présidente de la
Commission camerounaise pour l'UNESCO, HAMAN ADAMA ; vision que partagent
également les fonctionnaires internationaux travaillant au sein du
Bureau régional de l'UNESCO, dont leur plus haut représentant
Bernard HADJAD
10 Il s'agit de Henri Matip Ma Soundjok,
Président du Conseil National de la Francophonie (CNF), dans une
interview accordée au quotidien `Demain le Cameroun', N°009,
novembre 2007, pp. 8-9.
11 Saluons à cet effet l'action
discrète, mais essentielle du diplomate camerounais Charles Assamba, qui
est à la base et à la mise en oeuvre de ce projet.
Ce qui précède nous laisserait
légitimement penser qu'il existerait une sorte de hiatus entre les
activités menées par l'UNESCO au Cameroun, et l'attitude du
public qui représente la finalité, si ce n'est la raison
d'être de cette coopération. Or, de l'avis du Directeur
Général de l'UNESCO, « l'épreuve de
vérité reste, bien entendu, ce que perçoivent
concrètement les populations dans leur vie quotidienne et qui est,
aujourd'hui, encore beaucoup en deçà des attentes ».
Lesquelles attentes devraient être à la mesure de la mission
confiée à l'Organisation dont l'action touche une panoplie de
domaines dont les principaux sont relatifs à l'éducation, la
communication, la science et la culture. Tandis que l'environnement et les
droits de l'Homme relèvent progressivement du nouveau champ de
l'UNESCO.
C'est que les pays africains n'ont pu investir suffisamment,
et ce jusqu'à ce jour, dans la recherche-développement
scientifique et technologique, ni dans les infrastructures humaines et
institutionnelles en matière de science et de technologie12.
Qui plus est, la vulgarisation de l'éducation dans tout l'étendu
du territoire est une préoccupation constante des autorités
camerounaises qui préexiste au forum de Dakar, et la sempiternelle
question de son adéquation au contexte interne, lui même en
interaction avec l'environnement international et/ou, à l'esprit du
temps, garde entièrement sa pertinence.
Car l'actuelle configuration des relations internationales
fait état d'une conjoncture dominée par une situation
d'interdépendance complexe, où l'État, bien que demeurant
un acteur primordial, doit désormais compter avec les autres acteurs non
moins importants à l'instar des firmes multinationales, des
Organisations Non Gouvernementales (ONG), des Organisations Internationales
(OI), et même les individus. De même, il va sans dire que
l'appréhension des notions telles que « l'intérêt
national » et la « puissance » devrait tenir compte de cette
nouvelle donne. Aussi, est-il permis d'observer cette complexité du
système international dans le cadre des relations établies entre
le Cameroun et l'UNESCO qui, bien que n'étant pas un bailleur de fonds
et encore moins une institution opérationnelle doit « pourtant
veiller à ce que l'éthique mondiale en matière de paix, de
justice et de solidarité par le biais de la coopération
internationale dans les domaines de l'éducation, de la science, de la
culture et de la communication soit à la fois moralement observée
et appliquée de manière tangible. »13 C'est dire
que la coopération Cameroun-UNESCO est tenue d'atteindre les objectifs
sus-mentionnés, le financement se devant de produire son impact
auprès des populations cibles.
12 Ce constat est également fait par les
membres de la Commission nationale camerounaise pour l'UNESCO, dans un document
rédigé en 2005, portant sur les faits marquants et
opportunités de cette coopération.
13 Tirée de l'allocution prononcée par
K. MATSUURA lors de son investiture en 1999
Mais plus fondamentalement, au-delà de cette
coopération dont le bilan semble être positif aux yeux des hauts
responsables du Cameroun et de l'UNESCO, l'on parvient tout de même
à s'interroger sur l'utilité de la coopération technique
au sud du Sahara. Exprimé autrement, peut-on réellement concevoir
que l'assistance technique proposée par l'UNESCO dans ses rapports
institués avec « l'État au Cameroun », puisse
véritablement contribuer au développement de la
société camerounaise?
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