C. CONCEPTS ET ÉTAT DE LA QUESTION
1. CLARIFICATION CONCEPTUELLE
1-1. COOPERATION TECHNIQUE.
La coopération est définie de manière
laconique comme une action de participer à une oeuvre commune. Elle
suppose donc la collaboration, si ce n'est la coresponsabilité. Aussi,
serait-elle de plus en plus considérée dans le contexte
international comme une politique par laquelle un pays
(généralement du Nord) apporte son soutien au
développement des nations moins avancées.
Encore appelée assistance technique, la
coopération technique fournit en général des services
indépendants en matière de formation et d'expertise. Elle ne
nécessite pas d'autres apports ou d'autres types d'objectifs
précis tels que ceux définis par des projets matériel,
financier et humain, dans le domaine d'expertise de la partie donatrice en vue
de soutenir celle bénéficiaire dans son aspiration au
développement. Dans la perspective de Domergue, elle remplit une double
fonction : « elle peut d'une part aider à combler l'écart
entre le potentiel national de compétence technique et les besoins qui,
dans ce domaine, découlent des programmes de développement,
d'autre part, elle sert à renforcer et à compléter la
capacité nationale de formation de personnel qualifié. »
Aussi peut-on dire que la coopération technique renforce les effectifs
en même temps qu'elle apporte en qualité. (EVINA, 1982 : 72)
La coopération technique, de ce fait concerne un
domaine particulier, spécialisé, de l'activité ou de la
connaissance qui consiste en des applications de la connaissance
théorique,
dans le domaine de la production et de l'économie. On peut
de ce fait citer, entre autres, les conseillers techniques, experts sur le
terrain et les prestations matérielles.
Nonobstant ces indications, il importe de confesser un
léger penchant pour la conception réaliste qui voudrait
qu'à l'heure de la mondialisation, la coopération ne saurait se
définir comme une faveur qu'un État ou groupe d'État
accorde à un autre : elle sert les intérêts des
différentes parties (Kissinger, 2003). Ceci d'autant plus qu' « une
véritable coopération ne se limite pas à l'aide,
c'est-à-dire à l'octroi de flux financiers ou de projets de
développement du Nord vers le Sud », elle consiste plutôt en
« l'aménagement des règles (...) en vue de permettre aux
pays les plus faibles de trouver leur place dans des échanges
internationaux en forte croissance » (Brunel, 1997 : 4).
1-2. DÉVELOPPEMENT
Le développement est un concept polysémique qui
désigne sommairement « un accroissement dans le revenu moyen par
tête diffusé largement parmi les groupes professionnels et sociaux
qui dure au moins deux générations et devient cumulatif »
(Higgins) Dans son aspect formel et plus ou moins complète, il se
définit comme une configuration des mutations mentales et sociales
rendant une population apte à accroître cumulativement et
durablement son produit réel global. Mieux le développement
désigne un « changement des structures mentales et des habitudes
qui transforment les progrès particuliers en progrès tout social.
Cette conception qui est sans rappeler la vision d'Adam Smith, et qui
déborde assez la dimension économique, se retrouve
confirmée sous la plume de Nga Ndongo (1998) pour qui le
développement peut se concevoir comme un processus dynamique de
changement de l'environnement, naturel ou sociétal, en vue de la
transformation de l'humaine condition » (Mbida, 2006 : 23) Aussi, suivant
la catégorisation du sociologue camerounais, trois dimensions
principales se rattachent au développement : à savoir la
dimension quantitative, plus visible et se traduit par l'acquisition et
l'accumulation « d'une certaine qualité de biens ou par la
réalisation d'un certain nombre de performances économiques ou
sociales statistiquement mesurables » (idem) La dimension qualitative
intègre la donne culturelle, voire spirituelle à la notion. Le
développement compétitif enfin s'illustre de plus en plus dans le
nouveau contexte mondial marqué par une compétitivité sans
précédent, où la « survie » est fonction des
capacités d'adaptation et d'amélioration constante des
performances individuelles et/ou collectives. « Etre
développé (ici), c'est être à l'abris d'une
domination extérieure. Se développer, c'est agir pour sa
libération et son émancipation » (idem : 24)
Certains facteurs restent indispensables à
l'émergence du développement. Nga Ndongo en a
répertorié trois principaux6 que sont la raison, la
démocratie et la science ou technologie. Plus encore, Mc Clelland, dans
une perspective psychologique va également desceller une sorte de «
virus mental » baptisé Need for Achievement,
déterminant dans l'expansion sociale, économique et culturelle
des peuples. Il s'agit d'une posture, si ce n'est d'un état d'esprit
à même de pousser continuellement les hommes dans leur devenir
historique, à `bien' et à `mieux' faire qu'auparavant.
Plus fondamentalement, le concept de développement tel
que nous l'appréhendons dans le cadre de la coopération
instituée entre le Cameroun et l'UNESCO, devrait, tout en
préservant les dimensions sus évoquées, focaliser
davantage d'attention sur l'aptitude des acteurs sociaux (individuels ou
collectifs) à l'appréhender dans une perspective inclusive. Vu
sous un tel angle, le développement plutôt qu'une finalité
devient un moyen par lequel l'individu se réalise en tant qu'être
humain au plein sens du terme. Considéré ainsi comme un «
acteur actif » et non plus seulement comme une «
réalité passive » à l'égard de laquelle on
imposerait des « plans de sauvetage », l'individu désormais
placé au centre de tout processus de développement devient
potentiellement un acteur à part entière de l'Histoire. Il s'agit
en effet de la dimension anthropologique du développement qui postule
que les avis et aspirations des populations riveraines soient pris en compte
dans l'opérationnalisation des programmes de développement. C'est
ce que Massimo Tommasoli appelle « Le développement
participatif ».
Reconsidéré sous l'angle anthropologique, le
concept de développement va ainsi désigner « l'ensemble des
pratiques et des représentations sociales exprimées par des
sujets qui participent à des interventions de changement
planifié. » (Tommasoli, 2004 : 9) Cette définition semble
être la plus adaptée à notre étude dans la mesure
où « tous » les sujets impliqués à divers
échelons de la coopération Cameroun-UNESCO, peuvent s'approprier
des processus de transformation entraînés par elle. Le
développement participatif vise ainsi à « corriger une
contradiction de la coopération internationale selon laquelle le
rôle principal au sein des processus de changement programmé
serait confié à des planificateurs (hommes politiques, diplomates
et techniciens) dépositaires d'un savoir expert et non pas aux
protagonistes de ce changement » (idem : 10) Il s'agit au total d'un
regain d'intérêt sur les dimensions sociales du
développement et d'une réhabilitation du concept de participation
populaire dans les rhétoriques des acteurs de la coopération
internationale.
6 Qualifiés de « provincialistes »
par Roger Patrick Mbida.
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