CHAPITRE IV :
LES DIFFICULTÉS FONCTIONNELLES DES
RELATIONS CAMEROUN-UNESCO : ÉTUDE DE QUELQUES PROGRAMMES DE
FINANCEMENT
Tout problème matériel, affirme Crozier,
comporte toujours une dose significative d'incertitude. (op.cit : 20) Une telle
constatation nous met en éveil sur l'inexistence d'un système
social entièrement réglé ou contrôlé, la
transparence sociale étant quasiment impossible parce qu'il n'existe pas
de champs neutre et non structuré. (Idem : 177 et 25) Le présent
chapitre, qui se propose de poser un regard objectif sur un certains nombre de
projets de financement réalisés par et/ou avec la participation
de l'UNESCO, voudrait revisiter le rôle joué par les acteurs
individuels ou collectifs composant le système social sensé
opérationnaliser lesdits programmes. Aussi convient-il de commencer par
des programmes qui participent du renforcement de l'éducation formelle,
et poursuivre ensuite par ceux relatifs à un domaine particulier de la
communication.
SECTION PREMIERE : LES PROGRAMMES DE FINANCEMENT
COMPLEMENTAIRES A L'ÉDUCATION.
Nous étudierons tour à tour le Centre des
Ressources Éducationnelle de Ngoksa et la vulgarisation des kits micro
sciences au sein des établissements secondaires du Cameroun.
PARAGRAPHE I : UN PROJET RELATIF A L'ÉDUCATION
INFORMELLE : LE RÉSEAU DU CENTRE DES RESSOURCES ÉDUCATIONNELLES
(RECREE) DE NGOKSA
A. DE L'ORIGINE DES CREE EN AFRIQUE...
Avec l'appui des gouvernements de différents pays et la
FMACU, la BREDA suite à la conférence de Jomtien va lancer une
initiative consistant à favoriser l'essor de l'alphabétisation et
de la post-alphabétisation dans les pays africains au sud du Sahara
à travers les Centres de Ressource Educationnelles (CRE). Chemin
faisant, les premiers CREE furent créés au Sénégal
grâce à l'appui financier des partenaires internationaux, à
l'instar du Centre UNESCO Nederland d'Amsterdam, de la Fédération
japonaise des Clubs UNESCO, du Club UNESCO de Neuss en Allemagne et du Zonta
Club de Maasttricht. Nés dans le cadre d'un mouvement intitulé
« la Caravane de l'Alphabétisation », qui consistait à
organiser des foires matérielles didactiques à travers toutes les
régions du Sénégal, le besoin de laisser une « trace
» dans chaque village d'étape où a eu lieu la foire s'est
immédiatement fait ressentir : dix CRE furent ainsi implantés
entre 1990 et 1995 dans les dix régions du Sénégal.
Force et de reconnaître que ce n'est qu'après
1995 que ce mouvement viendra susciter un certain intérêt dans
d'autres pays, notamment le Burkina Faso, la Gambie, la Guinée, le Mali,
la Mauritanie et bien évidemment, le Cameroun.
A l'exception de la Guinée et du Cameroun, tous les CRE
sont construits selon le même modèle architectural, et quel que
soit son lieu de localisation, la philosophie que sous- tend l'action des CREE
est avant tout celle des Clubs UNESCO à savoir : «
promouvoir les droits de l'homme et les idéaux de l'UNESCO par
l'éducation, la science, la culture et la communication ».
En effet, et comme l'indique ses promoteurs nationaux, l'action des CRE
est guidée par la conviction profonde que la promotion des masses
déshéritées et la lutte contre la pauvreté ont un
impératif : l'investissement dans le capital humain par
l'éducation, la promotion de la santé et l'appui à des
activités génératrices des revenus.
Ce faisant, les objectifs et activités du CRE, en plus
de la promotion des idéaux de l'UNESCO, se focalisent pour l'essentiel
sur les activités d'alphabétisation et de post-
alphabétisation au profit des populations
péri-urbaines et villageoises environnantes afin d'améliorer les
conditions de vie de celles-ci. Aussi, une bibliothèque de
référence vient-elle offrir la possibilité à
ces derniers « d'exploiter les notions élémentaires de
lecture acquises, de transformer leur savoir en savoir-faire et en savoir mieux
vivre et, par conséquent, de s'autoformer tout au long de leur vie
»56
Pour ce qui est des principes d'organisation, ces Centres
gérés par les Clubs UNESCO sont censés être
autonomes et organisés en réseau national (si plusieurs CRE
existent dans un pays), même s'ils peuvent être appuyés par
une structure ad hoc tripartite nationale, composée de
représentants du Gouvernement et de l'intergouvernemental. Le
développement des CREE est également soutenu par un partenariat
aux niveaux local, national et même international.
B. ...AU CENTRE DE RESSOURCE EDUCATIONNELLE DU CAMEROUN
Situé en milieu rural à environ 100Km dans
l'arrondissement de Ebebda, département de la
Lékié57, le RECRE du Cameroun est une structure
d'éducation non formelle, d'alphabétisation fonctionnelle et de
post-alphabétisation rattachée à la
Fédération Camerounaise des Clubs UNESCO (FECA-CLUBS).
Inauguré en 1996, le Centre avait, entre autres, la mission d'impulser
et de conduire à l'émergence des CRE au sein des autres
régions nationales et sous régionales.
A l'instar des autres Réseaux, le CRE de Ngoksa s'est
fixé pour principaux objectifs de promouvoir au sein des populations
rurales, la participation aux actions d'alphabétisation et de
développement ; de créer un cadre d'épanouissement pour
ces activités et en rendre le matériel disponible ; de promouvoir
une large participation et une concertation entre divers partenaires de
l'éducation non formelle et de l'alphabétisation fonctionnelle ;
et enfin de contribuer à la vulgarisation des idéaux des Nations
Unies.
Pour y parvenir, il a été mis sur pied une
stratégie développée par le RECRE, et qui reposait sur
trois principes à savoir : la réalisation de CRE à travers
les différentes régions du pays ; l'organisation de foires de
matériels didactiques et de lecture et la célébration des
journées internationales ; enfin, la mise en place d'un central
documentaire en langues nationales et officielles. Une panoplie
d'activités pédagogiques s'est ainsi vue
développées autour des modules allant de
l'alphabétisation, culture et loisir, à la construction et
56 Tirée de la revue de la Commission nationale
camerounaise pour l'UNESCO, 2005 : 129.
57 Dans la province du Centre, à 1h30 min de
route à partir de Yaoundé.
équipement, en passant par la santé,
l'environnement, la famille et développement, travail et gestion, et
même la presse rurale.
C. LE CRE DU CAMEROUN : QUEL BILAN AUJOURD'HUI
?
A notre arrivée sur le site, le Centre était
fermé et semblait en panne d'activités depuis un bon moment. Ce
qui nous a obligeait à changer de méthode d'investigation, en
commençant par cueillir des informations auprès des riverains.
Les informations recueillies sur place (à Ngoksa) auprès des
populations cibles, ainsi que les éclaircissements des principaux
protagonistes, nous ont permis d'évaluer les activités du CRE en
deux périodicités :
La première étape que nous pouvons qualifier d'
« euphorique » couvre la période allant de 1996 jusqu'en 2003.
Elle se caractérise pour l'essentiel par une atteinte partielle, sinon
parcimonieuse des objectifs fixés.
En effet à sa création en 1996, le CRE de Ngoksa
dont la première a été posé par le Pr BIPOUM WOUM
alors Ministre, a suscité beaucoup d'engouement et d'espoir aussi bien
au sein des populations riveraines que dans l'esprit de ses promoteurs.
Prévu comme Centre pilote rurale en Afrique centrale, il était
perçu par les populations de la localité comme une « aubaine
» qui vient « régénérer les emplois au niveau du
village », en plus d'être un instrument de lutte contre
l'analphabétisme dans un pays qui ne compte pas moins de 5 millions
d'analphabètes.
Dès mai 1997, le réseau a organisé un
séminaire sur l'alphabétisation, la santé et la
technologie en milieu rural au CRE de Ngoksa, en même temps qu'il a
édité le bulletin d'information « RECRE NEWS » (qui n'a
pas vraiment vu le jour). A cet effet, le Centre s'est vu disposé des
livres de tout genre, avec une pluralité de dons aussi bien en
espèce qu'en nature, provenant des donateurs extérieurs et
nationaux.
Financé et construit par l'UNESCO avec la participation
des partenaires internationaux, la construction de l'édifice abritant le
CRE du Cameroun a mobilisé les fonds allant aux alentours de 20 millions
et demi, soit 18 pour la maison et 2,5 pour la plaque.
L'année 2002 constitue, à en croire les
populations autochtones, celle du plus grand événement, ayant
attiré la foule la plus importante. Il s'agissait du projet de
sensibilisation de lutte contre le sida, financé par l'UNESCO Dakar au
taux de 1 500 000 Fcfa, en présence de
« l'animateur58 ». Une douzaine de
villages étaient représentés dans cette
cérémonie qui s'était matérialisée par des
« sketchs portant des messages, partage des préservatifs et
brochures », ainsi que nous le relate un autochtone. Mais force est de
constater qu'il en ira autrement après 2003.
Depuis lors, il n'y a plus eu d'événement, le
CRE étant devenu comparable à un musée. Il s'agit en effet
d'une période « morte ». Et pour avoir une idée des
raisons d'un tel délabrement, écoutons plutôt les
explications de l'actuel président qui également est resté
l'unique membre du CRE, du moins ce qu'il en reste :
La dernière journée de manifestation ici est
celle de l'alphabétisation tenue en 2003. Depuis lors, nous n'avons plus
eu aucune trace de l'UNESCO (...) Depuis sa création, le CREE n'a eu
qu'un seul animateur qui relevait du Ministère des Sports. Ce dernier
est reparti sans avoir fait un an.
Le Japon avait donné une somme de 19 millions qui n'a
pas été bien géré, tout ce que nous avons
reçu de ce financement étant un vieux téléviseur,
un vieux magnétoscope et une renéyo neuve. Lorsque le premier
Secrétaire de l'Ambassade du Japon est venu vérifier si l'argent
était utilisé à bon escient, l'ancien président de
la CACU et mon prédécesseur ont tenté sans succès
d'amener la population à donner des fausses informations. D'où
notre diplomate est rentré « déçu ». Pire
encore, d'autres dons offerts par les Pays-bas et la Chine avaient
été détournés. Et pendant la journée
mondiale de l'alphabétisme, les responsables avaient reçu 1000
dollars pour sa célébration au sein du CRE. Mais tout ce que l'on
a bénéficié, ce sont les grands discours, avec un «
représentant » de l'UNESCO et certaines autorités du
village, des travaux de teinture, un match de football et.... Un petit cocktail
pour tout le monde (trois fois depuis 1999)
L'animateur qui était à la base de toutes ces
machinations avec ses « complices de Yaoundé » est allé
à Dakar (à la place du Président qui est sensé
former la population). Du retour, il a bloqué tout à
Yaoundé, à savoir : un peu plus de 1 million, les livres pour le
Centre (entre 80 et 90), et les balafons.
Ce long plaidoyer fait par ce personnage déçu
caractérise bien ce qu'est devenu aujourd'hui ce Centre qui était
censé être la locomotive ou tête de prou des autres Centre
d'Afrique centrale : un édifice abandonné dans un état de
délabrement criarde qui confine à la dérision. Et
même si nous nous refusons de considérer ses propos comme
étant des « paroles d'évangile », il reste tout de
même que pour un bureau qui, au départ, comprenait une dizaine de
personnes, nous n'avons trouvé sur place que ce président qui
fait la propreté tout seul (pour la sécurité du
matériel, nous a-t-il confié), tout en recevant des intrigues
plus ou moins déplacées de ses « frères » dont
certains vont jusqu'à dire qu' « il est seul parce qu'il veut
« manger » seul ». Or, ce que nous avons trouvé sur
place, c'est la déception d'un homme soucieux du développement de
sa localité qui garde espoir même lorsqu'il n'y a plus grand-
chose à espérer. Déception qu'il laisse percevoir
lorsqu'il nous confie qu' « une radio rurale (bien avant celle de
Mbalmayo) était prévue, ainsi qu'une auberge : autant de projets
tombés
58 Agent de l'Etat envoyé par le
Ministère de la Jeunesse pour animer le Centre, mais qui finalement se
fera remarquer par des talents d'usurpateur, du moins de l'avis des populations
locales.
dans l'eau ». Déception qu'il raconte
nostalgiquement à travers ses déboires passés : « au
Séminaire du CRADAT, le représentant togolais percevait une prime
de 250 000, celui du Sénégal n'avait pas moins de 150 000. Ils ne
m'auraient pas cru si je leur avais dis qu'en tant que représentant du
Cameroun, pays hôte, je n'avais rien reçu ». Et notre «
ami » de conclure que l'échec du CRE est imputable « aux gens
de Yaoundé » !
L'espoir, il l'a gardé dans la mesure où il
continue à « faire le ménage » tout en «
s'occupant du matériel ». Aussi, va-t-il profiter de notre
présence pour lancer un « appel de détresse » à
Désiré AROGA : « un problème grave se pose. Les
locaux risquent d'être cédés à la gendarmerie, les
commandants de brigade de Ebebda, Sa'a et Monatelé sont venus prospecter
les lieux et m'ont demandé d'évacuer les livres ». Cet appel
a-t-il vraiment été reçu par les autorités de
Yaoundé ?
***** **
L'euphorie se caractérise généralement
par une impression de bien être collectif qui se confond à un
sentiment de satisfaction et d'optimisme. Mais très souvent, cette
même euphorie qui suscite beaucoup d'espoir se solde
généralement par des déceptions, du fait des acteurs
véreux et opportunistes qui savent se jouer des conjonctures pour
réaliser des gains personnelles, ceci au détriment de
l'intérêt général. En effet, il s'agit des
personnages issus, si ce n'est fabriqués par le « système
» et qui savent se servir des passerelles ouvertes par ce système
qu'ils maîtrisent en même temps qu'il les « maîtrise
». Avertis, ils savent que l'euphorie produit la passion qui à son
tour créé un cadre favorable aux entreprises obscurantistes,
couvertes elles-mêmes par ladite euphorie. Un tel cadre permet donc
à nos « entrepreneurs » opportunistes de siphonner
progressivement le fruit des efforts provenant des oeuvres de bonne
volonté. Avisés également, ils se servent des
imperfections spécifiques à chaque environnement pour
réaliser leurs objectifs qui sont autres que ceux escomptées par
les donateurs. Parmi ces limites nous pouvons citer entre autres : population
désinformée et mal organisée, quasi inexistence de la
société civile, méconnaissance par des acteurs des
réalités locales etc.... En bref, c'est tout aspect
effiloché, caractéristique du tissu social camerounais qui ici
est mis à nu. La trame n'en étant pas « bien serrée
parce que l'État ne s'est pas appliqué à faire
naître la nation » (Abéga, op.cit : 193)
Le fait est que l'absence du citoyen qui caractérise le
Cameroun est d'abord celle de la chose publique. En l'absence d'un
système de contrôle efficace, soit par la base, soit par le
système lui-même, l'individu multiplie des zones d'incertitudes
afin d'engranger des bénéfices personnels au détriment de
l'intérêt collectif. Ces pouvoirs informels ayant pris des
proportions inquiétantes au sein de la machine administrative
camerounaise, l'on « assiste ainsi à un grignotage progressif de
l'État par les appétits individuels » (idem, 59) Si bon
nombre d'auteur sont unanimes sur la faiblesse de l'État, certains
identifient un besoin d'éducation et de formation du citoyen, tandis que
d'autres pensent à l'urgence d'un mécanisme de contrôle
impliquant la société civile, allié objectif de
l'État dans la réalisation de l'intérêt du citoyen.
Exprimé autrement, « l'État, pour sa propre survie, doit
soutenir la société civile » (idem)
Le RECRE de Ngoksa, ainsi que nous le confiait
Désiré AROGA, s'est écroulé avec le départ
de ses promoteurs parce qu'il n'y a pas eu une véritable appropriation
du projet par les populations, et du défaut de management.
Autre raison évoquée par le Président de la FECACU est que
le CRE ayant précédé le club, il s'en est suivi de
sérieux problèmes de financement. Mais d'après toute
vraisemblance, les difficultés de financement ne font que venir se
greffer sur un phénomène plus révélateur
constamment mis en relief par l'anthropologie de développement. C'est
que la mise en place du CRE obéit à ces types de programmes
imposés d'en haut, sans une consultation préalable des
aspirations profondes de la société. Ce type de programme
généralement se fonde sur une série de suppositions
erronées quant aux caractéristiques socioculturelles et
économiques des sociétés riveraines, sans études
anthropologiques préalables. Or « pour être les auteurs de
leur propre destin, les bénéficiaires devraient prendre
conscience de leurs propres conditions de vie, non pas par des
médiations politiques mais par une compréhension de leurs besoins
de développement » (Tommasoli, op.cit : 110) Fort heureusement,
l'environnement des relations Cameroun- UNESCO est également
révélateur de projets suscitant de grandes espérances. Le
financement des kits micro sciences en fait peut-être parti.
PARAGRAPHE II : LE CAS DES KITS MICRO SCIENCES : UN
PROJET PORTEUR ?
Promouvoir une approche matérielle et
pédagogique à faible coût constitue l'élément
stimulateur des initiateurs du programme de vulgarisation des kits micro
sciences au sein des lycées camerounais d'enseignement
général. Par kit micro science, il faut entendre l'ensemble
des éléments constitutifs du matériel des
laboratoires scientifiques et qui montés reflètent l'image
desdits objets, mais en des unités extrêmement petites. Leur
utilité est de permettre aux établissements dépourvus de
véritables laboratoires scientifiques, d'offrir une passerelle de
formation pratique complémentaire à l'enseignement
théorique. Toutefois au Cameroun, ce programme connaît une
évolution particulière.
A. HISTORIQUE.
Démarré de manière informelle en 1998
avec l'aide de l'Afrique du Sud à qui nous devrions en reconnaître
la paternité, le projet des kits micro science sera par la suite
apprécié par l'UNESCO qui décidera d'en assurer la
promotion.
Au départ, il était question d'un centre de
micro science en Chimie, centre dont la mise sur pied a été
possible par décision du Ministère de l'éducation
camerounaise en 2000. C'est ainsi qu'un Séminaire inaugural regroupant
les Ministres de la CEMAC, sous le thème : « être ou ne pas
être » va se tenir au Cameroun, point focal pour la promotion de la
micro science dans la sous région. Chemin faisant, suite à une
recommandation faite à l'UNESCO par la Conférence des Ministres
de l'Éducation des pays de la CEMAC, à l'occasion de la visite
officielle du Directeur général de l'UNESCO, le Bureau
régional, ainsi que le reconnaîtra Bernard HADJAD, depuis lors va
appuyer le projet de formation des enseignants des disciplines scientifiques.
Ce projet qui ne vise autre chose que la vulgarisation de
l'expérimentation scientifique à l'école, à l'aide
des kits de micro science, est développé par le Centre
d'excellence des expériences de micro science sis au lycée
Leclerc de Yaoundé.
A cet effet, plusieurs Séminaires financés avec
les fonds japonais ou de l'UNESCO vont se dérouler au Cameroun, Tchad et
en Centrafrique. Pris en compte dans le budget de l'État, le centre
camerounais assurera également l'expertise de formation des formateurs
de la sous région (Gabon y compris).
B. SITUATION ACTUELLE
Centre de Catégorie II sous l'égide de l'UNESCO,
son statut juridique connaît cependant des retards du fait de
l'éclatement du Ministère de l'éducation nationale. Et
comme nous le confiait le coordonnateur du programme, Mr TETOUOM, en septembre
2008, « l'on attend le décret présidentiel qui devrait
sortir incessamment, afin que le dossier aille à la prochaine
Conférence générale, pour être pris en compte dans
la stratégie de 2009 ». De
manière précise, ce dossier qui doit être
étudié dans le cadre du Conseil exécutif de l'UNESCO,
devrait également mobiliser davantage les principaux acteurs de la
diplomatie camerounaise, compte tenu des avancées, avantages et enjeux
d'un tel programme.
Car en effet, les kits, aux dires du coordonnateur, sont
présents dans près de 70% des lycées et collèges.
La sensibilisation ayant été faite, poursuit-il, il reste que les
chefs des différents établissements puissent se rapprocher du
Centre, en vue d'en commander. Le matériel étant
subventionné au niveau des fournisseurs Sud-africains et Anglais, qui de
ce fait, participent également à l'expansion de la micro science.
Et qui plus est sous le prix catalogue, la remise originelle est de 30%, avec
l'exonération elle va de 40 à 50% au sein de la CEMAC.
Il faut dire que très peu de lycées au Cameroun
disposent de laboratoires scientifiques. Et même pour les
établissements qui en disposent, à l'instar des lycées
Leclerc, d'Obala, Bilingue et de Nkol Éton, l'on rencontre
d'énormes difficultés. Pour ce dernier par exemple, et comme nous
l'explique ce Professeur des sciences physiques, la Volumétrie
nécessite certains dosages au cours desquels on mesure des volumes. Il
s'agit du dosage doxydoréduction et du dosage
acydo-basique. Le matériel existe pour la réalisation
des dosages à grande échelle. Or rien n'existe pour la micro
chimie, les produits étant finis depuis quatre années. A cela il
faut ajouter le fait qu'un seul laboratoire très souvent s'avère
insuffisant dans un contexte où les effectifs sont sans cesse
croissants.
C'est donc dire que les kits micro sciences sont
indispensables aussi bien pour les établissements disposant des
laboratoires que pour ceux qui n'en disposent pas. En général,
lorsque les kits sont épuisés, il incombe aux chefs
d'établissements d'en recommander au niveau du Centre d'excellence
situé dans l'enceinte du lycée Leclerc. Bien entendu, ces
derniers le font à partir des délibérations issues du
Conseil d'enseignement qui permet aux enseignants d'exprimer leurs
doléances.
C. POSITIONS DES PRINCIPAUX
PROTAGONISTES59
Du point de vue du coordonnateur Mr TETOUOM, la volonté
y est, mais les moyens ne suivent pas toujours. Aussi pour ce dernier, «
le décret présidentiel est vivement attendu, afin qu'il y ait un
changement significatif : cadre juridique approprié,
institutionnalisation véritable pour que le Centre reste viable,
même après le départ du coordonnateur ».
59 Nous regrettons le fait que faute de temps
considérable, une étude systématique auprès des
élèves des différents établissements n'ait
été effectuée. En outre, les établissements
privés et les zones rurales restent les parents pauvres du projet. Une
impression générale se dégage tout de même au sein
des élèves ayant eu l'opportunité d'expérimenter
les kits micro sciences : celle d'une meilleure assimilation du cours, mais
ceci à condition que l'enseignant en maîtrise la manipulation.
Professeur des Sciences Physiques en service au lycée
de Nkol Éton depuis 2002, Mr TEDONGMEZA FOMEKON Alphonse pense qu'en
dépit des subventions, les prix restent encore assez
élevés, à l'instar du kit de micro chimie qui coûte
270 000 Fcfa. Et « au lieu que l'État laisse l'acquisition du petit
matériel à la charge des chefs d'établissements, faudrait
qu'il l'acquiert et en distribue dans tous les établissements, tout en
rendant l'utilisation obligatoire (...) A l'examen, la manipulation des Travaux
Pratiques, Sciences Vivantes de la Terre et Chimie doit être obligatoire
»
Parmi les problèmes que pose l'utilisation des kits
micro sciences, le recyclage des enseignants occupe un pôle position. Car
plusieurs parmi ceux-ci, à l'instar des anciens, passent des
années sans utiliser ce matériel. Et même si l'ENS
aujourd'hui fait des efforts d'envoyer les futurs enseignants dans les Centres
d'excellence, il n'en demeure pas moins que plusieurs n'y ont jamais
été formés. Bien plus, après la formation, il
faudrait trouver le matériel dans le lieu affecté, sinon on finit
par oublier au fil du temps.
A côté du recyclage, le problème de la
conservation des kits se pose également. Si le problème du
recyclage est compensé partiellement par l'existence des « bassins
pédagogiques » supervisés par un inspecteur, il en est
autrement pour ce qui est de la conservation. Suivons à ce sujet les
propos de cet enseignant du lycée de Biyem-assi : « les kits sont
ici à leur troisième année d'utilisation. Mais le
problème de conservation se pose gravement, pour faute de salle ».
Aussi sont-ils souvent conservés au sein des armoires. Et lorsque l'on
sait que ce matériel n'est généralement pas en
quantité suffisante, « la conservation est un véritable
problème ! On recommence à zéro chaque année,
d'où le nombre ne parvient pas à croître ».
De manière générale, bon nombre
d'enseignants réclament une prime d'expérimentation, car
disent-ils, la préparation d'une manipulation (expérimentation)
prend un temps considérable, comparée à la manipulation
proprement dite. Aussi doivent-ils être dans l'enceinte des
établissements avant le cours, afin d'y préparer. La
conséquence directe ici est que plusieurs enseignants en sciences
physique ne manipulent pas ! Aussi Mr EDJODJOMO, jeune enseignant
suggère l'imposition des séances de manipulation surtout pour les
encadreurs de classes scientifiques, car selon lui, il ne fait aucun doute que
la manipulation est mieux que le cours théorique. Or plusieurs
enseignants ne la maîtrisent pas véritablement (pratiquement 5 sur
un total de 16), d'où parfois l'élève ne fait qu'imiter
plutôt que de maîtriser.
C'est dire enfin que le succès du programme de
financement des kits micro science dépend des efforts conjugués
des pouvoirs publics et de l'UNESCO à favoriser la
vulgarisation du matériel dans « tous » les
établissements nécessiteux. Il est également fonction de
l'engagement des chefs d'établissements et de la capacité des
enseignants à pouvoir s'en servir. Ainsi seulement, pourrait-on
éviter la détérioration du matériel, comme
ça été le cas il y a trois ans au lycée de
Biyem-assi, pour manque d'enseignants qualifiés. Et l'on y revient
souvent lors des Conseils d'enseignant toutes les quatre semaines. Finalement,
il s'agit tout de même d'une initiative à saluer dans la mesure
où elle participe à l'impulsion du développement de la
sous-région, à l'instar du financement des radios rurales.
SECTION II : LES PROGRAMMES RELATIFS A UN SECTEUR
PARTICULIER DE LA COMMUNICATION : CAS DU FINANCEMENT DES RADIOS
COMMUNAUTAIRES
Au moment où la société internationale
est de plus en plus poussée par une interdépendance complexe,
alors que la révolution dont connaît le système
international est d'abord celle de l'information, l'être humain plus que
jamais a besoin de la communication pour devenir «Homme» au plein
sens du terme. Déjà par nature, observe Norbert Élias,
tout individu naît normalement avec un « appareil phonique »
qu'il contrôle personnellement, lequel instrument lui permet
également de s'exprimer. Par nature également, poursuit l'auteur
de La société des individus, « l'homme a
(...) non seulement la capacité de s'adapter à la communication
avec ses semblables, mais aussi -et toujours par nature- le besoin ».
(Élias, 1987 : 78) L'homme qui va focaliser l'attention des promoteurs
des radios communautaires fait partir des plus marginalisés des
sociétés sub-sahariennes. Ces programmes visent essentiellement
les « cadets sociaux » énoncés par Bayart, surtout les
populations vivant dans les zones reculées, celles là même
chez qui existent un besoin pressant de communication.
Expérimentés en 1999 à Kothmale au Sri
Lanka, les centres communautaires multimédias (CCM) qui combinent une
radio communautaire avec un télécentre et des équipements
en ligne, permettent d'offrir un modèle d'accès communautaire
intégrateur et peu coûteux. Ce concept qui aujourd'hui est reconnu
et adopté par nombre d'autres partenaires du développement,
communautés et institutions, fait l'objet au Cameroun d'une
coopération « particulière » entre ses promoteurs
(UNESCO) et les autorités publiques. Le projet des radios rurales qui a
permis jusque là une mise en place de seize radios communautaires au
Cameroun se justifie par le rôle primordial reconnu au monde rural et
à l'action communautaire dans le développement. Aussi convient-il
ici de s'en tenir à deux cas,
lesquels nous permettrons de jeter un pan sur l'environnement
national et même sous-régional du devenir des médias
communautaires en Afrique centrale.
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