SECTION II : LE CADRE POLITIQUE DE COOPÉRATION
CAMEROUN-UNESCO
Il s'agit dans un premier temps d'évoquer la politique
de coopération de l'UNESCO qui, recèle des points de convergence
certains avec le système des Nations unies. Ensuite d'énoncer les
principes directeurs du système camerounais de coopération
internationale qui, bien qu'en étant en phase avec les idéaux
universels promus au sein de l'UNESCO, nécessite tout de même
quelques réaménagements en vue d'une meilleure concorde avec l'
« esprit du temps ».
PARAGRAPHE I : LA POLITIQUE DE COOPERATION DE
L'UNESCO.
Bien qu'il n'existe, à proprement parler, pas de
filiation directe entre l'UNESCO et l'ONU (si l'on s'en tient à leurs
origines), il reste cependant difficile d'appréhender la politique de
coopération de celle-ci en marge de celle du système onusien. Ce
qui ne l'empêche guère de préserver certaines
spécificités qui, très souvent, en font un organisme
difficilement saisissable aux yeux de certains experts.
A. L'UNESCO DANS LE SILLAGE DES NATIONS UNIES.
« Comme il est évident que la liberté est
fragile sans garanties sociales et économiques, rappelle Jean-Baptiste
Duroselle, les Nations unies sont résolues `à favoriser le
progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie
dans une liberté plus grande». Pour y parvenir, poursuit notre
historien des relations internationales, le meilleur moyen est la
coopération internationale qui permettra de résoudre les
problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel
ou humanitaire » (Duroselle, 1998 : 9). Le parallèle avec l'UNESCO
est effectif dans le sens où l'action de l'UNESCO au sein des
États membres s'effectue par le biais de la coopération
intellectuelle internationale en vue de renforcer les conditions
matérielles et spirituelles d'existence et de coexistence entre les
hommes, et ceci dans le strict respect des droits et libertés des
peuples. De manière plus précise, la politique de
coopération de l'UNESCO, à l'instar de son cadre institutionnel,
s'arrime aux objectifs des Nations unies exprimés dans la charte
(article 1 paragraphe 3 ; article 13 et 17, et Chapitre IX et X), et
récemment, à ceux exprimés dans le cadre des OMD.
Il s'agit d'une politique respectueuse de la
souveraineté interne des États et qui se limite pour l'essentiel
sur l'aspect technique, conformément aux priorités nationales. Et
dans la perspective de la Résolution 200 (III) de l'Assemblée
générale des Nations unies de 1948, l'assistance technique
fournie qui n'est donnée qu'aux gouvernements ou par leur
intermédiaire devra répondre aux
priorités du pays intéressé, et ne constituera pas un
prétexte d'ingérence économique ou politique. C'est dire
que la primauté ici est accordée à l'intérêt
national et à la sauvegarde de la souveraineté de l'État
bénéficiaire de l'assistance technique. Dans la même veine,
la formule utilisée dans le cadre du Programme Elargi d'Assistance
Technique (PEAT) fondée en 1949 « consistera à envoyer des
experts dans les pays afin de conseiller les gouvernement sur leurs programmes
de développement, à former à l'étranger les experts
issus des pays en voie de développement, à former les techniciens
sur place... » (Epote, op.cit : 44) Sauf que le nouveau contexte
international, sans nécessairement remettre en cause ces données
classiques, autorise à reconnaître que les mutations en cours ont
créé un « lien entre un régionalisme, qui ne se
définissait jusqu'alors que par rapport à des enjeux nationaux,
et un régionalisme défini par rapport à un ordre mondial
» (Karoline Postel-Vinay, in Marie-Claude Smoots, 1998 : 117). C'est fort
de cela que l'on assiste à l'avènement des problèmes dits
« globaux » qui interpellent la communauté internationale dans
son ensemble. C'est aussi pourquoi l'on assiste de plus en plus à
l'émergence des fora internationaux regroupant des acteurs
étatiques et privés autour des thèmes tels que l'EPT ou
encore les OMD.
Au sein de l'UNESCO, la mise en application des OMD
obéit à deux types d'actions à caractères
opérationnels et incitatrices. L'action incitatrice se traduit à
travers les conférences organisée aux niveaux sous
régional, régional et international, tandis que l'action
opérationnelle se traduit par le recrutement d'experts et l'envoi des
missions d'évaluation au sein des pays concernés. Ces actions,
ainsi que nous l'avons déjà souligné, sont soutenues par
les ressources de son budget ordinaire et des ressources
extrabudgétaires et reposent pour l'essentiel sur la coopération
technique.
Aussi nous est-il permis de noter que l'orientation
générale de la coopération de l'UNESCO s'appui
prioritairement sur le renforcement du secteur éducatif, ainsi que le
révèle le forum de Dakar sur l'EPT, et ceci avec le concours du
BIRD, du PNUD et de l'UNICEF. Et bien avant ledit forum, le programme
d'assistance de l'UNESCO évoluait progressivement dans la perspective de
renforcement de ce secteur, l'objectif étant de subvenir aux besoins des
pays les moins avancés, pour qui l'éducation apparaissait comme
la priorité des priorités. Est- ce à dire que les autres
secteurs sont pour autant dépourvus d'intérêt ? La
réponse va nécessairement à la négative dans la
mesure où la science, la culture, la communication et même les
droits de l'homme sont pris en compte, en fonction des besoins de chaque pays.
Mais également parce qu'ils constituent un palliatif significatif
à l'éducation qui, il faut le dire, est un secteur transversal. A
côté de ces données de bases qui relèvent de la
constance, il
nous sied de mentionner la priorité accordée au
continent africain et la politique de décentralisation instaurée
dans le sillage des OMD, comme critères essentiels de la « nouvelle
» politique de coopération de l'UNESCO.
B. LA DÉCENTRALISATION ET L'AFRIQUE COMME
PRIORITÉS DE LA NOUVELLE POLITIQUE DE L'UNESCO ?
Les principes d'une décentralisation de l'UNESCO sont
pour la première fois de manière officielle fixés dans la
résolution 30 C/83, de 1999. Réforme qui sera relayée par
un plan d'action approuvé par le Conseil dès sa 159e
session tenue en avril 2000. Il s'agit prioritairement de la création de
bureaux hors siège chargés de desservir un groupe de pays. Au
coeur de cette réforme se trouve l'instauration des bureaux multipays
qui vont porter le nom de cluster office, institués pour
être la nouvelle charpente du programme de décentralisation. Car
au-delà de la pure compression, ces bureaux plutôt que de simples
délégations lointaines du Siège, assurent une
représentation effective constituant le lieu même de la
présence de l'UNESCO, le véritable nouveau centre du dispositif.
Centre pluriel, le cluster « amène également la
notion de réseau et d'interaction au coeur de la conception nouvelle du
fonctionnement de l'UNESCO. »
Il est tout de même indiqué d'observer que
certains bureaux homologues aux cluster ne couvrent qu'un seul pays,
soit que ce dernier soit en situation de post-conflit ou en transition, soit
encore du fait de son immensité comme c'est le cas des E-9 (neuf pays
à fortes population) : il s'agit du Bangladesh, du brésil, de la
Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique, le Pakistan et enfin l'Egypte et
le Nigeria pour ce qui est de l'Afrique. En outre, il existe dix bureaux
régionaux analogues aux instituts qui appuient les bureaux multi pays
sur des programmes bien définis. Il s'agit des clusters de
Dakar, Nairobi, Beyrouth, Bangkok et La Havane, pour ne citer que ces exemples.
Enfin, deux bureaux de liaison auprès des Nations unies situés
à New York et à Genève complètent notre
réseau décentralisé.
Au total, l'on peut dire que partant d'un déploiement
de 74 bureaux hors siège, cette réforme a mise en place un
système plus ramassé organisé autour de 52 bureaux. A
savoir 27 bureaux multipays, 21 bureaux nationaux, 2 bureaux de liaison avec
l'ONU, et enfin les bureaux régionaux de Venise et de Santiago du Chili,
non dénombrés parmi les multipays.
Il va sans dire que l'utilité de cette politique de
décentralisation serait davantage significative en ceci que la mise en
place de ce dispositif pallie aux éventuelles possibilités de
fermeture de bureau, tout pays se trouvant inclus dans un cadre favorable
à l'instauration
d'une coopération accrue entre pays du même
groupe. En plus, un effort considérable a permis une nette
amélioration des effectifs des unités hors siège qui sont
passées de 226 professionnels à 271 au cours des trois derniers
biennia.
Qui plus est depuis le Sommet mondial de 2005, l'UNESCO a
avancé l'examen de sa propre Stratégie de décentralisation
initialement prévue pour 2008-2009. Dans la perspective de la
réforme de l'ONU, l'UNESCO en effet adhère à la
nécessité d'une harmonisation plus poussée entre les
Organes des Nations unies, d'un alignement plus étroit sur les processus
de développement conduits dans les pays et d'une transparence et d'une
responsabilisation accrue. Il s'agit pour l'Organisation d'affiner l'actuel
système de décentralisation en s'inspirant du cadre de
décentralisation récemment mis en place pour la réforme du
Secteur de l'éducation, notamment pour renforcer sa capacité
à réaliser tout particulièrement l'EPT et accroître
l'impact de son action. Il s'agit également pour notre institution de
faire le point sur la Stratégie de décentralisation (176 EX/6) et
d'améliorer la communication sur la réforme au sein du
réseau hors siège.
L'analogie existante entre l'UNESCO et l'ONU reste
également perceptible au niveau de l'Afrique en ceci que le
développement et la coopération restent un enjeu permanent de
l'action de ces organisations dans un contexte où la paix et la
sécurité demeurent des défis majeurs. De l'avis de
Jean-Emmanuel PONDI, « si pour certaines populations et certains
dirigeants du monde l'ONU n'est qu'un `'machin», un `'moulin à
parole» et `'une bureaucratie budgétivore et largement
inefficace», telle n'est pas, dans une très large mesure,
l'appréciation que les populations et les dirigeants africains font de
son action sur leur continent où elle est indispensable au quotidien....
» (Pondi, sous la direction de, 2005 : 9)
Aussi suffit-il de considérer les grands programmes de
l'UNESCO pour se rendre compte de la priorité réservée au
continent africain. Qu'il s'agisse de la Scolarisation Primaire Universelle
(SPU), du Plan de mise en oeuvre de Johannesburg adopté au Sommet
mondial pour le développement durable (2002), de la Décennie
internationale d'action, « l'eau, source de vie » (2005-2015), et du
Programme international pour le développement de la communication
(PIDC), il est très aisé de constater que l'Afrique à
priori occupe une place de choix.
Il faut enfin de compte dire au niveau du Cameroun que
l'impact de ces nouvelles orientations a été très
significatif au cours de cette dernière décennie, comparée
aux précédentes où le bureau de l'UNESCO ne fonctionnait
que par intermittence, où « ouvertures » et « fermetures
» se succédaient assez souvent. Toutefois, il reste que des efforts
restent encore à faire par les deux parties afin d'améliorer la
visibilité de cette
coopération qui reste assez mal connue au sein des
populations. Mais ceci passe également par une meilleure connaissance de
cette organisation dont la maîtrise des rouages déterminants de
son action ne relève pas toujours de l'évidence.
C. LA POLITIQUE DE COOPÉRATION DE L'UNESCO EN BUTE
À DES DIFFICULTÉS FONCTIONNELLES
Frédéric Ramel souligne fort bien que l'oeuvre
de Grotius24 consiste à doter la société
internationale d'un « ordre fondé sur des principes juridiques
» (Ramel, 2002 : 99). Il convient tout de même de noter que l'effort
inlassable engagé par l'UNESCO pour « construire la paix dans
l'esprit des hommes » nécessite une implication quotidienne des
principes moraux universels comme complément à cet ordre
juridique. Et si ses promoteurs réfutent toute posture visant à
reconstruire la société mondiale sur des postulats politiques
dotés des bases scientifiques solides à même de
réaliser empiriquement le cadre politique de la société
des individus, c'est parce qu'une telle attitude se fonde sur l' «
inquiétude maladive » hobbesienne à l'égard d'autrui
(ibidem : 118). Tout au plus, s'accordent-ils avec la perception de Pufendorf
pour qui la nature humaine est par essence sociable. Sauf que c'est à ce
niveau que constitue la principale difficulté : traduire cette
sociabilité dans le fonctionnement quotidien de l'organisation.
Déjà Victor Yves Ghebali ressassait trois
grandes préoccupations auprès des pères fondateurs de
l'UNESCO, lesquelles préoccupations sapaient les fondements du projet
qui dans son essence devenait « hybride », et dans sa formulation,
« ambigu ». Il s'agissait de « prévenir le retour d'une
`'grande et terrible» guerre, combattre les germes de fanatisme dans la
mentalité des peuples et enfin, fonder la paix nouvelle sur le respect
des droits de l'homme » (cité par Pondi). De la difficile
conciliation de ces facteurs, poursuit-il, résultera « un projet
nimbé d'une obscure clarté ». Peut-être, ceci pourrait
entre autres expliquer le fait que sa gestion quotidienne soit
confrontée à de sérieuses difficultés de
fonctionnement.
De l'avis d'Emmanuel PONDI, le fonctionnement quotidien de
l'UNESCO est difficilement réalisable du fait d'un Conseil
exécutif quelque peu dominé par la Conférence ;
associé à cela la prolifération des Commission nationales
et ONG qui affublent nos deux principaux organes, ce qui entame la gestion
quotidienne de l'UNESCO. C'est dire que pour ce spécialiste des
relations internationales, il ne fait aucun doute que la nature
intrinsèques des problèmes relatifs aux différents
secteurs d'activités, lesquels impliquent nécessairement des
24 Dont l'influence des idées auprès des
Pères fondateurs de l'UNESCO est conventionnellement reconnue
choix importants de société, «
prédisposait l'UNESCO et son chef à être
entraînés dans des controverses de nature politique » (Pondi,
ibidem : 30). Où l'on voit ainsi se profiler toute la
problématique de « l'acteur et du système ».
Dans la perspective de Crozier et Friedberg, l'acteur est
régulièrement en quête de contrôle
d'éventuelles « zones d'incertitudes » qui lui accorderaient
des coudées franches lui permettant d'échapper en partie à
l'emprise du système, si ce n'est d'améliorer sa marge de
manoeuvre vis-à-vis de celui-ci. Il se tisse alors un ensemble de
relations complexes entre les individus où « jeu » et «
pouvoir » sont mobilisés par l'ensemble des acteurs, créant
ainsi une configuration dont le processus n'obéit guère à
leurs subjectivités respectives. Une telle complexité s'observe
également au sein de notre organisation intergouvernemental qui n'est
rien d'autre qu'une organisation d'États ; d'où « le
principe et la finalité de tout son pouvoir et de son efficacité
résident dans ces États » et dans leur capacité
d'agir de concert avec la société civile, les peuples et partant,
les individus. Pour ne s'en tenir qu'à l'acteur principal qu'est
l'État, on s'en rend bien compte que ses velléités
particularistes et de puissance, très souvent l'opposent aux principes
universels et universalistes nécessaires à la réalisation
de la coopération intellectuelle souhaitée au sein de l'UNESCO.
C'est ainsi qu'au cours de son évolution, l'UNESCO et ses principaux
dirigeants (l'exemple du Sénégalais MATAR M'BOW est
révélateur à ce propos), ont régulièrement
été confrontés à des difficultés minant son
fonctionnement quotidien. De même, les sanctions opérées
à l'encontre du régime de Tel Aviv en 1970, la mise en
quarantaine du régime sud africain d' « apartheid », ou encore
le retrait des USA et de la Grande-Bretagne, sont des exemples patents des
difficultés rencontrées par l'UNESCO dans son effort quotidien
d'élévation des défenses paix dans l'esprit des
hommes25. Il s'avère donc important qu'un État comme
le Cameroun puisse maîtriser ces couacs internes propres à
l'UNESCO, et les nouveaux enjeux liés à la mondialisation, afin
de mieux appréhender sa politique de coopération avec
l'Organisation mondiale au mieux de ses intérêts qui ne sont
nécessairement pas opposés à ceux de la communauté
internationale.
PARAGRAPHE II : LA POLITIQUE CAMEROUNAISE DE
COOPÉRATION INTERNATIONALE
Depuis son accession au statut juridique international, lequel
statut lui confère des privilèges certains à l'instar de
l'adhésion au concert des nations souveraines, le Cameroun
25 Ajouté à cela des déficits
budgétaires, causés tantôt par la « mauvaise foi
» de certains Etats qui n'honore pas toujours convenablement à
leurs contributions, tantôt aux « retraits » de certains pour
des raisons idéologiques ou politiques
s'est doté d'une politique étrangère qui
structure et rend compte de son action internationale. L'on observe en effet
que les principes directeurs régissant la stratégie camerounaise
de coopération internationale restent intangibles, non seulement dans
les domaines bilatérale et multilatérale, mais aussi au sein des
relations sud-sud et sud-nord. Si l'on peut féliciter le fait que la
diplomatie camerounaise soit restée fidèle à ses
principes, il reste que celle-ci devrait, tout en préservant certains
acquis, se réajuster à la nouvelle conjoncture internationale,
afin de gagner en efficacité.
A. ÉNONCIATION ET JUSTIFICATION DES PRINCIPES
DIRECTEURS DE LA COOPÉRATION AU CAMEROUN.
1. INDÉPENDANCE NATIONALE, COOPÉRATION
INTERNATIONALE ET UNITÉ AFRICAINE COMME FACTEURS STRUCTURANT LA
PROJECTION EXTÉRIEURE DU CAMEROUN
Depuis son accession à l'indépendance le
1er janvier 1960, la coopération internationale et
l'indépendance nationale ont longtemps constitué le leitmotiv de
l'action du Cameroun au niveau international. Et comme le rappelait
l'ex-président AHIDJO en 1976, « nos prises de positions dans les
affaires internationales se sont toujours placées dans l'optique de la
plus totale fidélité à ces deux principes
d'indépendance nationale et de coopération internationale »
(Evina, 70, 1982). Dans le même sillage, l'actuel chef de l'État,
M. Paul Biya, alors qu'il s'apprêtait à présider aux
destinées de la nation camerounaise, rappelait le 6 novembre 1982 que
les options sur le plan international sont la coopération, la paix entre
les nations et le non-alignement (MOUELLE KOMBI, 1996 : 46).
Longtemps confondu avec le non-alignement,
l'indépendance nationale permet au Cameroun de préserver sa
souveraineté et sa spécificité à l'échelon
international. Ce dernier pouvait à cet effet définir ses
priorités propres, à l'instar de la lutte contre la
pauvreté. Il allait de soit que le non alignement, comme ce fut des
autres nations représentant le tiers-monde, ne pouvait aboutir
qu'à la coopération internationale, qui est toujours apparue
comme l'une des principales manifestations de la solidarité
internationale. Aussi la coopération multilatérale en exercice au
sein du système des Nations Unies, et dont la recherche de la paix en
constitue le principal objectif, a toujours offert une plus grande
ouverture.
Partant de l'idée selon laquelle « le comportement
d'un acteur étatique sur la scène internationale peut être
déterminé par diverses finalités » Mouelle Kombi dans
son effort de
mise en relief d'une politique étrangère
camerounaise, ajoutera l'unité africaine comme autre principe
fondamental structurant l'action internationale du Cameroun. Pour lui une telle
unité devrait passer par la libération totale du continent, ceci
dans le respect des frontières héritées de la
colonisation. Il relève néanmoins que cette aspiration au
panafricanisme reste encore une nébuleuse.
2. JUSTIFICATION DES CHOIX DE POLITIQUE EXTÉRIEURE
DU CAMEROUN
Pour tout observateur attentif des relations internationales
africaines post- indépendances et post-guerre froide, le discours sur le
développement reste la rhétorique la mieux partagée au
sein des différentes élites. Pour ce qui est du Cameroun (qui ne
fait guère exception ici), cette « recherche du
développement (voir infra sur notre étayage de ce concept) est
l'un des vecteurs majeurs de la cohérence et de la rationalité
» de sa politique étrangère (M. Kombi, 1996, 75). Il s'agit
en fait d'une stratégie réaliste dans la mesure où la
raison d'être de la diplomatie dans les pays en voie de
développement reste la recherche de changement de l'environnement
international au mieux des intérêts desdits États. «
Et très souvent cela se fait à travers la diplomatie
multilatérale au sein des organisations internationales » (Menye,
2003 : 2) De surcroît, le rendement des institutions
spécialisées de l'ONU, à l'instar de l'UNESCO « est
d'une importance et d'une utilité telles que le gouvernement camerounais
l'intègre dans sa stratégie de développement » (M.
Kombi, idem : 180)
Il n'est de ce fait pas très surprenant de constater
à partir de ces principes directeurs que le Cameroun puisse voter
à plus de 90% en faveur des résolutions des Nations Unies et
partant de l'UNESCO, compte tenu de sa sensibilité à
l'éthique pacifiste et à la morale internationale. « Cette
sensibilité à l'éthique et à la morale
internationale, est un indice offert à la compréhension de ce que
le Cameroun attend de l'organisation mondiale et du rôle qu'il aimerait
voir jouer par celle-ci ». Il n'est non plus très surprenant que
Yaoundé soit surreprésenté au sein de l'institution
spécialisée des Nations Unies qu'est l'UNESCO, par rapport au
quota normal de représentation, même si l'on parvient encore
à s'interroger sur l'existence réelle d'une politique
camerounaise de placement des nationaux dans la fonction publique
internationale.
Car si l'apport de l'UNESCO est d'une importance et d'une
utilité telle que les autorités camerounaises l'intègrent
dans la stratégie de développement, il reste que cette
dernière, pour plus d'efficacité, devrait accorder une place
significative à la coopération
internationale. Dans la mesure où le Cameroun par le
biais de celle-ci « peut devenir allocataire des ressources
financières, technologiques, scientifiques, naturelles, et même
humaines dont il ne dispose pas et qui, pourtant, lui sont nécessaires
pour prétendre au progrès... » (Idem : 225) Mieux, si les
instruments multilatéraux permettent au Cameroun d'apporter sa touche
spéciale à la structuration organique et normative du village
planétaire, il est indiqué de rappeler que l'unité
nationale devrait être au centre d'une telle politique
étrangère. Bien plus, si tant est que le peuple doit être
le bénéficiaire des dividendes tirées de l'action
internationale du Cameroun, alors chaque individu doit « se sentir
davantage impliqué dans ce processus, de manière soit
immédiate soit médiate » (idem : 228).
Car, à l'heure où l' « externe » et l'
« interne » sont en interaction permanente, au moment où la
traduction, sinon la mise en oeuvre des objectifs visés nécessite
des programmes d'action qui tiennent également compte de l'environnement
interne, l'on peut s'interroger avec quelque raison sur l'existence d'une
politique cohérente et bien coordonnée de coopération
internationale.
B. LA POLITIQUE CAMEROUNAISE DE COOPÉRATION
FACE AUX NOUVELLES MUTATIONS INTERNATIONALES : NÉCESSITÉ D'UNE
STRATÉGIE COHÉRENTE ET EFFICACE
1. LES NOUVEAUX `MIRAGES' DE LA POLITIQUE
ÉTRANGERE
Les mutations dont connaît la société
internationale ne nécessitent uniquement pas un « effort de
recomposition du savoir », où les nouveaux paradigmes viennent se
confronter aux classiques. Non plus, elles ne feraient seulement appel à
une (ré) appréhension des principes, à l'heure où
la responsabilité est de plus en plus opposée à
l'intérêt et à la sécurité internationale.
Les transformations et détériorations de l'environnement
international font également appel à un effort de recomposition
des pratiques, notamment depuis l'avènement des nouvelles formes
d'intégration qui transcendent les actions diplomatiques
traditionnelles. (Badie et Smouts, 1999 :19) En effet, si tout le monde
s'accorde avec James Rosenau que l'État sur la scène
internationale poursuit essentiellement trois objectifs que sont la recherche
d'opportunités, la préservation situations qui lui sont
favorables et, la modification de celles qui lui sont défavorables ; il
reste que la politique étrangère qui jusqu'aujourd'hui demeure la
matière par excellence des relations internationales, n'est plus
seulement une affaire des relations entre gouvernements. (Battistella, 2006
:323 ; Charillon, 2002 : 13)
C'est que dans la perspective du retournement du monde,
« les interactions incessantes entre les dynamiques issues du monde des
États et celles provenant du monde `'multicentré» tendent
à recomposer profondément le jeu international et, en même
temps, à complexifier et à fragiliser l'action diplomatique
traditionnelle » (Badie et Smouts, op.cit : 71) C'est par ailleurs que la
politique étrangère qui désormais se fait au quotidien,
n'est plus un « domaine réservé » des seuls diplomates,
n'obéit plus véritablement à un centre unique d'impulsion,
et ne se déroule plus dans un contexte d'obscurité, de
mystification et de la rétention de l'information, compte tenu de la
révolution du communicationnel. Elle se fait désormais au
quotidien et implique également les individus. Cette
prolifération d'interlocuteurs est liée à la
multiplication des paramètres à gérer. C'est
également qu'avec l'apparition des thèmes nouveaux,
renforcés par le processus en cours de compression de temps et de
l'espace du fait des technologies de l'information et de la communication, de
renforcement et d'intensification de l'interdépendance entre les
sociétés, il arrive que des acteurs privés soient plus
compétents et mieux aguerris que les administrations d'États.
(Charillon, op.cit :18)
C'est qu'en fin de compte la politique étrangère
se « technicise pour devenir de plus en plus une politique
étrangère de `proximité», jugée sur ses
capacités à régler sur le terrain des problèmes
concrets, et tirant donc sa légitimité de cette efficacité
éventuelle » (idem : 23) Tout en restant dans la même
perspective, mais dans le contexte spécifiquement africain, il est
autorisé à penser que la pertinence de la politique de
coopération internationale ici sera fonction de l'impact des
réalisations opérées sur le terrain. Ceci se justifie
d'autant plus que nombre de politiques étrangères de ce continent
rendent absurde le postulat classique d'une différenciation entre
l'externe et l'interne. (Dietrich Jung, in Charillon : 102) L'enjeu ici est
d'autant plus considérable que ces États qui tiennent beaucoup
aux Organisations internationales et aux garanties que celles-ci leurs
apportent (Ben Tonra : 341 ; Pondi), mais dont « la pratique de la
politique étrangère est indissociablement liée, (...)
à un processus de formation de l'État en cours, n'ont toujours
pas réussi à lever le soupçon qui leur présente sur
la scène internationale comme des régimes autoritaires persistant
du fait d'une inimitié congénitale et persistante existant entre
l'État et la société. (Mécanismes des rentes
politique et économique y obligent) (Jung : 104 ; Owona Nguini, 1999)
Peut-être est-ce la raison pour laquelle l'effectivité de la
politique camerounaise de coopération internationale connaît des
dysfonctionnements inquiétants.
2. POUR UNE NOUVELLE POLITIQUE CAMEROUNAISE DE
COOPÉRATION
Le Cameroun, s'il est doté de personnalités dont
la compétence et la mobilisation au sein des structures internationales
et à l'international, lesquelles performances renforcent quotidiennement
son rayonnement diplomatique, connaît néanmoins des
dysfonctionnements internes importantes qui, à long terme pourraient
saper sa crédibilité internationale. De tels couacs internes qui
s'observent régulièrement au sein des principales institutions
ont également des répercussions au niveau du déploiement
sur le terrain.
Cela fait un peu plus d'une décennie en effet, Kombi
Mouelle notait une « carence fonctionnelle regrettable » au sein de
la coordination interministérielle de l'action internationale
camerounaise. (op.cit : 39) Or, le Comité interministériel de
coordination des Relations internationales créé en octobre 1973,
et régi par le décret n° 78/026 du 16 janvier 1978,
était chargé dans le cadre des orientations définies par
le chef de l'État de « déterminer les objectifs de la
République du Cameroun dans le domaine international, de coordonner les
actions des divers département ministériels en vue d'atteindre
ces objectifs et de procéder périodiquement à
l'évaluation des relations extérieures ». Et l'actuel
Directeur de l'IRIC de regretter le fait que ledit Comité n'ait eu
qu'une existence « fantomatique », en dépit de son
institutionnalisation formelle (idem : 40) Force est de noter que cette carence
fonctionnelle interministérielle persiste encore aujourd'hui. En effet,
alors que nos investigations sur l'action normative de la coopération
Cameroun-UNESCO nous conduisaient légitimement auprès du
Ministère de la Planification, de la Programmation du
Développement et de l'Aménagement du Territoire (MINPAT), le Chef
de la cellule des conventions, nous renvoyait en toute `politesse'
auprès du MINEDUB, parce que ne disposant, à ce moment d'aucune
Convention signé entre le Cameroun et l'UNESCO. Les responsables de ce
département ministériel à leur tour nous renvoyaient
auprès de la Commission nationale, qui également nous priait de
nous adresser auprès du Bureau régional. Après cette
série de va-et- vient somme toute improductive, nous nous
présentions pour la seconde fois devant le responsable du MINPAT qui se
résolu à nous présenter la situation avec un minimum de
clarté : « le Ministère du Plan est sensé être
impliqué dans l'application des différentes Conventions. Or c'est
à peine s'il reçoit les Copie Certifiées Conformes desdits
textes. C'est dire que le MINEDUB à l'instar des autres
ministères, ne l'associe véritablement, ni dans
l'élaboration, ni dans la conclusion de ces questions qui dans la
pratique deviennent leur domaine réservé. Pis encore, je dois
courir auprès des ministères concernés pour
requérir quelques conventions... »
Le fait est que la carence interministérielle
susmentionnée cache un autre phénomène on ne peut plus
déplorable au Sud du Sahara : celui de la difficile traduction des
projets de
financement au sein des localités, sapant ainsi toute
perspective de développement endogène. Mieux, cette
léthargie interne annule toute cohérence et partant, toute
efficacité lors des négociations et de
l'opérationnalisation des projets. La difficile conciliation des «
intérêts » entre les pouvoirs publics et la
société civile compliquerait davantage cette situation.
Très souvent, c'est l'intérêt national qui est
sacrifié sur l'autel des gains particularistes des différents
acteurs. Qui plus est, la difficile traduction d'une « plate-forme de
philosophie globale » sous-tendant la politique camerounaise de
coopération, creuse un hiatus entre les projets de développement
et « l'aspiration profonde des populations » (Epote) Cette
réalité est à regretter au moment où la politique
étrangère « se technicise pour devenir de plus en plus une
`politique étrangère de proximité», jugée sur
ses capacités à régler sur le terrain des problèmes
concrets, et tirant donc sa légitimité de cette efficacité
éventuelle » (Charillon, 23) Elle l'est d'autant plus qu'il est
communément admis qu' « une société frappée
d'anomie à l'intérieur, c'est-à-dire incapable d'assurer
les rapports de coopération entre les différents rôles
sociaux, est une société frappée de marginalisation
à l'extérieur » (Badie et Smoots, 116)
Plusieurs auteurs s'accordent aujourd'hui sur le fait que la
politique étrangère au plan international, à plusieurs
égards constitue le prolongement de la politique intérieure des
États. De l'avis de l'internationaliste Moudourou, il sera fort peu
évident aux promoteurs de la politique internationale camerounaise de
`saisir» les enjeux et de s'adapter au système international
actuel, sans une définition claire et une coordination harmonieuse de
tous « les maillons de la chaîne diplomatique camerounaise ».
Pour cet internationaliste, le Cameroun, pour une amélioration de sa
position sur l'échiquier internationale, est tenu de transcender les
difficultés internes et externes « qui risquent de le faire
percevoir comme une vitrine de l'Afrique des divisions ». D'où
« l'urgence de l'élaboration d'une doctrine camerounaise de
politique étrangère pertinente cohérente et audacieuse
». Une telle doctrine, dans le cadre de la coopération
internationale passerait également par la formation systématique
des fonctionnaires internationaux à même de servir la cause
universelle bien sur, mais aussi celle de l'Afrique au sein des structures
internationales. C'est dire à la suite de Emmanuel Pondi de toute «
l'urgence de former des diplomates africains pour assurer une relève
empreinte de sensibilité africaine » (op.cit : 37 et 38)
La politique étrangère du Cameroun, en
dépit de la pertinence et de la légitimité de ses
principes directeurs qui en font un modèle pacifiste aux yeux de la
communauté internationale, a besoin, pour une meilleure
efficacité, de se réinventer, et de réinventer avec
elle les relations entre l'État et son environnement
sociopolitique, voire académique26. Car liée aux
circonstances, la politique étrangère est, suivant l'expression
consacrée de Bismark, « l'art du possible », « la science
du relatif ». C'est pourquoi cet ancien diplomate et universitaire
chevronné, (Kissinger dont l'admiration porté sur l'ancien «
sage » empereur allemand ne fait aucun doute) pense qu'elle doit se
nourrir du passé pour rechercher le plus grand progrès possible,
plutôt que d'en être prisonnière. Enfin, de l'avis de
Mathias Éric Owona Nguini, les sociétés et États du
Sud du Sahara, parce que confrontés à la domination
stratégique et systémique du `temps mondial», sont plus que
jamais « tenus de produire une intelligence organisationnelle et
institutionnelle capable de s'y adapter ». Et la coopération
internationale, si elle est appréhendée au mieux de
l'intérêt de la nation, peut jouer à ce niveau un
rôle plus que déterminant. La pertinence d'un tel
intérêt serait alors fonction de la place accordée à
chaque individu, quand bien même cette coopération
paraîtrait crédible aux yeux de ses principaux promoteurs.
26 Il s'agit en effet d'un plaidoyer pour une
sociologie de la politique étrangère camerounaise,
elle-même en interaction avec la sociologie de la scène mondiale
et la sociologie de l'État, afin que la recomposition des savoirs puisse
suivre celle des pratiques. (Charillon : 26)
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