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L'utilité d'une coopération technique au sud du Sahara: Le cas des relations Cameroun-Unesco

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par Gérard Martial AMOUGOU
Université de Yaoundé II SOA - DEA en Science politique 2006
  

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SECTION II : LE CADRE POLITIQUE DE COOPÉRATION CAMEROUN-UNESCO

Il s'agit dans un premier temps d'évoquer la politique de coopération de l'UNESCO qui, recèle des points de convergence certains avec le système des Nations unies. Ensuite d'énoncer les principes directeurs du système camerounais de coopération internationale qui, bien qu'en étant en phase avec les idéaux universels promus au sein de l'UNESCO, nécessite tout de même quelques réaménagements en vue d'une meilleure concorde avec l' « esprit du temps ».

PARAGRAPHE I : LA POLITIQUE DE COOPERATION DE L'UNESCO.

Bien qu'il n'existe, à proprement parler, pas de filiation directe entre l'UNESCO et l'ONU (si l'on s'en tient à leurs origines), il reste cependant difficile d'appréhender la politique de coopération de celle-ci en marge de celle du système onusien. Ce qui ne l'empêche guère de préserver certaines spécificités qui, très souvent, en font un organisme difficilement saisissable aux yeux de certains experts.

A. L'UNESCO DANS LE SILLAGE DES NATIONS UNIES.

« Comme il est évident que la liberté est fragile sans garanties sociales et économiques, rappelle Jean-Baptiste Duroselle, les Nations unies sont résolues `à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande». Pour y parvenir, poursuit notre historien des relations internationales, le meilleur moyen est la coopération internationale qui permettra de résoudre les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire » (Duroselle, 1998 : 9). Le parallèle avec l'UNESCO est effectif dans le sens où l'action de l'UNESCO au sein des États membres s'effectue par le biais de la coopération intellectuelle internationale en vue de renforcer les conditions matérielles et spirituelles d'existence et de coexistence entre les hommes, et ceci dans le strict respect des droits et libertés des peuples. De manière plus précise, la politique de coopération de l'UNESCO, à l'instar de son cadre institutionnel, s'arrime aux objectifs des Nations unies exprimés dans la charte (article 1 paragraphe 3 ; article 13 et 17, et Chapitre IX et X), et récemment, à ceux exprimés dans le cadre des OMD.

Il s'agit d'une politique respectueuse de la souveraineté interne des États et qui se limite pour l'essentiel sur l'aspect technique, conformément aux priorités nationales. Et dans la perspective de la Résolution 200 (III) de l'Assemblée générale des Nations unies de 1948, l'assistance technique fournie qui n'est donnée qu'aux gouvernements ou par leur

intermédiaire devra répondre aux priorités du pays intéressé, et ne constituera pas un prétexte d'ingérence économique ou politique. C'est dire que la primauté ici est accordée à l'intérêt national et à la sauvegarde de la souveraineté de l'État bénéficiaire de l'assistance technique. Dans la même veine, la formule utilisée dans le cadre du Programme Elargi d'Assistance Technique (PEAT) fondée en 1949 « consistera à envoyer des experts dans les pays afin de conseiller les gouvernement sur leurs programmes de développement, à former à l'étranger les experts issus des pays en voie de développement, à former les techniciens sur place... » (Epote, op.cit : 44) Sauf que le nouveau contexte international, sans nécessairement remettre en cause ces données classiques, autorise à reconnaître que les mutations en cours ont créé un « lien entre un régionalisme, qui ne se définissait jusqu'alors que par rapport à des enjeux nationaux, et un régionalisme défini par rapport à un ordre mondial » (Karoline Postel-Vinay, in Marie-Claude Smoots, 1998 : 117). C'est fort de cela que l'on assiste à l'avènement des problèmes dits « globaux » qui interpellent la communauté internationale dans son ensemble. C'est aussi pourquoi l'on assiste de plus en plus à l'émergence des fora internationaux regroupant des acteurs étatiques et privés autour des thèmes tels que l'EPT ou encore les OMD.

Au sein de l'UNESCO, la mise en application des OMD obéit à deux types d'actions à caractères opérationnels et incitatrices. L'action incitatrice se traduit à travers les conférences organisée aux niveaux sous régional, régional et international, tandis que l'action opérationnelle se traduit par le recrutement d'experts et l'envoi des missions d'évaluation au sein des pays concernés. Ces actions, ainsi que nous l'avons déjà souligné, sont soutenues par les ressources de son budget ordinaire et des ressources extrabudgétaires et reposent pour l'essentiel sur la coopération technique.

Aussi nous est-il permis de noter que l'orientation générale de la coopération de l'UNESCO s'appui prioritairement sur le renforcement du secteur éducatif, ainsi que le révèle le forum de Dakar sur l'EPT, et ceci avec le concours du BIRD, du PNUD et de l'UNICEF. Et bien avant ledit forum, le programme d'assistance de l'UNESCO évoluait progressivement dans la perspective de renforcement de ce secteur, l'objectif étant de subvenir aux besoins des pays les moins avancés, pour qui l'éducation apparaissait comme la priorité des priorités. Est- ce à dire que les autres secteurs sont pour autant dépourvus d'intérêt ? La réponse va nécessairement à la négative dans la mesure où la science, la culture, la communication et même les droits de l'homme sont pris en compte, en fonction des besoins de chaque pays. Mais également parce qu'ils constituent un palliatif significatif à l'éducation qui, il faut le dire, est un secteur transversal. A côté de ces données de bases qui relèvent de la constance, il

nous sied de mentionner la priorité accordée au continent africain et la politique de décentralisation instaurée dans le sillage des OMD, comme critères essentiels de la « nouvelle » politique de coopération de l'UNESCO.

B. LA DÉCENTRALISATION ET L'AFRIQUE COMME PRIORITÉS DE LA NOUVELLE POLITIQUE DE L'UNESCO ?

Les principes d'une décentralisation de l'UNESCO sont pour la première fois de manière officielle fixés dans la résolution 30 C/83, de 1999. Réforme qui sera relayée par un plan d'action approuvé par le Conseil dès sa 159e session tenue en avril 2000. Il s'agit prioritairement de la création de bureaux hors siège chargés de desservir un groupe de pays. Au coeur de cette réforme se trouve l'instauration des bureaux multipays qui vont porter le nom de cluster office, institués pour être la nouvelle charpente du programme de décentralisation. Car au-delà de la pure compression, ces bureaux plutôt que de simples délégations lointaines du Siège, assurent une représentation effective constituant le lieu même de la présence de l'UNESCO, le véritable nouveau centre du dispositif. Centre pluriel, le cluster « amène également la notion de réseau et d'interaction au coeur de la conception nouvelle du fonctionnement de l'UNESCO. »

Il est tout de même indiqué d'observer que certains bureaux homologues aux cluster ne couvrent qu'un seul pays, soit que ce dernier soit en situation de post-conflit ou en transition, soit encore du fait de son immensité comme c'est le cas des E-9 (neuf pays à fortes population) : il s'agit du Bangladesh, du brésil, de la Chine, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique, le Pakistan et enfin l'Egypte et le Nigeria pour ce qui est de l'Afrique. En outre, il existe dix bureaux régionaux analogues aux instituts qui appuient les bureaux multi pays sur des programmes bien définis. Il s'agit des clusters de Dakar, Nairobi, Beyrouth, Bangkok et La Havane, pour ne citer que ces exemples. Enfin, deux bureaux de liaison auprès des Nations unies situés à New York et à Genève complètent notre réseau décentralisé.

Au total, l'on peut dire que partant d'un déploiement de 74 bureaux hors siège, cette réforme a mise en place un système plus ramassé organisé autour de 52 bureaux. A savoir 27 bureaux multipays, 21 bureaux nationaux, 2 bureaux de liaison avec l'ONU, et enfin les bureaux régionaux de Venise et de Santiago du Chili, non dénombrés parmi les multipays.

Il va sans dire que l'utilité de cette politique de décentralisation serait davantage significative en ceci que la mise en place de ce dispositif pallie aux éventuelles possibilités de fermeture de bureau, tout pays se trouvant inclus dans un cadre favorable à l'instauration

d'une coopération accrue entre pays du même groupe. En plus, un effort considérable a permis une nette amélioration des effectifs des unités hors siège qui sont passées de 226 professionnels à 271 au cours des trois derniers biennia.

Qui plus est depuis le Sommet mondial de 2005, l'UNESCO a avancé l'examen de sa propre Stratégie de décentralisation initialement prévue pour 2008-2009. Dans la perspective de la réforme de l'ONU, l'UNESCO en effet adhère à la nécessité d'une harmonisation plus poussée entre les Organes des Nations unies, d'un alignement plus étroit sur les processus de développement conduits dans les pays et d'une transparence et d'une responsabilisation accrue. Il s'agit pour l'Organisation d'affiner l'actuel système de décentralisation en s'inspirant du cadre de décentralisation récemment mis en place pour la réforme du Secteur de l'éducation, notamment pour renforcer sa capacité à réaliser tout particulièrement l'EPT et accroître l'impact de son action. Il s'agit également pour notre institution de faire le point sur la Stratégie de décentralisation (176 EX/6) et d'améliorer la communication sur la réforme au sein du réseau hors siège.

L'analogie existante entre l'UNESCO et l'ONU reste également perceptible au niveau de l'Afrique en ceci que le développement et la coopération restent un enjeu permanent de l'action de ces organisations dans un contexte où la paix et la sécurité demeurent des défis majeurs. De l'avis de Jean-Emmanuel PONDI, « si pour certaines populations et certains dirigeants du monde l'ONU n'est qu'un `'machin», un `'moulin à parole» et `'une bureaucratie budgétivore et largement inefficace», telle n'est pas, dans une très large mesure, l'appréciation que les populations et les dirigeants africains font de son action sur leur continent où elle est indispensable au quotidien.... » (Pondi, sous la direction de, 2005 : 9)

Aussi suffit-il de considérer les grands programmes de l'UNESCO pour se rendre compte de la priorité réservée au continent africain. Qu'il s'agisse de la Scolarisation Primaire Universelle (SPU), du Plan de mise en oeuvre de Johannesburg adopté au Sommet mondial pour le développement durable (2002), de la Décennie internationale d'action, « l'eau, source de vie » (2005-2015), et du Programme international pour le développement de la communication (PIDC), il est très aisé de constater que l'Afrique à priori occupe une place de choix.

Il faut enfin de compte dire au niveau du Cameroun que l'impact de ces nouvelles orientations a été très significatif au cours de cette dernière décennie, comparée aux précédentes où le bureau de l'UNESCO ne fonctionnait que par intermittence, où « ouvertures » et « fermetures » se succédaient assez souvent. Toutefois, il reste que des efforts restent encore à faire par les deux parties afin d'améliorer la visibilité de cette

coopération qui reste assez mal connue au sein des populations. Mais ceci passe également par une meilleure connaissance de cette organisation dont la maîtrise des rouages déterminants de son action ne relève pas toujours de l'évidence.

C. LA POLITIQUE DE COOPÉRATION DE L'UNESCO EN BUTE À DES DIFFICULTÉS FONCTIONNELLES

Frédéric Ramel souligne fort bien que l'oeuvre de Grotius24 consiste à doter la société internationale d'un « ordre fondé sur des principes juridiques » (Ramel, 2002 : 99). Il convient tout de même de noter que l'effort inlassable engagé par l'UNESCO pour « construire la paix dans l'esprit des hommes » nécessite une implication quotidienne des principes moraux universels comme complément à cet ordre juridique. Et si ses promoteurs réfutent toute posture visant à reconstruire la société mondiale sur des postulats politiques dotés des bases scientifiques solides à même de réaliser empiriquement le cadre politique de la société des individus, c'est parce qu'une telle attitude se fonde sur l' « inquiétude maladive » hobbesienne à l'égard d'autrui (ibidem : 118). Tout au plus, s'accordent-ils avec la perception de Pufendorf pour qui la nature humaine est par essence sociable. Sauf que c'est à ce niveau que constitue la principale difficulté : traduire cette sociabilité dans le fonctionnement quotidien de l'organisation.

Déjà Victor Yves Ghebali ressassait trois grandes préoccupations auprès des pères fondateurs de l'UNESCO, lesquelles préoccupations sapaient les fondements du projet qui dans son essence devenait « hybride », et dans sa formulation, « ambigu ». Il s'agissait de « prévenir le retour d'une `'grande et terrible» guerre, combattre les germes de fanatisme dans la mentalité des peuples et enfin, fonder la paix nouvelle sur le respect des droits de l'homme » (cité par Pondi). De la difficile conciliation de ces facteurs, poursuit-il, résultera « un projet nimbé d'une obscure clarté ». Peut-être, ceci pourrait entre autres expliquer le fait que sa gestion quotidienne soit confrontée à de sérieuses difficultés de fonctionnement.

De l'avis d'Emmanuel PONDI, le fonctionnement quotidien de l'UNESCO est difficilement réalisable du fait d'un Conseil exécutif quelque peu dominé par la Conférence ; associé à cela la prolifération des Commission nationales et ONG qui affublent nos deux principaux organes, ce qui entame la gestion quotidienne de l'UNESCO. C'est dire que pour ce spécialiste des relations internationales, il ne fait aucun doute que la nature intrinsèques des problèmes relatifs aux différents secteurs d'activités, lesquels impliquent nécessairement des

24 Dont l'influence des idées auprès des Pères fondateurs de l'UNESCO est conventionnellement reconnue

choix importants de société, « prédisposait l'UNESCO et son chef à être entraînés dans des controverses de nature politique » (Pondi, ibidem : 30). Où l'on voit ainsi se profiler toute la problématique de « l'acteur et du système ».

Dans la perspective de Crozier et Friedberg, l'acteur est régulièrement en quête de contrôle d'éventuelles « zones d'incertitudes » qui lui accorderaient des coudées franches lui permettant d'échapper en partie à l'emprise du système, si ce n'est d'améliorer sa marge de manoeuvre vis-à-vis de celui-ci. Il se tisse alors un ensemble de relations complexes entre les individus où « jeu » et « pouvoir » sont mobilisés par l'ensemble des acteurs, créant ainsi une configuration dont le processus n'obéit guère à leurs subjectivités respectives. Une telle complexité s'observe également au sein de notre organisation intergouvernemental qui n'est rien d'autre qu'une organisation d'États ; d'où « le principe et la finalité de tout son pouvoir et de son efficacité résident dans ces États » et dans leur capacité d'agir de concert avec la société civile, les peuples et partant, les individus. Pour ne s'en tenir qu'à l'acteur principal qu'est l'État, on s'en rend bien compte que ses velléités particularistes et de puissance, très souvent l'opposent aux principes universels et universalistes nécessaires à la réalisation de la coopération intellectuelle souhaitée au sein de l'UNESCO. C'est ainsi qu'au cours de son évolution, l'UNESCO et ses principaux dirigeants (l'exemple du Sénégalais MATAR M'BOW est révélateur à ce propos), ont régulièrement été confrontés à des difficultés minant son fonctionnement quotidien. De même, les sanctions opérées à l'encontre du régime de Tel Aviv en 1970, la mise en quarantaine du régime sud africain d' « apartheid », ou encore le retrait des USA et de la Grande-Bretagne, sont des exemples patents des difficultés rencontrées par l'UNESCO dans son effort quotidien d'élévation des défenses paix dans l'esprit des hommes25. Il s'avère donc important qu'un État comme le Cameroun puisse maîtriser ces couacs internes propres à l'UNESCO, et les nouveaux enjeux liés à la mondialisation, afin de mieux appréhender sa politique de coopération avec l'Organisation mondiale au mieux de ses intérêts qui ne sont nécessairement pas opposés à ceux de la communauté internationale.

PARAGRAPHE II : LA POLITIQUE CAMEROUNAISE DE COOPÉRATION INTERNATIONALE

Depuis son accession au statut juridique international, lequel statut lui confère des privilèges certains à l'instar de l'adhésion au concert des nations souveraines, le Cameroun

25 Ajouté à cela des déficits budgétaires, causés tantôt par la « mauvaise foi » de certains Etats qui n'honore pas toujours convenablement à leurs contributions, tantôt aux « retraits » de certains pour des raisons idéologiques ou politiques

s'est doté d'une politique étrangère qui structure et rend compte de son action internationale. L'on observe en effet que les principes directeurs régissant la stratégie camerounaise de coopération internationale restent intangibles, non seulement dans les domaines bilatérale et multilatérale, mais aussi au sein des relations sud-sud et sud-nord. Si l'on peut féliciter le fait que la diplomatie camerounaise soit restée fidèle à ses principes, il reste que celle-ci devrait, tout en préservant certains acquis, se réajuster à la nouvelle conjoncture internationale, afin de gagner en efficacité.

A. ÉNONCIATION ET JUSTIFICATION DES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA COOPÉRATION AU CAMEROUN.

1. INDÉPENDANCE NATIONALE, COOPÉRATION INTERNATIONALE ET UNITÉ AFRICAINE COMME FACTEURS STRUCTURANT LA PROJECTION EXTÉRIEURE DU CAMEROUN

Depuis son accession à l'indépendance le 1er janvier 1960, la coopération internationale et l'indépendance nationale ont longtemps constitué le leitmotiv de l'action du Cameroun au niveau international. Et comme le rappelait l'ex-président AHIDJO en 1976, « nos prises de positions dans les affaires internationales se sont toujours placées dans l'optique de la plus totale fidélité à ces deux principes d'indépendance nationale et de coopération internationale » (Evina, 70, 1982). Dans le même sillage, l'actuel chef de l'État, M. Paul Biya, alors qu'il s'apprêtait à présider aux destinées de la nation camerounaise, rappelait le 6 novembre 1982 que les options sur le plan international sont la coopération, la paix entre les nations et le non-alignement (MOUELLE KOMBI, 1996 : 46).

Longtemps confondu avec le non-alignement, l'indépendance nationale permet au Cameroun de préserver sa souveraineté et sa spécificité à l'échelon international. Ce dernier pouvait à cet effet définir ses priorités propres, à l'instar de la lutte contre la pauvreté. Il allait de soit que le non alignement, comme ce fut des autres nations représentant le tiers-monde, ne pouvait aboutir qu'à la coopération internationale, qui est toujours apparue comme l'une des principales manifestations de la solidarité internationale. Aussi la coopération multilatérale en exercice au sein du système des Nations Unies, et dont la recherche de la paix en constitue le principal objectif, a toujours offert une plus grande ouverture.

Partant de l'idée selon laquelle « le comportement d'un acteur étatique sur la scène internationale peut être déterminé par diverses finalités » Mouelle Kombi dans son effort de

mise en relief d'une politique étrangère camerounaise, ajoutera l'unité africaine comme autre principe fondamental structurant l'action internationale du Cameroun. Pour lui une telle unité devrait passer par la libération totale du continent, ceci dans le respect des frontières héritées de la colonisation. Il relève néanmoins que cette aspiration au panafricanisme reste encore une nébuleuse.

2. JUSTIFICATION DES CHOIX DE POLITIQUE EXTÉRIEURE DU CAMEROUN

Pour tout observateur attentif des relations internationales africaines post- indépendances et post-guerre froide, le discours sur le développement reste la rhétorique la mieux partagée au sein des différentes élites. Pour ce qui est du Cameroun (qui ne fait guère exception ici), cette « recherche du développement (voir infra sur notre étayage de ce concept) est l'un des vecteurs majeurs de la cohérence et de la rationalité » de sa politique étrangère (M. Kombi, 1996, 75). Il s'agit en fait d'une stratégie réaliste dans la mesure où la raison d'être de la diplomatie dans les pays en voie de développement reste la recherche de changement de l'environnement international au mieux des intérêts desdits États. « Et très souvent cela se fait à travers la diplomatie multilatérale au sein des organisations internationales » (Menye, 2003 : 2) De surcroît, le rendement des institutions spécialisées de l'ONU, à l'instar de l'UNESCO « est d'une importance et d'une utilité telles que le gouvernement camerounais l'intègre dans sa stratégie de développement » (M. Kombi, idem : 180)

Il n'est de ce fait pas très surprenant de constater à partir de ces principes directeurs que le Cameroun puisse voter à plus de 90% en faveur des résolutions des Nations Unies et partant de l'UNESCO, compte tenu de sa sensibilité à l'éthique pacifiste et à la morale internationale. « Cette sensibilité à l'éthique et à la morale internationale, est un indice offert à la compréhension de ce que le Cameroun attend de l'organisation mondiale et du rôle qu'il aimerait voir jouer par celle-ci ». Il n'est non plus très surprenant que Yaoundé soit surreprésenté au sein de l'institution spécialisée des Nations Unies qu'est l'UNESCO, par rapport au quota normal de représentation, même si l'on parvient encore à s'interroger sur l'existence réelle d'une politique camerounaise de placement des nationaux dans la fonction publique internationale.

Car si l'apport de l'UNESCO est d'une importance et d'une utilité telle que les autorités camerounaises l'intègrent dans la stratégie de développement, il reste que cette dernière, pour plus d'efficacité, devrait accorder une place significative à la coopération

internationale. Dans la mesure où le Cameroun par le biais de celle-ci « peut devenir allocataire des ressources financières, technologiques, scientifiques, naturelles, et même humaines dont il ne dispose pas et qui, pourtant, lui sont nécessaires pour prétendre au progrès... » (Idem : 225) Mieux, si les instruments multilatéraux permettent au Cameroun d'apporter sa touche spéciale à la structuration organique et normative du village planétaire, il est indiqué de rappeler que l'unité nationale devrait être au centre d'une telle politique étrangère. Bien plus, si tant est que le peuple doit être le bénéficiaire des dividendes tirées de l'action internationale du Cameroun, alors chaque individu doit « se sentir davantage impliqué dans ce processus, de manière soit immédiate soit médiate » (idem : 228).

Car, à l'heure où l' « externe » et l' « interne » sont en interaction permanente, au moment où la traduction, sinon la mise en oeuvre des objectifs visés nécessite des programmes d'action qui tiennent également compte de l'environnement interne, l'on peut s'interroger avec quelque raison sur l'existence d'une politique cohérente et bien coordonnée de coopération internationale.

B. LA POLITIQUE CAMEROUNAISE DE COOPÉRATION FACE AUX NOUVELLES MUTATIONS INTERNATIONALES : NÉCESSITÉ D'UNE STRATÉGIE COHÉRENTE ET EFFICACE

1. LES NOUVEAUX `MIRAGES' DE LA POLITIQUE ÉTRANGERE

Les mutations dont connaît la société internationale ne nécessitent uniquement pas un « effort de recomposition du savoir », où les nouveaux paradigmes viennent se confronter aux classiques. Non plus, elles ne feraient seulement appel à une (ré) appréhension des principes, à l'heure où la responsabilité est de plus en plus opposée à l'intérêt et à la sécurité internationale. Les transformations et détériorations de l'environnement international font également appel à un effort de recomposition des pratiques, notamment depuis l'avènement des nouvelles formes d'intégration qui transcendent les actions diplomatiques traditionnelles. (Badie et Smouts, 1999 :19) En effet, si tout le monde s'accorde avec James Rosenau que l'État sur la scène internationale poursuit essentiellement trois objectifs que sont la recherche d'opportunités, la préservation situations qui lui sont favorables et, la modification de celles qui lui sont défavorables ; il reste que la politique étrangère qui jusqu'aujourd'hui demeure la matière par excellence des relations internationales, n'est plus seulement une affaire des relations entre gouvernements. (Battistella, 2006 :323 ; Charillon, 2002 : 13)

C'est que dans la perspective du retournement du monde, « les interactions incessantes entre les dynamiques issues du monde des États et celles provenant du monde `'multicentré» tendent à recomposer profondément le jeu international et, en même temps, à complexifier et à fragiliser l'action diplomatique traditionnelle » (Badie et Smouts, op.cit : 71) C'est par ailleurs que la politique étrangère qui désormais se fait au quotidien, n'est plus un « domaine réservé » des seuls diplomates, n'obéit plus véritablement à un centre unique d'impulsion, et ne se déroule plus dans un contexte d'obscurité, de mystification et de la rétention de l'information, compte tenu de la révolution du communicationnel. Elle se fait désormais au quotidien et implique également les individus. Cette prolifération d'interlocuteurs est liée à la multiplication des paramètres à gérer. C'est également qu'avec l'apparition des thèmes nouveaux, renforcés par le processus en cours de compression de temps et de l'espace du fait des technologies de l'information et de la communication, de renforcement et d'intensification de l'interdépendance entre les sociétés, il arrive que des acteurs privés soient plus compétents et mieux aguerris que les administrations d'États. (Charillon, op.cit :18)

C'est qu'en fin de compte la politique étrangère se « technicise pour devenir de plus en plus une politique étrangère de `proximité», jugée sur ses capacités à régler sur le terrain des problèmes concrets, et tirant donc sa légitimité de cette efficacité éventuelle » (idem : 23) Tout en restant dans la même perspective, mais dans le contexte spécifiquement africain, il est autorisé à penser que la pertinence de la politique de coopération internationale ici sera fonction de l'impact des réalisations opérées sur le terrain. Ceci se justifie d'autant plus que nombre de politiques étrangères de ce continent rendent absurde le postulat classique d'une différenciation entre l'externe et l'interne. (Dietrich Jung, in Charillon : 102) L'enjeu ici est d'autant plus considérable que ces États qui tiennent beaucoup aux Organisations internationales et aux garanties que celles-ci leurs apportent (Ben Tonra : 341 ; Pondi), mais dont « la pratique de la politique étrangère est indissociablement liée, (...) à un processus de formation de l'État en cours, n'ont toujours pas réussi à lever le soupçon qui leur présente sur la scène internationale comme des régimes autoritaires persistant du fait d'une inimitié congénitale et persistante existant entre l'État et la société. (Mécanismes des rentes politique et économique y obligent) (Jung : 104 ; Owona Nguini, 1999) Peut-être est-ce la raison pour laquelle l'effectivité de la politique camerounaise de coopération internationale connaît des dysfonctionnements inquiétants.

2. POUR UNE NOUVELLE POLITIQUE CAMEROUNAISE DE COOPÉRATION

Le Cameroun, s'il est doté de personnalités dont la compétence et la mobilisation au sein des structures internationales et à l'international, lesquelles performances renforcent quotidiennement son rayonnement diplomatique, connaît néanmoins des dysfonctionnements internes importantes qui, à long terme pourraient saper sa crédibilité internationale. De tels couacs internes qui s'observent régulièrement au sein des principales institutions ont également des répercussions au niveau du déploiement sur le terrain.

Cela fait un peu plus d'une décennie en effet, Kombi Mouelle notait une « carence fonctionnelle regrettable » au sein de la coordination interministérielle de l'action internationale camerounaise. (op.cit : 39) Or, le Comité interministériel de coordination des Relations internationales créé en octobre 1973, et régi par le décret n° 78/026 du 16 janvier 1978, était chargé dans le cadre des orientations définies par le chef de l'État de « déterminer les objectifs de la République du Cameroun dans le domaine international, de coordonner les actions des divers département ministériels en vue d'atteindre ces objectifs et de procéder périodiquement à l'évaluation des relations extérieures ». Et l'actuel Directeur de l'IRIC de regretter le fait que ledit Comité n'ait eu qu'une existence « fantomatique », en dépit de son institutionnalisation formelle (idem : 40) Force est de noter que cette carence fonctionnelle interministérielle persiste encore aujourd'hui. En effet, alors que nos investigations sur l'action normative de la coopération Cameroun-UNESCO nous conduisaient légitimement auprès du Ministère de la Planification, de la Programmation du Développement et de l'Aménagement du Territoire (MINPAT), le Chef de la cellule des conventions, nous renvoyait en toute `politesse' auprès du MINEDUB, parce que ne disposant, à ce moment d'aucune Convention signé entre le Cameroun et l'UNESCO. Les responsables de ce département ministériel à leur tour nous renvoyaient auprès de la Commission nationale, qui également nous priait de nous adresser auprès du Bureau régional. Après cette série de va-et- vient somme toute improductive, nous nous présentions pour la seconde fois devant le responsable du MINPAT qui se résolu à nous présenter la situation avec un minimum de clarté : « le Ministère du Plan est sensé être impliqué dans l'application des différentes Conventions. Or c'est à peine s'il reçoit les Copie Certifiées Conformes desdits textes. C'est dire que le MINEDUB à l'instar des autres ministères, ne l'associe véritablement, ni dans l'élaboration, ni dans la conclusion de ces questions qui dans la pratique deviennent leur domaine réservé. Pis encore, je dois courir auprès des ministères concernés pour requérir quelques conventions... »

Le fait est que la carence interministérielle susmentionnée cache un autre phénomène on ne peut plus déplorable au Sud du Sahara : celui de la difficile traduction des projets de

financement au sein des localités, sapant ainsi toute perspective de développement endogène. Mieux, cette léthargie interne annule toute cohérence et partant, toute efficacité lors des négociations et de l'opérationnalisation des projets. La difficile conciliation des « intérêts » entre les pouvoirs publics et la société civile compliquerait davantage cette situation. Très souvent, c'est l'intérêt national qui est sacrifié sur l'autel des gains particularistes des différents acteurs. Qui plus est, la difficile traduction d'une « plate-forme de philosophie globale » sous-tendant la politique camerounaise de coopération, creuse un hiatus entre les projets de développement et « l'aspiration profonde des populations » (Epote) Cette réalité est à regretter au moment où la politique étrangère « se technicise pour devenir de plus en plus une `politique étrangère de proximité», jugée sur ses capacités à régler sur le terrain des problèmes concrets, et tirant donc sa légitimité de cette efficacité éventuelle » (Charillon, 23) Elle l'est d'autant plus qu'il est communément admis qu' « une société frappée d'anomie à l'intérieur, c'est-à-dire incapable d'assurer les rapports de coopération entre les différents rôles sociaux, est une société frappée de marginalisation à l'extérieur » (Badie et Smoots, 116)

Plusieurs auteurs s'accordent aujourd'hui sur le fait que la politique étrangère au plan international, à plusieurs égards constitue le prolongement de la politique intérieure des États. De l'avis de l'internationaliste Moudourou, il sera fort peu évident aux promoteurs de la politique internationale camerounaise de `saisir» les enjeux et de s'adapter au système international actuel, sans une définition claire et une coordination harmonieuse de tous « les maillons de la chaîne diplomatique camerounaise ». Pour cet internationaliste, le Cameroun, pour une amélioration de sa position sur l'échiquier internationale, est tenu de transcender les difficultés internes et externes « qui risquent de le faire percevoir comme une vitrine de l'Afrique des divisions ». D'où « l'urgence de l'élaboration d'une doctrine camerounaise de politique étrangère pertinente cohérente et audacieuse ». Une telle doctrine, dans le cadre de la coopération internationale passerait également par la formation systématique des fonctionnaires internationaux à même de servir la cause universelle bien sur, mais aussi celle de l'Afrique au sein des structures internationales. C'est dire à la suite de Emmanuel Pondi de toute « l'urgence de former des diplomates africains pour assurer une relève empreinte de sensibilité africaine » (op.cit : 37 et 38)

La politique étrangère du Cameroun, en dépit de la pertinence et de la légitimité de ses principes directeurs qui en font un modèle pacifiste aux yeux de la communauté internationale, a besoin, pour une meilleure efficacité, de se réinventer, et de réinventer avec

elle les relations entre l'État et son environnement sociopolitique, voire académique26. Car liée aux circonstances, la politique étrangère est, suivant l'expression consacrée de Bismark, « l'art du possible », « la science du relatif ». C'est pourquoi cet ancien diplomate et universitaire chevronné, (Kissinger dont l'admiration porté sur l'ancien « sage » empereur allemand ne fait aucun doute) pense qu'elle doit se nourrir du passé pour rechercher le plus grand progrès possible, plutôt que d'en être prisonnière. Enfin, de l'avis de Mathias Éric Owona Nguini, les sociétés et États du Sud du Sahara, parce que confrontés à la domination stratégique et systémique du `temps mondial», sont plus que jamais « tenus de produire une intelligence organisationnelle et institutionnelle capable de s'y adapter ». Et la coopération internationale, si elle est appréhendée au mieux de l'intérêt de la nation, peut jouer à ce niveau un rôle plus que déterminant. La pertinence d'un tel intérêt serait alors fonction de la place accordée à chaque individu, quand bien même cette coopération paraîtrait crédible aux yeux de ses principaux promoteurs.

26 Il s'agit en effet d'un plaidoyer pour une sociologie de la politique étrangère camerounaise, elle-même en interaction avec la sociologie de la scène mondiale et la sociologie de l'État, afin que la recomposition des savoirs puisse suivre celle des pratiques. (Charillon : 26)

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle