III.3.2. Compléter le projet en créant de
nouvelles activités
Le projet actuellement ne prend pas en compte la circulation
de l'eau de mer et ne propose pas de plan d'exploitation de la mangrove. Ces
deux points sont pourtant essentiels pour la réhabilitation des 1.000
hectares de Rhizophora plantés en 2008.
Prévoir une valorisation économique du
bois
Les populations habitent en zone de mangrove et en
périphérie, de manière à être proche de cette
ressource. La population actuelle de la Basse-Casamance représente un
fort potentiel de défriche (GAMMAGE, 1997). On dénombre 577.552
habitants en 2001 dans la région de Ziguinchor57 (CSE et
al., 2001). La distance de prospection de bois est estimée
actuellement à une dizaine de kilomètres (BENGA, 2000). Les
villageois sont organisés en groupements, conseils et associations. Les
groupes existants peuvent servir de base à la création de
groupements d'intérêts économique (GIE) qui se verront
confier la gestion et la maîtrise des écosystèmes de
mangrove et en seront les principaux gestionnaires, utilisateurs et
bénéficiaires. Pour les zones habitées où on
retrouve les terroirs villageois et les périmètres d'exploitation
saisonnière en mangrove on met en place des GIE villageois (GIEV). Au
niveau des aires inhabitées ou peu habitées des grands massifs
boisés de la mangrove, les activités sont menées par les
GIE fédérés (GIEF) (ARSENAULT, 1994). Le plan
d'aménagement est accompagné de crédits à
l'exploitation (pour l'achat des instruments de coupe) et des concessions sont
délivrées.
Le rôle d'Océanium dans le plan
d'aménagement va de la conception à la signature du procès
verbal établissant le bureau (président - vice président -
trésorier - secrétaire). Océanium doit initier
l'élan collectif au sein des villages de mettre en place le plan de
gestion, de définir les capacités d'emprunts en
micro-crédits. Les chefs de villages ont la présidence
57 Il y a 49.817 habitants dans le département
d'Oussouye, 224.617 dans celui de Bignona et 283.118 dans celui de
Ziguinchor.
FAUGERE N. 2009. Étude du projet de reboisement de
palétuviers Rhizophora en Basse-Casamance (Sénégal) par
l'ONG Océanium de Dakar. Mémoire de fin d'étude
d'ingénieur en Agro-Développement International (ISTOM). 96p.
d'honneur des GIEV. C'est le vice-président qui veille
au respect du plan de gestion, à la conduite de l'aménagement
sylvicole et il dirige les coupes et renseigne régulièrement ses
partenaires. Le projet s'accompagne de formations techniques pour une
utilisation efficiente du bois de mangrove. « Les paysans de Casamance
connaissent une méthode pour accroitre la résistance du bois de
mangrove, déjà dur et dense. Elle consiste à couper les
branches et à les laisser plongées dans l'eau pendant 6 mois
environ. A l'issue de cette période d'immersion, le bois retiré
de l'eau et débité peut durer, selon les dires, plus de 20 ans
» (VANDEN BERGHEN, 1999). Le projet doit s'accompagner d'un projet
d'exploitation de mollusques, en veillant à ce que les femmes qui les
récoltent ne coupent pas les racines échasses. La carte de la
page 56 illustre que ce sont les femmes qui exploitent les mollusques de
Basse-Casamance et qu'il existe un circuit de commercialisation des
huîtres Crassostrea Gasar (appelé «
huître de palétuvier »de Basse-Casamance).
On note que l'exploitation des huîtres se concentre
surtout sur la rive droite, près du bolon d'Affiniam (IDEE Casamance,
2007). L'exploitation des mollusques est une entreprise féminine en
Basse-Casamance. Ils se vendent essentiellement sur deux marchés:
Bignona et Ziguinchor. Le rayon de prospection des femmes pour les huitres est
de 64 km (en pirogue) et l'enfoncement de 9 km à pied (GHYSELS,
2004).
En choisissant d'intégrer un plan d'aménagement
le projet doit modifier sa méthode de reboisement. Dans le cas de
sylviculture, un reboisement en ligne avec un écartement régulier
est recommandé pour optimiser l'expansion des arbres (UNESCO, 1986). Le
projet doit donc veiller au bon respect des distances, y compris quand les
reboisements se font en l'absence d'un responsable technique. Les outils
employés sont le nettoiement, l'éclaircie et la coupe
définitive avec réserve de semenciers et
régénération naturelle assistée et artificielle
selon la méthode de la coupe d'abri. Le nettoiement consiste à
éliminer, sans rompre l'état de massif, les non-valeurs, les
sujets mal conformés, morts, malades L'objectif est essentiellement
sanitaire. Il pourrait être effectué entre 10 et 20 ans.
L'âge d'exploitabilité des arbres est estimé de 50 à
160 ans(DOYEN, 1985). La durée de l'exploitabilité en Casamance
est de l'ordre de 60 ans (DOYEN, 1985). Il est recommandé de faire un
nettoiement à 10-20 ans de 5.000 à 3.000 pied/ha, puis un autre
à 20-30 ans de 3.000 à 1.500 pied/ha, et un dernier à 40-
60 ans de 1500 à 100 pied /ha. On estime la productivité à
l'état vert de 3,6m3/ha/an (DOYEN, 1985). En Malaisie, la
taille normale des arbres Rhizophora abattus est de 15 à 18
m de hauteur et 45 à 75 cm de tour (HUBERMAN, 1972). Le
système fondé sur une circonférence minimale d'abattage
est insuffisant dans les peuplements équiennes58
arrivés à maturité, ne comptant que quelques jeunes
arbres, et conserver des semenciers59 est souvent
considéré comme un gaspillage et comme de peu d'utilité
pour la régénération naturelle(DOYEN, 1985).
Rhizophora n'atteint pas régulièrement les dimensions
adéquates pour qu'il soit possible d'utiliser son bois dans la
filière du sciage traditionnel malgré les qualités
mécaniques dont il fait preuve. Toutefois, les billes de dimensions
suffisantes pourraient trouver un usage dans le domaine de la charpente, mais
dans ce cas, sa nervosité élevée impose un débit
peu de temps après l'abattage pour éviter les fentes de
dessiccation si préjudiciables au rendement du sciage (DOYEN, 1985).
Nous recommandons que la sylviculture soit une activité
complémentaire à d'autres revenus, sans être
l'activité principale, de sorte à diminuer la pression sur la
ressource en donnant un revenu aux populations sans inciter au
prélèvement brutal.
58 De même âge.
59 Le diamètre inférieur de
fructification (diamètre à hauteur de poitrine) est de 15 cm.
Carte 6 : Exploitation des mollusques en Casamance en
1985 et circuit de marchés des huîtres (CORMIER-SALEM,
1989b).
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Concernant l'acquisition de la propriété
légale des reboisements de mangrove, « Dans les forêts
relevant des compétences des collectivités locales,
l'exploitation de ces produits est théoriquement assujettie à une
autorisation préalable du maire (commune) ou du président du
conseil rural (communauté rurale), puis le permis d'exploitation est
délivré par le service des Eaux et Forest qui doit se
référer aux prescriptions des plans d'aménagement
approuvés » (IDEE Casamance, et al., 2003). Le code
forestier (Ministère de l'environnement du Sénégal, 1998)
stipule dans son Article 1.2 : « Toutefois si des formations
forestières ont été régulièrement
implantées sur le domaine sous forme de plantations individuelles en
plein, d'alignement ou d'abris, elles sont la propriété des
personnes privées physiques ou morales, qui les ont
réalisées, à l'exclusion de toute forme d'appropriation du
terrain du domaine national ». « Il serait donc envisageable
que des groupements villageois ou même des familles possèdent leur
propres reboisements, encore faut il que ces reboisements aient
été « régulièrement plantés »
(IDEE Casamance, et al., 2003).
Envisager la mise en défens ne semble pas
appropriée puisque les casaçais ont besoin d'utiliser la
mangrove. Une solution possible pourrait être de classer les forêts
de mangrove en forêt communautaire. Cependant cela ne serait pas encore
une garantie contre la coupe. Nous proposons alors d'encourager une coupe
raisonnée, plutôt que de l'interdire. Les communautés
villageoises ont pour préoccupation la reproduction du système
(REY, 2007). La durabilité est donc leur préoccupation. Le
degré « possible » de risque se justifie à la
fois par la préoccupation de la durabilité (baisse du risque) et
par le non respect de cette préoccupations par d'autres (hausse du
risque). La mise en place d'un plan d'exploitation durable des plantations de
mangrove doit s'appuyer sur l'importance de l'exploitation raisonnée
comme sécurisation des revenus de la riziculture. On peut aussi
encourager le retour à des moyens de valorisation ancestrale de la
mangrove. « Le bois de palétuvier est utilisé
préférentiellement pour la fabrication de la chaux locale
à base de coquilles d'huitres. L'opération consiste à
amasser du bois de feu de palétuvier sur le tas de coquilles à
fondre» (VANDEN BERHEN, et al., 1999). Le bois de
palétuvier est aussi utilisé pour les besoins domestiques :
environ 0,5kg/j ours (BENGA, 2000) soit environ 1 80kg/habitant. On estime donc
qu'il faut une dizaine de pieds de Rhizophora60pour
satisfaire les besoins domestiques d'un habitant. On estime que 95% des
palétuviers utilisés sont des Rhizophora (BENGA, 2000).
Le stère (environ 30 kg) de bois de Rhizophora se vend environ
100 FCFA (GHYSELS, 2004). L'annexe 16 montre la taille du stère de bois
de Rhizophora.
Permettre à l'eau d'atteindre la
mangrove
Il s'agit de lutter contre, d'une part, le manque
d'approvisionnement en eau et, d'autre part, contre la salinisation. «Le
paramètre « salinité », en chaque point d'un delta, est
déterminé par le flux d'eau douce (lui-même
dépendant de la pluviométrie dans le bassin versant) et par
l'évaporation » (BLASCO, 1991). La salinité d'un lieu
dépend aussi de la pénétration des marées,
c'est-à-dire de leur amplitude et de la topographie locale.
Les pluies sont revenues, mais le réseau hydrique est
tellement modifié que la régénération ne reprend
pas (SOW, 200856, Com.Pers.). On pourrait alors creuser des canaux
d'irrigation pour permettre à l'eau de mer d'atteindre les plantations
de Rhizophora. Ces canaux doivent tenir compte des courants du fleuve
dans sa partie maritime61. Les courants qui s'observent dans la
partie maritime d'un fleuve sont les résultats des courants variables
60 Calculs effectués sur la base des chiffres
de (MARIUS, 1985).
qui accompagnent l'onde de marée et du courant dû
au débit fluvial (BRUNET-MORET, 1970). La salinité du flot
(courant vers l'amont) est différente de celle du jusant (courant vers
l'aval). Une étude approfondie du balancement du flot et du jusant
permettrait d'envisager des aménagements pour lutter contre le processus
de salinisation.
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