III.1.3. Ne pas exclure l'administration
décentralisée
Le plus souvent, c'est uniquement avec les responsables de
zone (souvent des commerçants ou des agriculteurs) que nous nous sommes
entretenus pour obtenir l'accord de reboiser sur les terres du village. La
présence des anciens au moment du reboisement nous conforte dans
l'acceptation du projet par les villageois. En effet, les anciens sont les
représentants de l'autorité coutumière du village. Il est
bénéfique pour le projet de prendre en compte le droit coutumier,
d'autant plus que les zones de reboisement sont des zones de
propriété collective51 (THOMAS, 1959). Cependant le
projet ne prend pas en compte le droit régalien selon lequel les terres
sont la propriété de l'État qui délègue ses
pouvoirs aux Communautés Rurales. D'après la loi 96.07 du 22 mars
1996 portant transfert des compétences (PRODDEL, 1996), l'article 29
stipule que les opérations de reboisement sont de la compétence
des communes. C'est donc la Communauté Rurale du village où on
reboise, par l'intermédiaire du conseil rural et de son
Président, qui gère les attributions des terres, et donc les
droits de plantation. Le conseil rural est élu pour 5 ans, pour deux
tiers au suffrage universel direct et, pour un tiers, par l'assemblée
générale de la ou des coopératives fonctionnant dans la
communauté rurale. Il siège au village chef lieu de la
communauté rurale. Le conseil rural règle, par ses
délibérations, les affaires de la communauté rurale,
notamment les modalités d'exercice de tout droit d'usage pouvant
s'exercer à l'intérieur du terroir. Le président du
conseil rural est élu par ses membres, à la majorité
absolue et au scrutin public. Le président du conseil rural est
chargé de l'administration de la collectivité rurale. Il
représente le sous préfet dans la communauté rurale. Il
affecte les terres du domaine
50 D'où l'expression que nous avons choisie en
couverture : « trop de sel gâche la marmite ».
51 La propriété collective regroupe de droit
éminent et le droit d'usage collectif (REY, 2007). Le droit
éminent est le droit qu'a un groupe sur tout un espace, par un accord de
surnature. Il est détenu par les primo-arrivant qui ont un contrat moral
avec les génies ou les ancêtres (REY, 2007).
FAUGERE N. 2009. Étude du projet de reboisement de
palétuviers Rhizophora en Basse-Casamance (Sénégal) par
l'ONG Océanium de Dakar. Mémoire de fin d'étude
d'ingénieur en Agro-Développement International (ISTOM). 96p.
national. Il prononce, le cas échéant, la
désaffectation de ces terres, contrôle l'exercice de tout droit
d'usage et autorise l'installation d'habitations ou de campements.
Haïdar est militant de l'opposition au gouvernement
actuel du Sénégal. Ses propos dans les médias accusent le
gouvernement et ses représentants d'être incompétents en
gestion de l'environnement.
« Comment est ce qu'on peut parler d'écologie
à des gouvernants qui sont corrompus, qui ne se préoccupent que
de vendre nos ressources au détriment de leur population. Je vis dans un
pays qui fait partie des pays les plus pauvres du monde, le deuxième
pays au monde le plus aidé. Et dans mon pays les dirigeants font partis
des hommes les plus riches du monde. Comment vous pouvez comprendre cela et
nous parler d'écologie dans ce pays le Sénégal ? Ce n'est
pas possible. »
Haïdar El Ali, mai 2008,
Extrait de sa déclaration au congrès mondial «
Global Greens 52» de Sao Paulo
« On ne peut pas atteindre de résultat concret
sans faire de politique, sans entrer à l'Assemblée nationale pour
décider des lois. Aujourd'hui, ceux qui décident sont
incompétents et ne se rendent pas compte de la dégradation du
milieu naturel. On ne peut plus attendre de voir le changement promis lors de
l'élection d'Abdoulaye Wade. On veut aider à le provoquer.
»
Haïdar El Ali, 2002,
Propos recueillis par Fanny Pigeaud pour la RTS
(Radio-Télévision Sénégalaise)
Le pays est en crise politique (discrédit de
1'État auprès de la majorité de la population),
économique et sociale. La crise sociale est exacerbée en
Casamance par le sentiment de marginalisation par rapport aux populations du
nord du Sénégal, proches de Dakar. Le reboisement est
instrumentalisé, souvent à l'insu du projet, pour l'expression
des revendications indépendantistes, dans le débat sur
l'appropriation des ressources communes renouvelables (CHAVEAU, et
al., 2000). Les partisans de ce débat se complaisent dans les
propos de Haïdar, et on les retrouve en Casamance.
« Dommage, en Casamance la chèvre de
désertification porte le képis et des galons. Dans 5 ans ce sera
le désert en Casamance si jamais on n'arrête pas de
délivrer les permis de complaisance et si jamais on n'arrache pas aussi
les tronçonneuses. Si aujourd'hui on crie, on parle de
l'émigration clandestine c'est parce qu'ils ont fini de saper toutes les
ressources halieutiques. Il n'y a pas une bonne gestion de l'environnement, des
ressources naturelles. » Groupe casamançais « Abdou
Elinkine », musique pour Haïdar. Un concert de ce groupe a
été organisé à Bignona en septembre 2008 en
l'honneur de reboisement d'Océanium.
Bien que la notoriété de Haïdar ait servi
au projet et qu'elle puisse constituer une innovation dans le mode
opératoire, d'autres questions méritent d'être
posées. Le fait que le président de l'ONG soit un activiste de
l'opposition est il un facteur d'exclusion de l'ONG, face à des
partenaires institutionnels tels que l'Agence des Eaux et Forêts de
Bignona par exemple ? Est-il involontairement un facteur d'exclusion de
certains bénéficiaires « pro- gouvernementaux
» ? Nous recommandons de séparer les activités politiques
des activités de l'ONG, conformément à l'Article 1.5 des
statuts de l'association (datés du 17 septembre 1985): «
L'Association ne poursuit aucun but lucratif, elle s'interdit toute
discussion ou
52 Le congrès mondial « Global Green
» est un congrès qui réuni les militants et les mouvements
politique écologistes.
FAUGERE N. 2009. Étude du projet de reboisement de
palétuviers Rhizophora en Basse-Casamance (Sénégal) par
l'ONG Océanium de Dakar. Mémoire de fin d'étude
d'ingénieur en Agro-Développement International (ISTOM). 96p.
manifestation présentant un caractère racial,
politique ou confessionnel ». Nous recommandons notamment de
séparer la gestion des comptes et de la trésorerie.
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