II.2. Océanium ne s'est pas rendu compte des menaces
pour la durabilité de son projet
Nous avons vu que le projet ne satisfait pas son objectif car
ses résultats ne suffisent et ne sont pas durable. Dans une seconde
partie nous mettons en évidence que certains risques non
maîtrisés auraient pu l'être avant et pendant la mise en
oeuvre du projet.
II.2.1. La collecte dépend du village de
Diakène
Parmi les 18 villages de collecte, Diakène Wolof a
collecté 70% de la collecte totale. Le projet n'a pas non plus
réussi à mobiliser de manière homogène chacun des
villages. De plus, le projet dépend beaucoup de la participation de
Diakène Wolof, sans qui le projet aurait planté seulement
1.890.600 propagules. Si Diakène Wolof ne participe pas à la
réédition du projet en 2009, le projet devra trouver beaucoup
d'autres villages partenaires pour combler à son absence de collecte.
Océanium aurait pu palier à cette dépendance en
prospectant des villages de collecte dans les iles de l'embouchure, notamment
celles du petit Kassa.
II.2.2. Rien ne montre que la participation des 110
villages est volontaire
Le projet s'est conclu sur la participation de 130 villages au
reboisement. Or 18 villages ont collectés et 110 villages ont
effectué un repiquage. Les 18 villages de collecte sont
comptabilisés dans les villages de repiquage (car ils ont
participé au repiquage des 6.302.000 propagules). Ce sont donc 110
villages qui ont participé au reboisement.
Il est indéniable que les villageois des 110 villages
ont fait preuve d'une grande mobilisation (en moyenne 100 personnes par
repiquage) et ont participé aux reboisements dans la bonne humeur.
Olivier HERVIAUX, envoyé spécial pour le journal Le Monde,
présent au moment du reboisement, rapporte : « Tout le village
est rassemblé pour danser et chanter le début de
l'opération de reboisement de la mangrove ».
Cette forte mobilisation n'est pourtant pas la garantie d'un
volontariat. Il ne faut pas confondre spontanéité et volontariat.
Les motivations pour participer au projet ne sont pas toujours le volontariat
véhiculé par la sensibilisation. Lorsqu'on a posé la
question, devant la caméra, « pourquoi êtes vous venu au
reboisement » ils ont répondu :
« Mes amies m'ont expliqué que les blancs sont
venus pour récupérer la mangrove » Mignone COLY, 17
ans, collégienne de Bafican, département d'Oussouye
« Pour aider ceux qui ont fait le programme, et parce
que ça fait plaisir à nos parents » Francis COLY, 20
ans, Darsalam, département de Ziguinchor
« C'est important surtout pour nos parents. Quand ils
nous ont vus ils étaient très contents » Jacques Sagna,
collégien de Bafican, département d'Oussouye
Lorsqu'on a posé la question, devant la caméra,
« pourquoi êtes vous venu à la collecte »
à Emanuel Diatta, il nous a répondu :
« Parce que le maitre, qui est là, nous l'a
demandé »
Emanuel Diatta, 18 ans, collégien de Diakène,
département d'Oussouye
FAUGERE N. 2009. Étude du projet de reboisement de
palétuviers Rhizophora en Basse-Casamance (Sénégal) par
l'ONG Océanium de Dakar. Mémoire de fin d'étude
d'ingénieur en Agro-Développement International (ISTOM). 96p.
La sensibilisation de proximité n'est donc pas bien
comprise, malgré la forte communication autour du projet. La
sensibilisation au quotidien devait être assurée par les
responsables de zones, qui sont les agents de terrain locaux d'OCEANIUM.
Cependant, les responsables de zones n'ont pas suffisamment transmis aux
villageois les enjeux et la méthode décrite dans le guide de
reboisement. Dans certains sacs de propagules, on a retrouvé du sable et
des propagules de 1 an déracinées. De plus, les responsables de
zone ne maitrisent pas tous les enjeux du projet. L'entre-aide n'est jamais
citée comme motivation à leur participation. Quand Arnaud WUST
pose la question « pourquoi c'est important de participer au projet
? » à Eladj SONKO, responsable de la zone de Elinkine,
celui-ci répond seulement « Pour que nos enfants voient la
mangrove ».
Il n'y a pas non plus de prise de conscience de l'entre-aide
au niveau des villageois. Beaucoup de villageois qui collectent pensent
qu'Océanium emmène les sacs de propagule sur Dakar. L'entre-aide
n'est jamais citée comme raison à la participation. Lorsque le 20
septembre 2008, en fin de campagne de reboisement, Arnaud WUST (un journaliste
qui a suivi le projet) questionne Emanuel DIATTA, collégien de 18 ans
à Diakène (le village qui a collecté 70% des propagules du
projet) sur l'intérêt de l'entre-aide, voici ce qu'il
répond:
A.WUST : « est ce que tu te rends compte que ta
participation a permis à plein d'autres gens à une dizaine de
kilomètres de replanter ? Est-ce que tu te rends compte qu'il y a une
sorte de solidarité qui s'est installée ?»
E.DIATTA: « ça permet aussi aux blancs de venir
visiter les îles. Les blancs aiment circuler ici pour regarder le
fleuve »
A.WUST : « Mais pourquoi c'est important de s'aider,
d'aider les autres villages de la Casamance »
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