II.1.3. L'augmentation de la salinité du fleuve peut
diminuer la ressource
halieutique disponible à long terme
La ressource en poisson est affectée par l'augmentation
de la salinité dans le fleuve, indépendamment de la disparition
de la mangrove. « L'acclimatation à la salinité et
à ses variations implique les mécanismes d'osmorégulation.
Ces processus vont engendrer des dépenses énergétiques
fonction de l'intensité et de la durée de la perturbation. Ces
perturbations auront des répercussions directes sur les
caractéristiques biologiques des individus et des populations
(croissance et reproduction) » (LAE, et al., 1992). La
reproduction peut être ralentie. Dans ce cas la ressource halieutique
disponible diminue quand l'effort de pêche augmente.
II.1.4. L'abandon des rizières a conduit à
leur salinisation
Certaines rizières ont été
abandonnées. « En quelques années, des
paysans-pêcheurs diola, sont devenus des pêcheurs maritimes
à plein temps » (CORMIER-SALEM, 1994c). Nous ne contestons pas
que la dégradation de l'environnement a contribué à
amplifier et accé1érer les processus de salinisation des
rizières. Nous suggérons simplement que l'abandon des
rizières a contribué à la salinisation des 2.400 hectares
de rizières salées de Casamance (DIEDHIOU, 1999).
Pour protéger les 15.000 hectares (DIEDHIOU, 1999)
contre la salinisation des rizières, nous proposons d'agir aussi sur le
contexte économique. Les mauvaises récoltes des années de
sécheresses ont poussé les casaçais à se tourner de
plus en plus vers la pêche38 et à abandonner peu
à peu la riziculture39 (CORMIER-SALEM, 1986). Un
défaut d'entretien des rizières peut être la cause de leur
salinisation : « les systèmes d'aménagement des
mangroves permettant la riziculture n'ont pu résister à la crise
faute de main-d'oeuvre suffisante et ont été progressivement
abandonnés par les populations » (BOSC, et al.
1998)
II.1.5. Les grands projets rizicoles ont détruit la
mangrove à Rhizophora
L'enjeu économique est de taille puisque les
importations de riz représentent un tiers du déficit total de la
balance commerciale en 1995 (LINARES, 1989). La zone
éco-géographique de Casamance totalise 61% de l'ensemble des
terres destinées à la riziculture, mais elle ne contribue
qu'à hauteur de 29 % de la production nationale (LINARES, 1989). Les
projets d'aménagement rizicole de 1963 aux années 1990 ont
procédé à l'abattage systématique des
palétuviers sur plusieurs centaines, voire des milliers d'hectares de
mangrove pour l'établissement de nouvelles rizières (DIEDHIOU,
1999).
En 1963 le Sénégal fait appel à
l'assistance technique étrangère, notamment au projet danois
International Land Consultant (ILACO) pour mettre en oeuvre sa « politique
de rattrapage » dont les volets sectoriels s'appuyaient sur les
potentialités agronomiques de chaque région du pays. Ce projet
entreprit des actions de grande portée sur les vallées de
Nyassia, de Kamobeul et de Guidel, des aménagements de moindre
importance dans les vallées de Baïla, de Bignona, de Tobor et, un
peu plus timidement, sur les bolon du Soungrougrou, sur la rive nord du fleuve
(DIEDHIOU, 1999). Le projet menait des essais d'application du modèle
hollandais de poldérisation des sols.
38 « Source de revenus monétaires importants, la
pêche est de plus en plus « prioritaire » pour certains jeunes
qui, corrélativement, négligent les travaux des champs
» (CORMIER-SALEM, 1986).
39 On remarque que la pêche continue même
en hivernage dans un rayon de 5 à 10 km autour des villages (CORMIER-
SALEM, 1986)
FAUGERE N. 2009. Étude du projet de reboisement de
palétuviers Rhizophora en Basse-Casamance (Sénégal) par
l'ONG Océanium de Dakar. Mémoire de fin d'étude
d'ingénieur en Agro-Développement International (ISTOM). 96p.
Par la suite, deux missions chinoises se sont
succédé. La première de 1963 à 1972 a
réalisé des casiers de démonstration de culture de riz
d'eau douce. La deuxième, de 1973 à 1979, initia les
premières constructions hydro-agricoles notamment les petits barrages
anti-sel de Diagnon, Mangacounda et celui de retenue de Tamp. Le PIDAC (Projet
Intermédiaire puis Intégré de développement
Agricole de la basse Casamance en 1974 a permis la construction de 29 digues
anti-sel et par conséquent la récupération de 300 hectares
de terres rizicoles salées et la protection de 8.000 hectares. Il a
été successivement financé par le FED, le PNUD et
l'USAID.
Les années 1980 ont vu la naissance de grands barrages
notamment celui de Guidel mis en service en 1983 et celui d'Affiniam mis en
service en 1988. Seulement, les constructions de ces ouvrages n'ont pas
été suivies d'un aménagement en amont suffisant qui aurait
permis une réelle valorisation des terres (DIEDHIOU, 1999).
Au début des années 1990, devant l'échec
de ces aménagements, et face aux restrictions budgétaires, la
tendance a été de multiplier les petits aménagements
réalisables partout où une source et une dénivellation
suffisante sont constatées sur des petits bassins secondaires et
tertiaires menacés par la salinité (DIEDHIOU, 1999). En plus
d'avoir montré que « les micro- barrages ont un taux de
rentabilité beaucoup plus élevé que les grands barrages
comme Guidel40 » (DIEDHIOU, 1999), la politique de relance
de l'agriculture proclamée par l'Etat du Sénégal a
cherché à s'appuyer sur l'agriculture vivrière et les
micro-entreprises rurales pour lutter plus efficacement contre le
déficit vivrier et le déséquilibre de la balance
commerciale du pays (DIEDHIOU, 1999). De nombreux petits barrages dotés
d'ouvrages évacuateurs ont été réalisés dans
différentes vallées de la Casamance avec le projet de
Développement Rural de la Basse Casamance (DERBAC), le Projet pour la
Gestion de l'Eau dans la zone Sud (PROGES), le projet Kamobeul
Bolon41 et, le Projet de Développement de la Vallée de
Baïla42. Divers programmes ont contribué à la fin
des années 90 à la promotion de l'utilisation de
variétés de semences améliorées comme le projet
WINROCK-ISRA et le PROGES (Projet de gestion de l'eau dans la zone sud).
BLESGRAAF (2006) confirme et illustre dans le schéma
ci-après, que la construction des grands barrages de Basse-Casamance
(Guidel, Affiniam) conduit à une sédimentation en aval du barrage
et diminue la surface de mangrove en amont et en aval du barrage.
40 Ce sont les études comparatives
menées par HARZA sur quatre barrages en Casamance (un grand et trois
petits) qui ont permis de tirer une telle conclusion. En effet, ces
études ont montré que le grand barrage de Guidel avait un taux de
rentabilité de 9% en saison pluvieuse et de -3% en saison sèche.
Comparativement, les petits barrages de Birkama avaient un taux de
rentabilité respectif de 47% et 22%, les petits barrages du
Soungroungrou 19,8% et 0,9% et, enfin, le petit barrage de Simbandi Balante 40%
et 22%.
41 Cofinancé par le Sénégal et
la république populaire de Corée avec comme réalisation la
mise en valeur de 6138 hectares de terres douces rizicultivables, la
réalisation de 77km de digues anti-sel ceinture, de 157 km de pistes de
production et de 173 km de canaux de drainage
42 Financé par la BOAD (banque ouest africaine
de développement) et le Sénégal, qui a permis
d'aménager 300ha de terres contre une prévision dans
l'étude de faisabilité de 31.000 hectares de terres.
FAUGERE N. 2009. Étude du projet de reboisement de
palétuviers Rhizophora en Basse-Casamance (Sénégal) par
l'ONG Océanium de Dakar. Mémoire de fin d'étude
d'ingénieur en Agro-Développement International (ISTOM). 96p.
Schéma 10 : Impact d'un barrage anti-sel
d'Affiniam sur la mangrove (BLESGRAAF, et al., 2006).
On note qu'entre 5 ans et 30 ans après la construction
du barrage la surface de mangrove morte s'agrandit. La construction du barrage
d'Affiniam a donc participé à la diminution de la surface de
Rhizopho ra.
FAUGERE N. 2009. Étude du projet de reboisement de
palétuviers Rhizophora en Basse-Casamance (Sénégal) par
l'ONG Océanium de Dakar. Mémoire de fin d'étude
d'ingénieur en Agro-Développement International (ISTOM). 96p.
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