4.Dynamique du transfert de compétences
Fig.2 - Dynamique de transfert. Adapté de Easterby-Smith
et al. (2008, p. 679)
Donneur Gouvernance Receveur
Si les activités R&D génèrent des
innovations, elles permettent également à l'entreprise de
développer ses compétences d'identification, d'assimilation et
d'exploitation des compétences provenant de l'extérieur (W. M.
Cohen & Levinthal 1989).
Le transfert de compétences est un processus au
travers duquel des acteurs échangent, reçoivent et sont
exposés à l'influence des expériences et des
compétences des autres. Ce processus se traduit évidemment par un
changement dans la base des compétences du receveur (Mowery et al. 1996;
van Wijk, Jansen & Lyles 2008).1
Easterby-Smith et al. (2008, p. 679) proposent un
modèle synthétique récent sur les facteurs de transfert
de compétences. Ceux-ci sont classés en quatre catégories:
« donneur »,
1 Notons que la littérature utilise
également d'autres appellations comme le « knowledge sharing
», le « knowledge flows » ou le « knowledge acquisition
». Nous traduisons « knowledge transfer » par
« transfert de compétences ».
« receveur », gouvernance et attributs des
compétences (cf. adaptation2 Fig. 2). Nous l'adoptons pour
illustrer les mécanismes de transfert tel que nous l'entendons (partage
et protection).
Notre choix est motivé par le fait que ce
modèle concorde avec les trois perspectives théoriques :
perspective transactionnelle (TCT), perspective relationnelle et perspective
resource-based (Jordan & Lowe 2004). La gouvernance est soit
transactionnelle soit relationnelle. La nature des compétences est
liée quant à elle à la perspective RBV (Resource-Based
View).
La modularité est vue comme un élément
RBV (Jordan & Lowe 2004) bien qu'une théorie sur la
modularité existe (proposée par Schilling (2000) mais avec peu
d'écho à notre connaissance). La modularité technique sera
inscrite dans l'analyse de la nature de la compétence et la
modularité organisationnelle complètera le chapitre sur la
gouvernance.
5.Facteurs critiques des partenaires
Pour qu'une entreprise puisse tirer profit des
compétences externes, il lui faut disposer d'une capacité
d'absorption, d'une capacité de transfert interne et d'une motivation
d'apprendre. Si elle est à l'origine des compétences, elle doit
être motivée pour les transmettre (EasterbySmith et al. 2008).
Disposer d'une capacité d'absorption revient à
dire que l'entreprise est capable d'utiliser les connaissances externes selon
trois étapes 1) reconnaître et comprendre des connaissances
externes potentiellement utiles, au travers d'un apprentissage exploratoire 2)
assimiler les connaissances obtenues au travers d'un apprentissage de
transformation 3) utiliser les connaissances importées afin d'en
créer de nouvelles et de produire des innovations commerciales, par un
apprentissage d'exploitation. (Lane et al. 2006).
Les antécédents de ce processus d'absorption
sont la nature des connaissances, les conditions environnementales et les
caractéristiques de la relation d'apprentissage. Les déclencheurs
internes du processus sont liés à la créativité des
individus et, au processus et structure de l'entreprise. Ses retombées
sont l'enrichissement de la base de connaissances et la commercialisation de
nouveaux produits ou services, lesquels mesurent la performance de
l'entreprise. La stratégie de l'entreprise, autre déclencheur de
ce processus d'absorption, oriente les opérations vers ce qui est
essentiel, ce qui doit être assimilé et ce qui doit être
exploité.(Lane et al. 2006).
En termes de protection, plus une entreprise dispose de
connaissances (résultats de sa capacité d'absorption), plus elle
pourra conclure des accords de complémentarité et déployer
ses compétences plus vite que les éventuels imitateurs
(Hurmelinna-Laukkanen & Puumalainen 2007).
Avoir la stratégie et la volonté d'apprendre
(learning intent selon Hamel (1991)) est un autre facteur pour une
capacité d'absorption effective (Easterby-Smith et al. 2000). Par
exemple, apprendre sur la capacité d'absorption du partenaire permet de
se protéger contre les tentatives d'expropriation et gagner en confiance
(Jordan & Lowe 2004). Parallèlement, avoir la volonté de se
protéger conduit l'entreprise à mobiliser des mécanismes
qui, poussés à l'extrême, nuisent à l'apprentissage
mutuel (Baughn et al. 1997). Intention d'apprendre et intention de se
protéger sont deux facteurs intrinsèques à l'entreprise
qui ont besoin d'être arbitrés. Trop d'ouverture favorise
l'apprentissage mais induit aussi des pertes (Oxley & Sampson 2004).
Inversement, trop de protection réduit les chances d'apprentissage
des
2 Les auteurs ont utilisé le terme de
dynamique interorganisationnelle composée des mécanismes de
gouvernance, de la relation de pouvoir, de la confiance et du lien social. Nous
regroupons tous ces termes sous le concept de « gouvernance ».
deux partenaires. Ce paradoxe est connu mais traité
différemment dans la littérature (voir par exemple Jordan &
Lowe 2004).
Le processus de capacité d'absorption, la
volonté d'apprendre et de se protéger ont pour objet les
compétences qui se distinguent par leur nature et requièrent des
stratégies de gouvernance différenciées.
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