GROUPE SUP DE CO MONTPELLIER
Graduate School of Management Member of International
Association to Advance Collegiate Schools of Business (AACSB
International) Member of European Foundation for Management Development
(EFMD) Member of European Association for International Education
(EAIE) Miembro del Consejo Latino Americano de Escuelas de
Administraciôn (CLADEA) Member of International Trade & Finance
Association (IT&FA) Membre du Pôle Universitaire de Montpellier et
du Languedoc-Roussillon Membre de l'Association Alexander Von Humboldt
Paradoxe d'apprentissage dans les partenariats d'innovation :
le rôle du contrat, de la relation et de la
modularité, cas de l'industrie
des Télécommunications
Thèse professionnelle MB
Programme MBA
présentée par Mohamed RAOUAK
Sous la direction du Professeur Régis
MEISSONIER Septembre 2008
|
« Le Groupe Sup de Co Montpellier n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ;
ces opinions doivent être considérées comme propres
à leur auteur. »
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier le Professeur Régis
MEISSONIER, Professeur à Sup de Co Montpellier dans le domaine des
systèmes d'information et d'aide à la décision, pour ses
conseils précieux et le retour d'expérience dont il m'a fait
part.
Ma gratitude s'adresse également à :
Madame Laurence LEHMANN ORTEGA, Professeur en Stratégie
et Management des Organisations, qui m'a sensibilisé sur bien des
aspects stratégiques décisifs pour ce travail.
Monsieur Paul MARTIN, Enseignant à Sup de Co Montpellier
dans le domaine du Commerce International, pour son professionnalisme et sa
disponibilité.
Madame Aurélia LEFAIX-DURAND, Professeur à
l'université Torcuato di Tella (Argentine) pour son aide dans ma
recherche.
Madame Carliss BALDWIN, Professeur à Harvard Business
School pour ses informations précieuses.
Je souhaite adresser ma reconnaissance à la Directrice
Madame Marlier et aux professeurs du programme MBA pour leur
disponibilité, à mes collègues de la promotion MBA 2007 /
2008 pour leur amitié et à mes collègues et amis pour
leurs encouragements.
Enfin, je remercie tout particulièrement mes proches pour
le sacrifice et la patience dont ils ont fait preuve pendant le cycle de
formation et la préparation de ce mémoire.
SOMMAIRE
1. Introduction 4
1 ÈRE PARTIE : ANALYSE THEORIQUE 7
2. Définitions 7
3. Collaboration technologique 8
4. Dynamique du transfert de compétences 9
5. Facteurs critiques des partenaires 10
6. Nature des compétences 11
6.1. Compétences tacites et explicites 11
6.2. Autres catégories 11
6.3. Modularité technique : encapsulation des
connaissances 11
7. Gouvernance et transfert des compétences 12
7.1. Modes de gouvernance 12
7.2. Gouvernance formelle 14
7.3. Gouvernance relationnelle 15
7.4. Gouvernance modulaire 15
2 ÈME PARTIE : ANALYSE EMPIRIQUE 17
8. Méthodologie 17
8.1. Dispositif d'investigation 17
8.2. Chaîne de valeur de l'industrie des
téléphones mobiles 19
8.3. Choix des interlocuteurs 20
9. Analyse des résultats 21
9.1. Dispositif de collecte des données 21
9.2. Présentation des cas 21
9.3. Analyse des cas 25
10. Discussion et Conclusion 33
Abréviations 36
Bibliographie 37
Annexe 1 : Chaînes de valeur 41
Annexe 2 : ENSEIGNANTS PERMANENTS DU GROUPE SUP DE CO MONTPELLIER
42
"Always be paranoid. Only the paranoid survive."-- Andy Grove
(Intel)
1.Introduction
Dans le domaine de l'innovation technologique, les relations
interentreprises se sont intensifiées du fait de l'évolution
rapide des technologies, de la désorganisation des marchés et de
l'hypercompétition (D'Aveni 1994; Mohr & Spekman 1994). Le
raccourcissement des délais de développement des nouveaux
produits, l'accélération du rythme de leur renouvellement
introduisent des incertitudes et des risques aux entreprises ne disposant pas
ou ne pouvant pas acquérir les ressources nécessaires en interne
(Gerwin 2004). Celles-ci recourent, de ce fait, à des mécanismes
comme les stratégies d'alliance pour affronter la concurrence. La
prolifération des produits s'accompagne ainsi de la prolifération
des alliances (Staudenmayer et al. 2005).
Le motif le plus cité pour les alliances
stratégiques est l'acquisition de compétences et de
capacités de la part du partenaire (Hamel 1991; Mowery, Oxley &
Silverman 1996). Cela est justifié par
l'hétérogénéité des bases de
compétences des organisations qui est le résultat d'un cumul
d'expériences d'apprentissage (Sammarra & Biggiero 2008).
Toutefois, l'alliance d'innovation pose ses propres
contradictions concernant les modalités de collaboration. Les
entreprises sont censées tirer profit des ressources du partenaire pour
faire face aux incertitudes technologiques et économiques. Or, ce qui se
passe sur le terrain n'est pas aussi systématiquement positif. Les
relations sont souvent imprégnées de méfiance, d'esprit
défensif, de rétention d'information voire d'agression (Dickson,
H. L. Smith & S. L. Smith 1991). L'approche gagnant-gagnant admise dans les
alliances est mise à mal par le concept de la course à
l'apprentissage (learning race) où le partenaire domine la
relation dès lors qu'il apprend plus vite que son vis-à-vis
(Hamel 1991).
Cette compétition sur l'apprentissage entre les
partenaires remet en cause l'objet même de leur coopération. Afin
de réconcilier l'apprentissage mutuel et la protection des
compétences respectives des acteurs, en plus d'un contrôle formel
(Williamson 1991), un capital relationnel entre les deux partenaires (Kale
& Singh 2000) ainsi qu'une modularisation technologique et
interorganisationnelle (Jordan 2004; Grant & Baden-Fuller 2004; Brusoni
& Prencipe 2001) sont nécessaires.
Notre recherche a pour objectif d'examiner les facteurs de
transfert de compétences au travers de résultats issus d'une
démarche qualitative appliquée à l'industrie des
télécommunications. Il s'agira en particulier de s'informer sur
les effets de l'articulation des facteurs de la transaction, de la relation et
de la modularité sur le dilemme partage/protection désigné
dans la littérature par le «paradoxe d'apprentissage ». Le
transfert étant entendu dans cette étude positif (partage,
échanges désirés) et (surtout) négatif (non
désiré). Nous répondrons à deux questions
principales :
1) quels sont les rôles des trois dimensions (contrat,
relation, modularité) sur le paradoxe d'apprentissage ?
2) quel est le rôle de la combinaison de ces trois
dimensions sur le paradoxe d'apprentissage ?
Transfert Compétence
Fig1.
Modèle théorique
Pour ce faire, nous nous centrons sur deux cas empiriques en
matière d'alliance stratégique. Le secteur des
télécommunications est connu pour ses pratiques de modularisation
des produits et des processus (Staudenmayer, Tripsas & Tucci 2005). Les
deux cas représentent deux types d'innovation peu
développés dans la littérature pour l'industrie de
produits grand public : innovation de composant (ou modulaire) (Henderson &
Clark 1990) et innovation produit (De Propris 2002). L'analyse de ces cas est
faite selon les trois dimensions : contrat, relation et modularité. Les
retombées sont ensuite examinées pour les distinguer du point de
vue du transfert (partage et protection) des compétences. Nous
montrerons que le transfert n'est pas acquis et qu'une articulation des trois
dimensions est de nature à permettre aux organisations de mieux
gérer l'inter-apprentissage.
L'originalité de l'étude réside dans la
prise en compte de la dynamique transaction-relationmodularité dans la
gestion du paradoxe d'apprentissage. A notre connaissance, cette dynamique n'a
pas été abordée par la littérature et encore moins
pour le paradoxe d'apprentissage. De plus la protection des connaissances est
peu développée comparée à son partage. Pour nous,
le problème de transfert couvre à la fois celui du partage et
celui de la protection. En sachant ce qu'on transmet, l'on est censé
être conscient de ce qu'on ne transmet pas.
Notre terrain concerne des entreprises jouant un rôle
important dans la chaîne de valeur du secteur des
télécommunications. On y trouve des fabricants de circuits
intégrés, des intégrateurs de plateformes, des ODM
(Original Design Manufacturer), des OEM (Original Equipement Manufacturer) et
des ISV (Independent Software Vendor). Le premier cas implique un
intégrateur de plateformes qui commercialise ses solutions à un
client majeur sur le marché de la téléphonie mobile, et
qui fait appel à un ISV pour acquérir un composant logiciel
critique. Le deuxième cas concerne un OEM de taille moyenne
spécialisé dans la commercialisation de produits de luxe. Cet OEM
s'adresse à un ODM pour l'externalisation de toute l'activité
R&D sauf la partie design mécanique et interface homme-machine
(IHM). Pour ces deux activités, il se charge de l'innovation
esthétique du produit qu'il fait réaliser, sous conditions, par
le même ODM. Dans les deux cas, ce sont les clients finaux qui sont
à l'origine des innovations déployées. L'un est un acteur
majeur sur le marché, l'autre est positionné sur le segment des
produits de luxe.
Notre méthodologie suit la forme des études de
cas avec des entretiens semi-directifs opérés avec des experts et
des chefs de projets. Les données collectées ont
été traitées et synthétisées avant
d'être revalidées par les mêmes questionnés.
En effet, dès que le thème a été
formulé, nous avons entamé immédiatement notre
procédure d'investigation du terrain. Nous avons validé notre
guide d'entretien et sélectionné une liste de six entreprises qui
étaient disposées à nous accueillir. Notre enquête
avait pour objectif de détecter les événements majeurs
vécus et les problèmes cruciaux rencontrés par les
questionnés. Les résultats de nos entrevues ont servi à
préciser la problématique (jugée pertinente pour notre
projet professionnel) et à sélectionner deux cas typiques parmi
les
quatre réellement investigués. La
problématique étant définie, nous avons fait des allers-
retours entre la littérature et les données collectées
pour faire apparaître des implications, des apports et des limites.
Après cette introduction, la partie d'analyse
théorique inclura la définition de certains concepts
concernés par la problématique. L'analyse des modes de
gouvernance sera suivie par la présentation d'un modèle de
transfert de compétences. Ce modèle explicatif est composé
de facteurs liés aux acteurs, aux attributs de la compétence et
à la gouvernance. Le but de cette première partie est de
présenter le contexte théorique de l'étude.
Dans la deuxième partie, les résultats sont
présentés ainsi que la façon dont ils ont
été collectés et exploités. Chaque cas empirique
est analysé et des implications sont formulées. Nous conclurons
cette étude en alertant sur ses limites et en proposant certaines pistes
de recherche.
1 ÈRE PARTIE : ANALYSE
THEORIQUE
2. Définitions
Innovation
Il est délicat de donner une définition certaine
de l'innovation. On peut adopter la définition préconisée
par De Propris (2002, p. 338). «The innovation concerns the search
for, and the discovery, experimentation, development, imitation, and adoption
of new products, new production processes and new organizational
set-ups.».
Les types d'innovation sont définis selon la
perspective adoptée (Kotabe & Swan 1995). Si l'on s'intéresse
à ses effets, elle est continue ou discontinue. Si c'est de l'attribut
du produit qu'il s'agit, elle est nouvelle pour le marché, nouvelle pour
la firme ou les deux. Si c'est la façon dont le produit a changé,
elle est révolutionnaire (radicale) ou adaptative
(incrémentale).
D'autres auteurs ajoutent, à ces types, l'innovation
produit (le quoi) par opposition à l'innovation procédé
(le comment) et l'innovation modulaire (de composant) par rapport à
l'innovation architecturale (système) (Schilling & Thérin
2006; Henderson & Clark 1990; De Propris 2002).
Les activités R&D, la collaboration technologique,
le fournisseur, le client, l'utilisateur sont autant de sources de l'innovation
technologique. La collaboration technologique est au centre de la formulation
de la stratégie d'innovation des entreprises. (Schilling &
Thérin 2006; Angel 2002).
D'autres catégories d'innovation ont été
introduites dans la littérature : individuelles- collectives,
approropriables-exclusives ; divisibles-indivisibles ;
technologiquesmanagériales-marketing (Sammarra & Biggiero 2008).
Le processus d'innovation se caractérise par la
création de nouvelles compétences au travers d'efforts R&D
endogènes et de capacités à adopter les flux de
compétences exogènes (Hagedoorn & Duysters 2002, p. 168).
Modularité
Baldwin et Clark (1997, p 86) définissent la
modularité de la manière suivante : «Modularity is a
strategy for organizing complex products and processes efficiently. A modular
system is composed of units (or modules) that are designed independently but
still function as an integrated whole. Designers achieve modularity by
partitioning information into visible design rules and hidden design
parameters. Modularity is beneficial only if the partition is precise,
unambiguous, and complete».
La modularité fait référence au
degré auquel les composants d'un système peuvent être
séparés ou recombinés (Schilling & Thérin 2006,
p 341). Un produit d'architecture modulaire permet à l'entreprise de le
décliner en plusieurs versions et d'en sous-traiter facilement le
développement, l'évolution et la maintenance. La
modularité des produits est de nature à permettre une
organisation modulaire tant au niveau interne qu'au niveau interorganisationnel
(Sanchez & Mahoney 1996).
Partenariat d'innovation
« Les termes « collaboration », « partenariat
», « alliance » et « coopération » seront
considérés dans cette étude comme des
synonymes se référant à un accord entre
deux organisations indépendantes qui mettent en commun des ressources
tangibles et/ou
intangibles pour coopérer dans des activités de
R&D (Ingham & Mothe 1998:250). L'accent est mis sur celles dites
technologiques (d'innovation et de R&D).
Nous y intégrons celles qui se traduisent, in-fine, par
le développement de produits novateurs. Nous incluons en particulier
l'outsourcing (des activités) R&D et les alliances R&D.
L'outsourcing R&D est une collaboration dont l'intégration des
ressources est inexistante ou très limitée (Chiesa & Manzini
1998). Les alliances R&D quant à elles peuvent mettre en jeu une
telle intégration à des échelles variables. Les alliances
interentreprises, et en particulier celles dites R&D, ont pour principal
objectif d'acquérir des compétences de l'extérieur
(Cavusgil, Calantone & Zhao 2003).
R&D
R&D (Recherche et Développement) est un processus
générant de l'innovation (W. M. Cohen & Levinthal 1989).
Selon certains auteurs l'intensité d'investissement R&D ne se
traduit pas forcément par de l'innovation (De Propris 2002). Ils posent
comme contre exemple les start-up. Cependant, ces petites structures
n'opèrent pas isolément. Elles tirent souvent leur force de la
présence en leur sein d'experts provenant de grandes ou moyennes
entreprises et ayant absorbé des connaissances critiques.
Technologie
Il s'agit de l'ensemble des compétences
théoriques et pratiques, les savoir-faire, les objets pouvant être
utilisés pour développer des produits ou des services ainsi que
les systèmes de leur production et livraison (Lin 2003).
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