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Les rapports juridiques entre les droits interne et communautaire dans le contentieux des contrats de la commande publique


par Steeve BATOT
Université Robert Schuman Strasbourg 3 - Master 2 "droit public fondamental" 2008
  

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§ 2. Le pragmatisme magistralement affirmé par le juge du contrat

Un contrat entaché d'irrégularité n'est pas automatiquement déclaré nul par le juge du plein contentieux. La nullité est d'ailleurs une fin exceptionnelle des rapports contractuels (A), sans que cette souplesse contredise le droit communautaire. Ce dernier encourage en effet à une telle méthode de jugement (B).

A. La nullité : fin exceptionnelle des rapports contractuels

Le juge du contrat a d'abord affirmé sa volonté de ne sanctionner un contrat irrégulier par la nullité que de manière exceptionnelle (1). Une portée des plus larges a ensuite été conférée à son ambition initiale puisque le principal obstacle à un traitement pragmatique des irrégularités semble surmontable (2).

1. Une volonté affirmée

Dans son arrêt du 16 juillet 2007, Sté Tropic Travaux Signalisation147(*), le Conseil d'Etat a solennellement consacré la possibilité pour le juge du contrat, « après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ces clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ». La nullité est présentée en dernier lieu dans ce considérant de principe. Elle apparaît donc comme le remède ultime au rétablissement de la légalité.

La formulation retenue est également intéressante en ce qu'elle se départit des solutions antérieures. Alors que dans l'arrêt Institut de Recherche pour le Développement148(*), seule « une atteinte excessive à l'intérêt général » peut empêcher le prononcé de la nullité, l'arrêt Sté Tropic Travaux Signalisation, quant à lui, autorise le défendeur à invoquer « une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants ». Le Conseil d'Etat offre au juge du contrat une alternative nouvelle permettant le maintien du contrat malgré l'irrégularité au nom d'une atteinte excessive aux droits des cocontractants. Là où il intégrait auparavant les droits des cocontractants dans le standard de l'intérêt général, il les dissocie aujourd'hui. Or, ce que recouvre l'expression de « droits des cocontractants » au sens du juge du contrat reste largement indéterminé.

De la même manière, la formulation employée par l'Assemblée du Conseil d'Etat indique que le juge du plein contentieux est en mesure de résilier le contrat. Il peut encore le maintenir avec un effet différé, c'est-à-dire pour le passé, mais uniquement sous réserve qu'il ne porte excessivement atteinte à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants. Le juge du contrat est donc en mesure de prononcer, soit la résiliation indépendamment de toute condition explicite, soit une annulation avec un effet différé dès lors qu'elle ne porte pas une atteinte excessive à la diversité des intérêts en présence. Or, peu importe que le juge prononce la résiliation ou l'annulation avec un effet différé car les effets sont identiques : dans les deux cas, le contrat est privé d'effets pour l'avenir149(*).

Ainsi, le juge du contrat s'octroie de nouvelles potentialités et dispose d'une véritable palette de pouvoirs à l'encontre d'un contrat irrégulièrement conclu. Il a surtout l'opportunité de renouveler le contenu du standard juridique de l'intérêt général au moment où le droit communautaire se l'approprie. Les larges pouvoirs dont il dispose témoignent d'une ambiance générale de pragmatisme. Cette volonté initiale semble concrétisée par la suppression du principal obstacle au traitement des irrégularités effectué par le juge du contrat.

* 147 CE, Ass. 16 juillet 2007 : Sté Tropic Travaux Signalisation, préc.

* 148 CE, 10 décembre 2003 : Institut de Recherche pour le Développement, préc.

* 149 P. DELVOLVE : Un nouveau juge pour le contrat administratif », in RJEP, 2007, p. 327 : « Dès lors que la résiliation est une mesure qui met fin au contrat pour l'avenir, on ne voit pas très bien ce qui la différencie de l'annulation avec un effet différé ».

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams