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Les rapports juridiques entre les droits interne et communautaire dans le contentieux des contrats de la commande publique


par Steeve BATOT
Université Robert Schuman Strasbourg 3 - Master 2 "droit public fondamental" 2008
  

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2. Un cadre juridique favorable

Il convient immédiatement de préciser que le droit communautaire offre peu d'éléments concrets permettant d'affirmer avec certitude que l'application de la théorie des irrégularités non substantielles ne contredit pas les exigences des directives « recours ». Une réponse favorable au principe de sécurité juridique peut toutefois être avancée au regard de deux pistes de réflexion.

D'autre part, une juridiction autrichienne a saisi la Cour de Justice de la question de savoir si l'annulation d'une décision illégale peut valablement être soumise à la condition que cette décision a eu une influence essentielle sur l'issue de la procédure d'adjudication142(*). Il lui est donc demandé de préciser les conditions d'annulation des décisions du pouvoir adjudicateur. Si elle ne s'est pas prononcée en l'espèce, les conclusions de l'Avocat général MISCHO méritent d'être relatées. Ce dernier relève d'abord que le droit communautaire ne fixe pas de condition pour procéder à l'annulation de ces décisions. Il s'ensuit que « le droit communautaire ne s'oppose, en principe, pas à ce que le droit national règle des aspects de la procédure de recours qui ne sont pas définis par la directive pour autant que les règles nationales applicables ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l'équivalence) et qu'elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité) »143(*). Il ressort donc de ces conclusions que la subordination d'une annulation contentieuse à la preuve que l'irrégularité a porté atteinte au jeu effectif de la concurrence n'est pas en elle-même contraire au droit communautaire. La Cour n'a, semble t-il, malheureusement pas eu l'occasion de se prononcer à nouveau sur cette délicate question. L'obligation faite aux Etats d'instaurer une voie de droit à l'encontre du contrat constituera une nouvelle source de contentieux au niveau communautaire. La Cour aura donc l'occasion d'éclairer les instances nationales sur les conséquences à tirer de l'irrégularité sur le contrat. Une solution limitant l'application de la théorie des irrégularités non substantielles au recours contractuel sera applicable a fortiori lors d'un recours précontractuel puisque par définition, le second se veut plus rigoureux que le premier.

D'autre part, les directives « recours » sont largement gouvernées par une recherche d'efficacité. Ainsi, elles ne reconnaissent pas explicitement aux Etats la faculté d'accorder un traitement plus favorable à une irrégularité sous prétexte que sa gravité moindre le justifie. Elles prévoient cependant « que lorsque l'instance responsable examine s'il y a lieu de prendre des mesures provisoires, celle-ci peut tenir compte des conséquences probables de ces mesures pour tous les intérêts susceptibles d'être lésés, ainsi que l'intérêt public, et décider de ne pas accorder ces mesures lorsque des conséquences négatives pourraient dépasser leurs avantages »144(*). Il est donc possible au juge national de refuser la censure radicale et automatique d'une procédure d'attribution, au motif que les conséquences de sa décision perturberaient les divers intérêts en présence. L'on pourrait sans doute penser que la constatation d'un dépassement de délai insignifiant ou l'omission d'une indication dans l'une des cases d'un avis d'appel public à la concurrence n'est que d'un poids réduit face à l'envergure de certains projets publics dont le retard dans la réalisation serait lourd de conséquences pour la diversité des intérêts en cause. Ces derniers impliquent une analyse concrète, réaliste, et ont pour ambition d'inviter le juge à la clémence.

La potentialité du droit communautaire n'a pas été ignorée du législateur national. Elle n'a pas pour autant été pleinement employée, puisque seul l'article L 551-2 CJA reprenant à la lettre les directives, accorde au juge la faculté de ne pas prononcer d'astreinte après s'être interrogé sur l'opportunité de sa décision.

Si le droit communautaire constitue un cadre juridique favorable à l'application de la théorie des irrégularités non substantielles, force est de constater que sa mise en oeuvre est des plus délicates.

* 142 CJCE, 12 avril 2003 : EVN AG et Wienstrom GmbH, aff. C-448/01, Rec. CJCE, p. I-14527.

* 143 Concl. J. MISCHO, point 86, sur CJCE, 12 avril 2003 : EVN AG et Wienstrom GmbH, aff. C-448/01, Rec. CJCE,
p. I-14527.

* 144 Directive 89/665, art. 2 § 4.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand