4.4. Evaluation de l'efficacité des politiques de
l'eau
Confrontons les politiques de l'eau aux questions
élaborées par le PNUE et que nous avons présentées
à l'introduction:
1) Les problèmes environnementaux ont-ils
été définis?
Sur une rétrospective de quarante ans, force est de
constater que les pressions causant les problèmes de l'eau n'ont pas
été définies en même temps. Dans les années
70, les pouvoirs publics se sont concentrés sur les points noirs de
pollution, causés par les industriels et par les collectivités
locales. Le problème de la pollution par l'agriculture a
été défini plus tard, au début des années 80
par le rapport Hénin.
2) Des objectifs chiffrés ont-ils été
formulés?
Les premiers objectifs ne sont pas très ambitieux.
«Il est significatif, par exemple, que les objectifs fixés en 1969
par le premier programme des agences de bassin (retour en 1985 à une
qualité de l'eau considerée comme acceptable, avec une
élimination de 80% des pollutions classiques) sont les même que
ceux (...) proposés pour 2005-2010» ! (Theys, 1998 : 26)
Même en 1991, les objectifs du PNE pour l'an 2000
n'incluent pas l'agriculture:
- rendre toutes les eaux utilisées par le public
conformes aux normes européennes
- inciter au rejet zéro des toxiques dans l'eau et
poursuivre l'effort de dépollution industrielle
- faire passer de 1/3 à 2/3 le taux effectif de
dépollution des eaux domestiques
- faire évoluer de 15 à 80 % le taux de traitement
de la pollution azotée ou phosphatée dans les zones les plus
vulnérables (Chabason et Theys 1990: 86)
La directive «Nitrates» (9 1/676/CEE) posera les
premiers objectifs en la matière. Même aujourd'hui, l'objectif de
réduction de la moitié des pesticides d'ici 10 ans,
annoncée dans le cadre du Grenelle, est édulcorée par la
réserve de la mise au point d'alternatives (voir supra).
3) Les intentions exprimées ont-elles eu une suite?
Au niveau des rejets industriels, certainement. Au niveau des
collectivités locales, cela dépend de quels objectifs. Ainsi,
«l'objectif fixé par le PNE de réduire de 60 % les rejets
domestiques avant 2000 devrait être atteint» (OCDE 1997 : 69). Par
contre, l'objectif de la directive «Eaux Résiduaires Urbaines
», transcrit en droit français, n'est toujours pas atteint.
4) Cette suite a-t-elle eu des effets positifs sur
l'environnement?
Globalement, les points noirs de pollution ont été
éliminés, ce qui a permis d'assainir les grands fleuves.
5) Ces effets sont-ils suffisants?
C'est à ce niveau d'interrogation que l'on
découvre les véritables obstacles de la
politique française de concertation et de consensus. Ainsi, le
renversement de tendances constaté à la fin des années
80, à savoir l'assainissement des grands fleuves en parallèle
à la dégradation des
eaux les plus pures, relève-t-il l'incapacité de
la France à réagir au niveau des pressions provenant de
l'agriculture.
Notons qu'au niveau des secteurs où les mesures ont
été appliquées, la situation n'est malgré tout pas
idéale. L'assainissement effectivement mis en place par les
collectivités locales est encore insuffisant en raison des fuites des
réseaux et des dysfonctionnements des stations d'épuration. La
dangerosité de la pollution nette d'origine industrielle est
également mise en cause. «Après avoir diminué pendant
plusieurs années, le niveau de pollution industrielle a tendance
à se stabiliser. Pour progresser et réduire ce seuil, il faut
agir sur la performance et la sécurité de fonctionnement des
installations. » (Science & Vie 2000: 68) L'industrie idéale au
niveau de l'eau serait bien entendu celle qui fonctionnerait en cycle
fermé!
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