4.3. Politique curative versus mesures
préventives
La prépondérance d'une politique curative, qui
traite les conséquences indésirables d'une activité
humaine sur l'environnement, sur la voie préventive, qui remonte dans la
chaîne des causalités, est une tendance qui se maintient
jusqu'aujourd'hui. Elle se confirme au niveau des moyens consentis: «40 %
des investissements des agences de l'eau concernent des mises en place de
technologies propres et 60 % de la dépollution» (Science & Vie
2000: 74). Force est de constater que la technologie propre est le domaine
exclusif de l'industrie.
La politique curative se répercute au niveau de la
perception des principaux usagers - les industriels, les collectivités
locales et les agriculteurs - en les déresponsabilisant dès lors
qu'ils auront payé pour avoir pollué ou prélevé
l'eau. (voir infra) Ainsi, l'une des principales critiques formulées
envers l'agriculture est qu'elle ne participe pas aux frais alors qu'elle
contribue largement aux problèmes.
Le premier rapport sur l'état de l'environnement de
1976 préconisait pourtant la mise en place de mesures préventives
et non plus seulement curatives, orientation à nouveau annoncée
par le PNE en 1991. Mais en 2002, François Guérold,
hydrobiologiste membre du Comité de veille écologique de la
Fondation Nicolas Hulot, critique encore l'insuffisance de la
prévention. (Hulot 2002: 63-64)
Meublat met en cause la culture technique ainsi que les
intérêts économiques liés à une
dépollution synonyme de profits:
«La lutte contre la pollution de l'eau est avant tout une
affaire d'ingénieurs, d'installateurs de tuyaux et de bâtisseurs
de stations d'épuration, de béton87 pour
simplifier. Cette culture technique (...) n'évolue que très
lentement. On peut pourtant s'interroger sur l'intérêt qu'il y a
à développer des procédés coûteux de
dénitrification ou de déphosphoration, alors qu'une politique de
taxation (les engrais) ou de normalisation (les lessives) permettrait
probablement de freiner l'émission des polluants en question. Mais il
est aussi vrai que la prévention ne rapporte pas grand-chose à
l'exportation... » (Meublat 1991 : 48)
87 Souligné dans le texte.
Derrière les profits du secteur privé, se
profile toute la batterie des enjeux socio-économiques - installation de
nouvelles entreprises, emploi, croissance, ... - à laquelle les
décideurs sont particulièrement sensibles:
«La composante éco-industrielle des programmes
d'action publics destinés à prendre en charge les
problèmes environnementaux n'est pas sans ambigüités. Dans
la sphère politico-administrative comme dans le monde des affaires, il
n'est pas rare de voir les préoccupations environnementales s'effacer
derrière la possibilité de développer de nouveaux secteurs
susceptibles de soutenir ou de relancer la dynamique économique. »
(Rumpala 1999: 394)
Notons que cette tendance semble se vérifier au niveau
des domaines de l'environnement dont la gestion technique est mise entre les
mains du secteur privé: eau, mais aussi déchets ou
énergie. Ainsi, le choix de la voie curative semble être
étroitement lié à son intégration dans la logique
socio- économique.
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