Conclusion
Nous proposons d'apprécier nos hypothèses de
départ, soulignées au travers de l'étude, au regard de
l'optique globale que nous avons dégagée lors de notre recherche.
Les politiques environnementales inscrivent ainsi leur réussite ou
échec relatifs dans l'évolution de trois niveaux interactifs: les
institutions, le type de problématique et les instruments publics.
Confrontons notre première hypothèse, à
savoir l'impact du contexte socio-économique porté par des
acteurs/secteurs sur la réussite d'une politique, à l'analyse
détaillée que nous venons de parcourir. Le point commun entre les
secteurs étudiés qui présentent une multiplication ou une
intensification de leurs sources d'impact semble être leur place dans le
circuit de la consommation. L'acteurconsommateur exerce une pression trop forte
par rapport à la disponibilité en ressources et à la
capacité d'absorption de la planète. Alors que certains pays
européens ont commencé à découpler leur
empreinte écologique de leur croissance économique,
celle de la France continue à croître. (AEE 2005: 205) Agir au
niveau de la consommation est compliqué car cela implique une remise en
question des modes de vie et, en définitive, des valeurs des citoyens.
En tant que secteur prioritairement producteur, l'agriculture se place à
part. L'agriculteur, acteur-producteur, s'est par contre organisé au
sein d'un groupe de pression particulièrement puissant. Intervenir
à ce niveau exige une volonté politique forte et une Europe unie
dans ses intentions. Les instruments de communication et d'information semblent
particulièrement utiles pour dépasser le rapport de force hostile
avec le monde agricole (voir supra).
Notre deuxième hypothèse sous-entend la
nécessité d'une gestion intégrée des politiques
environnementales, d'une politique préventive versus curative et d'une
vision à long terme des politiques, par opposition à la vision
à court terme - en fonction des mandats - des politiciens. La notion de
seuil optimal d'intervention implique la notion de seuil de tolérance du
milieu récepteur, souvent mal connu.
Notre troisième hypothèse prend acte de la
multiplication et de l'intensification de la majorité des sources
d'impact liées à la poursuite d'un modèle de croissance
fondé sur la consommation. Outre la constatation que les
améliorations au niveau de l'environnement résultent souvent
davantage du contexte global (chocs pétroliers pour les économies
d'énergie) et de politiques sectorielles (choix du
nucléaire/diminution des émissions de gaz à effet de
serre), force est de constater que ces améliorations sont
généralement soit compensées par l'augmentation des
sources d'impact, soit remplacées par un autre problème d'ampleur
et de gestion encore plus complexe.
L'exemple de la pollution atmosphérique soutient nos
trois hypothèses: passage de la responsabilité des secteurs de la
production (industrie et énergie) au domaine de la consommation
(transports); intervention postérieure au seuil de tolérance du
milieu récepteur (impacts sanitaires, pluies acides, changement
climatique); compensation, voir dépassement des améliorations
(diminution des émissions unitaires de NOx résultant
des améliorations de la technologie automobile, globalement
dépassées par la croissance du trafic routier).
L'eau présente le même type d'évolution
sur quarante ans: mutation de la responsabilité imputée au
secteur industriel à celui de l'agriculture; interventions des pouvoirs
publics postérieures à l'altération de la ressource par
les pollutions ponctuelles provenant de l'industrie, puis par les pollutions
diffuses provenant de l'agriculture; uniformisation de la qualité
médiocre des eaux les plus pures par la multiplication des sources
d'impact provenant du secteur agricole.
Pour garder une note d'optimisme, notons que la combinaison de
mesures choisies par la France a tout de même conduit à un
assainissement relatif des eaux dans les domaines visés, à savoir
l'industrie en premier lieu, suivie des collectivités locales. Les
manquements, et par conséquent les principaux défis à
aborder à ce stade de l'évolution de la politique de l'eau, sont
à traquer aux niveaux de l'application du droit de l'environnement et
des redevances, de la performance des ouvrages d'assainissement (réseaux
et stations) et des pressions provenant de l'agriculture.
Les problématiques d'environnement d'il y a quarante
ans semblent fondamentalement différentes de celles d'aujourd'hui. Au
niveau des sources d'impact: facilement identifiables à l'époque,
elles sont beaucoup plus nombreuses et plus diversifiées aujourd'hui. Au
niveau des enjeux: touchant alors principalement l'environnement
immédiat, ils s'étendent aujourd'hui à la planète,
voire à l'espace (cas des déchets satellites). Au niveau des
solutions: la foi dans la technologie et les instruments de gestion
traditionnels ne suffisent plus aujourd'hui, et il s'agit d'inventer de
nouveaux outils, de les combiner avec les anciens, de créer de nouveaux
rapports de force, etc. Au niveau de la responsabilité, avec le passage
de la production à la consommation, et par conséquent à la
nécessité de modifier les valeurs... Ces changements
d'échelle ont pris place tandis qu'en parallèle, la confrontation
de l'environnement à l'économie s'est mutée en
intégration réciproque. Mais à y regarder de plus
près, l'économie ne se plie vraiment à l'environnement
qu'en cas de bénéfices avérés. En usant de l'image
de cellules, l'économie semble plutôt avoir phagocyté
l'environnement.
Dans ce contexte de Croissance à tout prix, un
processus ouvert comme le Grenelle aura-t-il la force d'impulsion pour ne
serait-ce que faire dévier la machine infernale de sa
trajectoire? D'autant plus que la menace d'une crise économique mondiale
risque de focaliser l'attention et de faire passer aux oubliettes les promesses
de changement. Pour éviter que ne s'essouffle à nouveau une phase
institutionnelle inscrite dans le temps politique court, l'Enjeu doit
maintenant être approprié par le citoyen.
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