Une première lecture d'ouvrages de synthèse et de
revues spécialisées consacrant des dossiers à des
périodes ou des dates clé nous a permis d'établir trois
grandes phases institutionnelles.
· Principaux ouvrages:
o Barraqué et Theys (1998), Les politiques
d'environnement: évaluation de la première
génération, 19 71-1995,
o Lascoumes (dir.) et all. (1999), Instituer l'environnement
: vingt-cinq ans d'administration de l'environnement,
o Chabason et Theys (1990), Plan national pour
l'environnement: rapport préliminaire en vue du débat
d'orientation.
· Principales revues:
o Trente ans d'environnement in Aménagement
et nature (1994-95),
o 1970, l'invention de l'environnement ? in
Responsabilité & environnement (2007),
o Le Grenelle de l'environnement in Regards sur
l'actualité (2007).
Cherchant à condenser l'histoire de la politique
française de l'environnement, nous nous sommes penchés sur
l'analyse de Roger Cans, qui décline Les trois âges de la
politique française de l'environnement dans la revue
Aménagement et nature (1994-95):
· L'ère gaullienne, durant laquelle l'Etat
affirme son autorité, se traduit par des mesures novatrices : le premier
parc national de la Vanoise (1963), la création des Agences
financières de bassin (1964) et du Conservatoire du littoral (1974) et
la loi sur la protection de la nature (1976).
· La loi de décentralisation (1982) marque une
rupture en transférant l'autorité aux élus locaux. Les
lois montagne et littoral (1985) sont interprétées dans le sens
du développement économique et le bétonnage se
poursuit.
· L'investiture du militant écologiste Brice Lalonde
à fin des années 80 amorce un retour de
balancier. Les lois déchets (1992) et eau (1993)
imposent de nouvelles contraintes aux
industriels et aux collectivités locales, suivies par les
lois paysage, bruit et carrières. (Cans 1994-95 : 23-26)
Nous inscrivons notre analyse dans ce sillage historique sur une
échéance plus longue, en intégrant les multiples visions
de cycle de l'intervention publique par Pierre Lascoumes:
«... cycle de ce qui est perçu comme faisant
problèmes, cycle des dissonances, mais aussi cycle des techniques
d'intervention et cycle des buts poursuivis. Sur le long terme on observe
souvent que la palette des possibles (celle des catégorisations, des
moyens et des buts de l'action) est limitée. Et que tel sous secteur de
l'action publique oscille entre deux ou trois polarités qui
ressurgissent et sont reprises à intervalles plus ou moins
réguliers. » (Lascoumes 2008 : 2)
En recherchant comme trames préalables les dissonances
au niveau de la gestion de l'environnement ainsi que l'intensité au
niveau des préoccupations (voir infra) et comme trame subséquente
les buts globalement poursuivis, nous délimitons trois cycles. Chaque
cycle s'installe par l'émergence d'une technique d'intervention
particulière mais provoquant dans les trois cas une forte impulsion,
suivie par une phase que nous définissons par la maturité
institutionnelle:
· la création du ME en 1971 entame la phase de
fondation (Theys 1998 : 40);
· la lancée du Plan national pour l'environnement
(PNE) en 1990 représente le point culminant de la phase de consolidation
(Lavoux 1999 : 92);
· l'amorce du Grenelle de l'environnement en 2007 pourrait
être considérée comme la phase d'ouverture.
Il est évident que d'autres initiatives
institutionnelles ont également marqué la politique
environnementale française. Pour n'en citer que quelques unes: le
Programme des cent mesures pour l'environnement en 1970, la
création du Conseil National du Développement Durable (CNDD) ou
la Stratégie Nationale du Développement Durable (SNDD) en 2003.
Le programme de 1970 avait certes le mérite de rassembler les
énergies de divers ministères autour du thème de
l'environnement, mais il avançait pour l'essentiel des mesures locales
détachées les unes des autres. Les auteurs d'un dossier sur le
Grenelle soulignent diverses raisons pour lesquelles le processus a un impact
bien supérieur au CNDD et à la SNDD. (Boy 2007: 10-11; Bourg
2007: 62)
De manière générale, nous avons
dirigé notre choix vers des initiatives politiques (politics)
globales qui inscrivent - potentiellement pour le Grenelle - une
série de politiques (policies) sectorielles dans leurs
sillages.
A sa création en 1971, le ME est doté d'une
structure et de moyens financiers et humains maigres (voir infra). Pourtant,
cette phase constitue une étape décisive:
· en institutionnalisant et popularisant la notion
d'environnement (voir infra);
· en rassemblant les politiques, jusque-là
gérées de façon hétérogène et
discontinue par plusieurs ministères;
· en enclenchant un travail de création ou de remise
en ordre législatif ou réglementaire (Saglio 2007 : 35);
· en stimulant les autres ministères à
ranimer leurs départements environnementaux par crainte de les voir
transférés au nouvel arrivant (Bess 2003 : 198).