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Evolution des politiques environnementales françaises sur quarante ans

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par Valérie Lacroix
Université Libre de Bruxelles - Institut de Gestion de l'Environnement et d'Aménagement du Territoire - Master en Sciences et Gestion de l'Environnement 2008
  

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2.3.3. Déchets

La hausse de la consommation va de pair avec une augmentation des rebuts à traiter. Nous mettons à contribution les graphiques de l'ADEME (voir annexe n° 9) pour rendre compte de l'évolution sur le moyen terme.

La croissance des déchets ménagers sur quarante ans (graphique 8 a) est exponentielle, quoiqu'en baisse depuis 2002. Depuis le début des années 70, les volumes de déchets augmentent parallèlement à la croissance du PIB.

En réponse, les collectivités locales ont poursuivi un colossal effort de collecte et d'équipement. Le parc d'installations de traitement des déchets (graphique 8 b) a augmenté en nombre jusqu'au début des années 90 environ. Par la suite, «la montée de l'intercommunalité et les contraintes technicoéconomiques ont eu pour effet de concentrer les installations. » (ADEME 2007: 7) Ainsi, le nombre d'installations diminue mais les conditions environnementales et la capacité unitaire augmentent.

Face aux limites du système pour absorber les volumes croissants de déchets, le tri pour recyclage se met timidement en place vers le début des années 90 mais atteint des taux inférieurs à ceux des pays voisins. La part importante de l'incinération (graphique 8 c) place la France en tête de ce mode de traitement, en 1990, par rapport aux autres pays européens (ME 1990: 171).

Cette tendance vers une gestion curative plutôt que préventive reflète schématiquement deux intérêts contradictoires à ceux de la protection de l'environnement. Premièrement, la croissance de la consommation est considérée par les pouvoirs publics comme un indice de la santé économique d'un pays. Or, pour l'instant, une réduction des volumes de déchets devrait passer par une réduction parallèle de la consommation matérielle. Deuxièmement, toute une économie des déchets dépend, si ce n'est de la croissance, tout au moins du maintien des volumes, que ce soit au niveau de la collecte que du traitement des déchets. Ceci rejoint notre remarque concernant le développement relativement rapide des améliorations technologiques au sein de secteurs proposant des services de dépollution (voir supra).

2.3.4. Tourisme

Dans un contexte d'augmentation des revenus, de généralisation des congés payés, de dégagement du temps libre et de développement des modes et des infrastructures de transport, le tourisme et les loisirs ont connu un essor fulgurant. En France, au niveau international (flux de touristes non-résidents) comme au niveau national (flux des touristes résidents), la croissance du tourisme dépasse celle du

PIB, quoiqu'elle maintienne une progression similaire: très rapide jusqu'à la fin des années 80, elle progresse lentement par après.49

La France maintient sa place de premier pays récepteur mondial depuis 1990. Entre 1975 et 2006, le nombre d'arrivées de touristes aux frontières a été multiplié par trois (passant de 25 à 79 millions).50 Au niveau du tourisme national, entre 1975 et 2004, le nombre de séjours a été multiplié par quatre. Le taux de départ (voyages de quatre nuitées et plus pour motif personnel) est passé de 45 % en 1969 à 64 % en 2007 (voir annexe n° 10 a).

Hormis les pressions croissantes liées à l'augmentation et à la concentration des flux dans les zones touristiques (eau, déchets, nature, ...) certaines tendances sociétales amplifient l'impact du tourisme et des loisirs sur l'environnement.

Le tableau 10 b (en annexe) résume l'évolution des comportements de tourisme et fait ressortir le fractionnement des vacances (augmentation du nombre et décroissance de la durée moyenne de séjours51, développement des excursions et des loisirs de proximité). Or, ce facteur augmente largement le nombre de déplacements (lié au nombre de départs) par jour de vacances.52 D'autres causes de l'augmentation de la mobilité loisir-tourisme sont fournies dans le tableau 10 c (en annexe). Autre tendance ayant cette fois un impact sur les sites préservés: «Le tourisme s'est massifié et n'est plus réservé à une élite. Un phénomène géographique a vu le jour qui perdure: l'abandon par les plus riches de sites (à la mode) et d'habitudes touristiques trop démocratisées et encombrés. Les élites lancent sans arrêt de nouvelles pratiques en des lieux toujours plus protégés, ... souvent plus lointains. » (Potier 2006 : 7)

En France, le tourisme représente un enjeu de taille au niveau social - environ 43% des emplois des régions côtières (AEE 2005: 149) - et économique - 6,4 % du PIB en 2005 -, ce qui laisse peu de place pour le niveau environnemental.

2.3.5. Transport

Nous focaliserons notre attention sur le transport routier car il absorbe les 4/5 de la consommation finale d'énergie par la mobilité et produit la majeure partie des polluants atmosphériques émanant du secteur.

Nous avons déjà constaté un accroissement important de la part de responsabilité provenant du transport routier par rapport aux autres secteurs économiques quant aux niveaux des émissions de CO2, des émissions acidifiantes et de la consommation finale d'énergie. Ces développements au niveau des pressions sur l'environnement s'expliquent par les évolutions au niveau de la croissance du secteur.

Les graphiques de l'OCDE (voir annexes n° 11 et n° 12) témoignent en effet de la croissance soutenue
du trafic du transport routier (marchandises et voitures particulières). Globalement couplé à la

49 Au niveau national, la forte croissance jusqu'à la fin des années 80 est « essentiellement due au comportement générationnel, les nouvelles générations partant systématiquement plus que leurs aînées au même âge. Ainsi, la génération née entre 1940 et 1944 est la première à connaître un taux de départ moyen supérieur à 60 % sur l'ensemble de sa vie. Toutes les générations suivantes ont un taux de départ moyen au cours de leur vie compris entre 60 % et 65 %. (...) Avec la fin du rattrapage générationnel, le taux de départ se stabiliserait structurellement autour de 65 %. » (Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi 2007 : 2)

50 «A ces séjours touristiques, il faut aussi ajouter les flux des étrangers qui viennent en France sans passer de nuit, soit ils transitent, soit ils viennent faire une excursion touristique. On estime que ces flux sont au nombre de 100 millions en 2002, plus de 5 fois plus qu'il y a 30 ans. » (Potier 2006: 10)

51 «En 1964, les séjours duraient en moyenne 19,6 jours contre 11,7 jours en 1999. » (Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Emploi 2007 : 4)

52 De nos jours, l'automobile est le moyen de transport de 80 % des séjours touristiques en France.

croissance économique pendant les années 70 et 80, le trafic routier dépasse clairement le PIB à partir des années 90. Une note d'espoir cependant: «Depuis 1999, la croissance du PIB est légèrement plus forte que celle des transports intérieurs.53 » (Ifen 2006: 134)

En parallèle à l'augmentation du trafic, le graphique 6 témoigne du doublement de la consommation de produits pétroliers entre 1973 et 2006. Si les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont légèrement atténué sa croissance, le contre-choc pétrolier et la résultante baisse des prix du carburant l'ont fortement relancée. On assiste cependant depuis 2000 à la stagnation de la consommation de produits pétroliers suite à l'augmentation des prix, au ralentissement de la hausse de la circulation routière et à l'accentuation de la baisse de la consommation unitaire moyenne (Ifen 2006: 141).

Le transfert de l'essence vers le gazole à partir des années 90 est une particularité du parc automobile français, reflétant une différence de taxation54. Plus économes en carburant, les moteurs diesel contribuent à la réduction de la consommation kilométrique. Au niveau des émissions polluantes, les moteurs diesel produisent moins de CO2 et de CO, mais plus de particules fines et de NOx.

Graphique 6

Evolution de la consommation de produits pétroliers
relatifs au secteur des transports (hormis GPL)

1973 1985 1995 2006

40,0

50,0

30,0

20,0

10,0

0,0

Super sans plomb 95 Essence avec plomb

Gazole (tous secteurs confondus)

Source des données : Insee, Bilan de l'énergie en France.

Après avoir tracé les tendances du transport routier depuis 1970, nous présentons brièvement les causes de la croissance selon l'origine de la mobilité (passagers ou marchandises), et développons les causes générales.

Causes liées au transport routier de véhicules particuliers:

· augmentation du nombre de ménages et du nombre de voitures par ménage55, liée à l'individualisation, à l'élévation du niveau de revenu et à l'augmentation de l'emploi féminin56

· augmentation du nombre de déplacements, liée au phénomène d'acculturation et à l'accélération des modes de vie

53 «À l'échelle européenne, le volume de transport de passagers augmenterait moins vite que le PIB depuis 1998. » (Ifen 2006: 134)

54 «L'écart de prix entre le diesel et l'essence en France est parmi les plus élevés de l'UE. » (OCDE 2005 : 48)

55 Le taux de motorisation a pratiquement doublé entre 1970 et 2005, passant de 25 à 49 voitures particulières pour 100 habitants.

56 « Le nombre de couples bi-actifs est devenu supérieur au nombre de couples mono-actifs en 1973. Aujourd'hui, 80% des femmes en âge de travailler, travaillent. » (Potier 2006: 15)


· allongement du parcours moyen57, lié à l'étalement urbain et à la structure spatiale des infrastructures (bureaux58, écoles, centres commerciaux, ...)

· développement du tourisme et des loisirs59

Causes liées au transport routier de marchandises:

· développement du marché européen

· situation géographique qui fait de la France un pays de transit de marchandises

· stratégies d'approvisionnement et de distribution des sociétés

· spécialisation des véhicules

· chute des autres modes de transport intérieur (rail, voies navigables)

Causes générales:

1) intérêts économiques et sociaux en jeu (secteurs de l'automobile, de la construction, du pétrole, du fret, ...)

2) développement des infrastructures routières

3) prix n'intégrant pas les coûts pour l'environnement

4) au niveau de la surconsommation kilométrique de carburant: augmentation de la taille et du poids des véhicules

1) Knoepfel fait ressortir le poids des intérêts économiques dans la politique française des transports: «La négligence des sources mobiles de pollution a des racines plus profondes que l'on doit chercher dans la promotion, poussée par l'Etat français, de la mobilité individuelle et de la production automobile. En dehors de quelques initiatives urbaines par le gouvernement français, l'observateur étranger cherche en vain des mesures efficaces dans le domaine des sources mobiles, reflets d'une véritable politique de lutte contre la pollution atmosphérique. La voiture individuelle reste un véritable Veau d'or, et le manque de mesures sur la circulation routière (...) semble être une des lacunes les plus importantes de la politique de lutte contre la pollution atmosphérique de la France depuis les années 80 et jusqu'à aujourd'hui. » (1998: 167)

2) Face à l'augmentation du parc et du trafic automobile, la politique de la plupart des pays industrialisés a été de répondre par une offre massive en infrastructures routières. C'est tout particulièrement le cas pour la France, qui occupait le troisième rang mondial pour le réseau autoroutier dans les années 90 (OCDE 1995: 172). Le graphique 7 témoigne d'une augmentation d'environ 700 % de la longueur du réseau autoroutier entre 1970 et 2003 ! Or, «sans un retour directement donné par les prix, la demande rattrape et absorbe souvent rapidement la nouvelle capacité» (OCDE 1997 : 113).

3) Les prix à divers niveaux n'intègrent globalement pas les coûts pour l'environnement: «L'évolution des prix correspondant aux différents modes du transport de voyageurs a été plutôt

57 A ce sujet, il nous semble intéressant de noter que «l'accroissement du trafic constaté dans les pays de l'OCDE au cours des cinquante dernières années peut être attribué davantage à l'allongement des trajets qu'à l'augmentation du nombre de déplacements ». (OCDE 1997: 115)

58 De 1970 à 1990, les distances domicile-travail ont été multipliées par deux. (ME 1990: 162)

59 Potier développe cette corrélation dans Problématique des flux de transport : Mobilité Loisir-Tourisme: « Le tourisme s'inscrit dans le mouvement général d'accroissement de la mobilité. Il en est même le moteur principal. (...) En 2003, la mobilité loisir-tourisme des Français représente 55 % de l'ensemble des kilomètres parcourus en France. » Ainsi, en 30 ans, le moteur prépondérant de la mobilité locale quotidienne est passé de la mobilité liée au travail à celle liée aux loisirs. (2006 : 4)

favorable aux modes les plus polluants. Entre 1990 et 2004, le prix des automobiles et du carburant a augmenté moins vite que l'indice des prix à la consommation. » (Ifen 2006: 137)

4) Les effets des améliorations technologiques acquises au niveau de la réduction de la consommation kilométrique de carburant ont globalement été atténués par les perfectionnements technologiques au niveau de la sécurité, du confort et de l'équipement, qui ont conduit à une augmentation de la taille et du poids des véhicules.60

Graphique 7

Evolution de la longueur du réseau d'autoroutes

12000

10000

8000

6000

4000

2000

0

1970 1980 1990 2000

Sources des données:

- OCDE (1995), Examens des performances environnementales, p.171, - Ifen (2006), L'environnement en France, p. 136.

En guise d'évaluation:

Législations et améliorations technologiques ont permis de réduire les émissions polluantes par véhicule et les problèmes de smog et de pluies acides d'il y a trente ans (voir infra). Cependant, compte tenu de l'accroissement du volume des transports, les concentrations de polluants restent élevées et sont souvent supérieures aux objectifs fixés. (AEE 2005 : 18)

Les problèmes de particules et d'ozone troposphérique61 sont deux problèmes soulignés par les rapports internationaux. Depuis 1990, législations et améliorations technologiques ont conduit à des réductions substantielles des émissions de particules et d'un tiers des précurseurs d'ozone. Mais, suite essentiellement à l'augmentation du trafic routier, les réductions des émissions et les portées de la technologie stagnent. Ainsi, «Une innovation technologique en fin de cycle consistant par exemple à installer des filtres à particules sur les véhicules diesel ne suffit pas à suivre cette croissance de la demande.»

Cependant, l'inquiétude face à ces pollutions, qui vont du spectre local à régional, a largement laissé
place à l'inquiétude face aux émissions de CO2 et à leurs conséquences globales sur le climat. En effet,

60 «Entre 1996 et 2002, le poids moyen des petites voitures citadines s'est accru d'environ 100 kg. Par ailleurs, la structure du parc a évolué et la part des véhicules tout terrain, très lourds, n'a pas cessé d'augmenter dans les ventes de véhicules particuliers (VP) : de 1,3 % du marché VP en 1996, elle est passée à 5,1 % en 2004. » (Ifen 2006: 142) Ceci a également un impact au niveau de la consommation de ressources - matières.

61 Les impacts de ces pollutions sur la santé et sur les écosystèmes sont graves. Les particules sont les principaux polluants à l'origine des décès actuels en Europe, et environ un quart de la population européenne est aujourd'hui exposée à des niveaux au dessus des valeurs limites pour les deux problématiques. L'ozone dans l'air retarde la croissance des cultures et nuit au feuillage des arbres. (AEE 2005 : 98-103)

les transports représentent le secteur où la demande d'énergie et les émissions de gaz à effets de serre augmentent le plus rapidement (en Europe, et plus particulièrement en France étant donné la part relativement faible de la production d'énergie dans les émissions) et où les changements sont les plus difficiles à mettre en oeuvre.

Ainsi, les efforts engagés par l'industrie automobile pour réduire les émissions moyennes de CO2 générées par les voitures particulières neuves à 140 grammes/kilomètre d'ici à 2008/2009 ont été plus que compensés par l'augmentation des volumes de trafic et le nombre croissant de véhicules plus grands, plus lourds et plus puissants. (AEE 2005 : 221)

Cette difficulté a gérer la croissance du trafic est propre aux pays de l'OCDE en général: «Il ressort de la première série de communications nationales soumises au titre de la CCCC, que c'est le secteur des transports qui pose l'un des problèmes les plus ardus aux gouvernements qui étudient des politiques en vue de réduire les émissions de GES au plan national. » (OCDE 1997: 159)

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault