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Evolution des politiques environnementales françaises sur quarante ans

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par Valérie Lacroix
Université Libre de Bruxelles - Institut de Gestion de l'Environnement et d'Aménagement du Territoire - Master en Sciences et Gestion de l'Environnement 2008
  

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1.1.2. Thématiques en mutation

1.1.2.1. Croissance démographique: une thématique en décroissance

Il est essentiel de replacer l'enjeu que représente la croissance démographique dans les contextes respectifs de chaque époque. En quarante ans, la diminution de la fécondité et l'augmentation de l'espérance de vie ont entraîné une baisse du taux de croissance ainsi que des changements dans la structure d'âge de la population. La France, comme la plupart des pays industrialisés, est ainsi passée du baby-boom au papy-boom.

Dans Avant que nature ne meure, le biologiste Jean Dorst estime que «le problème de la surpopulation est le plus angoissant de tous ceux auxquels nous avons à faire face dans les temps modernes ». (1964: 169) Ces préoccupations malthusiennes se retrouvent au niveau international, notamment dans La bombe P de l'entomologiste américain Paul R. Ehrlich (1968), et dans Halte à la croissance ? du Club de Rome (1972). Les prévisions alarmistes ne s'étant pas confirmées, les grandes organisations internationales s'accordent de nos jours pour nuancer les effets sur l'environnement de la croissance démographique et à souligner ceux de la consommation.

Au niveau gouvernemental, le rapport Pour une politique de l'environnement de 1970 pronostique également une évolution démographique qui dépasse largement le constat actuel (59 millions de Français en l'an 2000, en comparaison à la prévision de 65 à 75 millions). Le rapport souligne les répercussions de l'entassement (terme plus aménagiste) sur l'augmentation des impacts provenant des loisirs et du tourisme. (Cousin et Garnier 1970: 11-12) Le dernier rapport de l'Ifen sur l'Environnement en France aborde également conjointement les thèmes de la démographie et du tourisme mais sous un autre angle, à savoir celui du vieillissement de la population et «le double tropisme du rivage et du soleil » qui en résulte. (2006 : 28-29)

1.1.2.2. Changement climatique et nucléaire: des thématiques en valorisation

De nouveau, précisons le contexte en regard des émissions de CO2, lié à la particularité de la situation énergétique française. Suite essentiellement au développement massif de l'énergie nucléaire dans les années 80 (graphique 3), la France est parvenue à stabiliser ses émissions de C02 au niveau de 1985 (annexe n° 6 a).

Si Dorst aborde la question du changement climatique35, il ne la place pas parmi «les grands dangers qui menacent l'homme et la nature dans le monde moderne ». Notons au passage qu'il aborde également la question de la destruction de la couche d'ozone. Nous restituons un passage qui, sans le nommer, invoque le principe de précaution: «Nous n'avons aucune certitude scientifique à leur [les perturbations de l'atmosphère] sujet; mais nous n'avons pas le droit de courir ce risque avant d'avoir procédé à de méticuleuses vérifications précédent la mise en oeuvre de processus aussi potentiellement destructeurs.» (Dorst 1964: 352) Notons que le principe de précaution, de même que les autres grands principes (action préventive, pollueur-payeur, participation) ne sont réglementés qu'en 1995, au travers de la loi Barnier.

Le rapport Pour une politique de l'environnement n'évoque pas le changement climatique, mais nous avons par contre trouvé mention du sujet dans l'Evaluation de l'environnement; rapport provisoire du Groupe interministériel d'évaluation de l'environnement (GIEE) de 1973. Il en ressort principalement des interrogations, notamment concernant les risques liés au greenhouse effect - le fait qu'effet de serre soit écrit en anglais dans le texte en dit long. A l'inverse de Dorst, le GIEE voit dans l'incertitude scientifique un laissez-passer à la poursuite du développement énergétique. De plus, on avance déjà l'argument de la substitution des combustibles fossiles par le nucléaire. En résulterait «une moindre croissance, voire une diminution absolue [(sic !)] des rejets de SOx, NOx, poussières, hydrocarbones...» Quant aux préoccupations face à la pollution radioactive, le GIEE avance les

35 Notons que la première théorisation sur le changement climatique date de 1896 ! Le chimiste suédois Svante A. Arrhenius publie l'article De l'influence de l'acide carbonique dans l'air ... Sur la température de la terre, dans lequel il estime qu'un doublement du taux de CO2 causerait un réchauffement d'environ 5° C. (Wikipédia)

progrès escomptés de la technologie nucléaire. (GIEE 1973: 250-25 1) On sent là les travers de la gestion interministérielle, quoique le soutien majoritaire de la population au nucléaire (armement et énergie) disculpe partiellement le GIEE.

Graphique 3

400,0

200,0

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1976 1981 1986 1991 1996 2001 2006 (p)

Evolution de la production d'électricité, France

production hydraulique (1) production thermique classique production thermique nucléaire

(1) Y

compris le pompage. Par convention, les productions éolienne et photovoltaïque sont ajoutées à la production hydraulique.

(p) Données provisoires.

Source des données : Insee, Tableaux de l'Économie Française - Édition 2007.

En effet, «le nucléaire est mis en avant depuis de nombreuses années, notamment pour accroître l'indépendance énergétique du pays, pourtant dépourvu de ressources d'énergies fossiles. Ainsi, le taux d'indépendance énergétique de la France est passé de 26% en 1973 à 50% aujourd'hui, et sans le nucléaire, cette indépendance serait de 7%. » (EurActiv 07/02/08) Alors que vers la fin des années 70, le mouvement écologiste se rassemble autour de la lutte antinucléaire, c'est véritablement après l'accident de Tchernobyl (1986) et l'occultation par les pouvoirs publics français des risques encourus au niveau national que l'opinion publique se crispe face à l'enjeu du nucléaire - au-delà de contestations localisées de type NIMBY (centrales et déchets). EDF change alors de stratégie et entame une communication plus transparente qui apaise les esprits et réamorce un soutien majoritaire pour le nucléaire au début des années 90. (Bess 2003: 107-109) Les pouvoirs publics mettent alors à profit les négociations autour de la CCNUCC pour positiver l'image de l'énergie nucléaire. D'un mal nécessaire, le nucléaire devient un allié de la lutte contre le changement climatique36, voir même de la croissance. «Non seulement le nucléaire est déclaré propre mais il permet d'économiser, voire de revendre des droits à polluer. L'enjeu, au travers de ce verdissement, est de faire du nucléaire un élément banalisé de la politique énergétique. Peut-être même un peu plus: le nucléaire étant déclaré non polluant au regard des GES, il a toute sa place dans le cadre du développement durable.» (Rymarski 2003) Le nucléaire devient également un alibi pour maintenir la part d'énergie nucléaire produite et accessoirement réduire les dépenses en matière d'énergie renouvelable. Ainsi, dans le cadre de la présidence de l'UE de juillet à décembre 2008, le gouvernement français se mobilise pour que les objectifs assignés à chaque Etat membre en matière d'énergie renouvelable intègrent le bilan non carboné. Or le bilan de la France est particulièrement bon en raison de l'origine de la production d'énergie nucléaire. (Représentation Permanente de la France auprès de l'UE, 05/02/08) Par contre, en matière de politique environnementale nationale, le Grenelle néglige magistralement le thème du nucléaire, sur lequel Sarkozy n'a aucune intention de négocier.

36 «De plus, les projets de surgénérateurs se sont développés sur la base de leur capacité supposée à réutiliser le plutonium, sous-produit des centrales classiques. (...) L'impasse est faite tant sur les activités plus discrètes, mais continues, du nucléaire militaire que sur les risques qui demeurent non maîtrisés [la sécurité et les déchets]. » (Lascoumes 1994 : 304)

Le lien entre transports et émissions de CO2 est en revanche moins volontiers souligné. Il ne l'est pas dans le rapport du GIEE de 1973, et il ne l'est toujours pas dans l'Etat de l'environnement de 1990. Ainsi, le tableau sur les «effets des principaux modes de transports sur l'environnement» ne mentionne nullement les émissions des CO2 ou le changement climatique. Si deux pages sont pourtant consacrées au réchauffement de l'atmosphère, les réponses nécessaires au niveau sectoriel ne sont pas incorporées. (ME 1991 : 47, 162-163)

Au niveau des émissions de CO2, cette différence de politique sectorielle conduit à une multiplication par 5 de la part de responsabilité des transports routiers entre 1960 et 2005, tandis que la part du secteur de la transformation d'énergie diminue de 22 à 13 % (voir annexe n° 6 b).

De manière générale, Knoepfel note la quasi-absence de politique publique pour réduire les sources mobiles d'émissions dans l'air, à contrario des sources fixes. (1998: 167) Dix ans plus tard, le Grenelle prétend verdir les transports (voir infra) pour répondre au défi climatique qui est placé au premier plan des préoccupations environnementales. Nous verrons que cette évolution fait également partie d'une mutation globale de la perception des pressions et des réponses.

En conclusion à l'évolution de la thématique du changement climatique, nous rapportons la remarque de Lascoumes: «Ce qui apparaissait comme l'utopie catastrophiste de quelques écologistes à la fin des années 1960 s'est ainsi transformée dans un temps record (moins de trente ans) en une menace de mieux en mieux objectivisée et qui suscite une mobilisation internationale sans précédent. » (2007 : 48)

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