Les conséquences de la pauvreté rurale en
Haïti étant les mêmes que celles déjà
constatées pour l'Amérique Latine et les Caraïbes à
un degré prêt32(*), il
serait superflu de les répéter. Cependant, il s'avère
nécessaire de présenter un ensemble de mesures adoptées
par les paysans les plus pauvres, dans l'urgence, lesquelles mesures qui
aggravent leur dénuement et leur pauvreté sur long
terme :
o interruption des
études des enfants : ces derniers sont les premiers
touchés par la pauvreté rurale: pas d'argent, pas
d'école ; le peu qu'il y a est utilisé pour la survie de
tous les jours. Ainsi, les enfants délaissent le système scolaire
avec une éducation, somme toute, déjà bâclée.
Plus tard, ils vont perpétuer la pauvreté de leurs parents.
o vente ou
hypothèque de biens pour migration sans succès : Nassau,
Etats-Unis, France, ..., pour ne citer que ceux-là constituent les
« eldorado » de prédilection des paysans pauvres du
pays dans leur recherche de vie meilleure. Ce phénomène est
surtout courant dans le Nord Ouest (Bahamas, Miami), le Nord, le Nord Est, le
Plateau Central et le Sud Est (Providence, Nassau, République
Dominicaine). Cependant, rien ne garantit qu'ils aillent réussir dans
leur entreprise ; dans la majorité des cas, ils perdent leur
argent, parfois même leur vie. Ceux qui ont de la chance de parvenir
à leur fin sont refoulés sur Haïti, plus pauvres
qu'auparavant.
o escompte ou
prêt à très court terme à des taux usuraires :
le « ponya » est pratiqué dans toutes les
régions du pays où ceux qui possèdent quelques sous les
prêtent aux plus démunis à des taux exorbitants. Il faut
dire que les paysans pauvres sont obligés d'entrer dans ce jeu macabre
du fait que, pour le système de crédit formel, ils ne sont point
éligibles, ne remplissant pas toutes les conditions requises. Ils auront
à payer à court terme presque deux (2) à trois (3) fois ce
qu'ils avaient emprunté, le plus souvent avec une somme une nouvelle
fois prêtée encore à des taux usuraires. Ils s'engouffrent
ainsi dans un dédale qui les enfonce de plus en plus dans la
pauvreté.
o investissement
dans des taudis sur des terres de l'Etat ou des terres
squattérisées et souvent perte sèche des
investissements : faute de moyens financiers pour se procurer un espace
pour se loger, les petits paysans, surtout depuis la chute de Jean-Claude
Duvalier en 1986, s'emparent de certains lopins de terre appartenant à
l'Etat et construisent des petites maisonnettes, des
« kounouk », construites avec des matériaux
disparates. Ce phénomène assez courant sur toute l'étendue
du territoire, occasionne souvent des heurts sur les terrains
squattérisés appartenant à des particuliers et la perte
des investissements consentis pour la construction. Les paysans pauvres peuvent
à la fois et leur vie et leur argent.
o hypothèque
d'équipements ou instruments de travail ou biens fonciers selon des
conditions en dessous de leurs valeurs : pour se procurer un peu d'argent,
les paysans pauvres font appel à la « plane », soit
l'hypothèque de quelques objets de valeur ou de leurs outils de travail.
Cette pratique, plus ou moins proche du « ponya », est
assez répandue dans le monde rural. Le plus souvent, les petits paysans
ne peuvent plus récupérer ces objets et les perdent pour des
modiques sommes prêtées par des individus dénués de
toutes scrupules.
o fabrication de
charbon après destruction d'arbres et même de fruitiers :
cette situation très répandue dans le temps dans le Nord Ouest,
le Nord Est, et une partie du Plateau Central, touche de nos jours la
quasi-totalité de la République d'Haïti ; ce qui
démontre l'expansion de la pauvreté rurale dans le pays. Ce
phénomène conduit cons à la déforestation totale du
pays33(*).
o vente sur pied de
récolte : nécessitant de l'argent frais dans
l'immédiat pour se tirer d'affaire, le petit paysan vend sa
récolte sur pied pour une modique somme perdant ainsi tout espoir de
soutirer un bénéfice de tout le mal qu'il s'était
donné au moment de la semence. Une semaine après, il va se
retrouver dans la même situation de manque et de besoin avec, toutefois,
aucun produit de troc ou de vente, sa misère et sa pauvreté
s'étant accentuées.
* 32 il faudrait cependant
ajouter dans le cas d'Haïti la vulnérabilité alimentaire
surtout dans le Nord Ouest
* 33 notez que Haïti
est couverte à seulement 2% de sa superficie
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