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Le droit de l'OMC dans le sillage du commerce des aéronefs civils

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par Simon TURMEL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master 2 Droit international 2006
  

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2.2.1.3.3 Les autres instances susceptibles de résoudre le conflit

Les arguments penchant en faveur ou contre le recours à l'ORD pour régler cette affaire ayant été exposés, il s'agit maintenant de voir quelles autres alternatives s'offraient pour les parties. Y a-t-il d'autres instances qui auraient eu une compétence rationae materiae pour résoudre ce litige? Théoriquement, nous identifions deux instances qui auraient pu être saisies de l'affaire. Dans un premier temps, il y a le Comité du commerce des aéronefs civils et dans un second temps, l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI).

2.2.1.3.3.1 Le Comité du commerce des aéronefs civils

Le Comité du commerce des aéronefs civils a été créé par l'article 8 de l'Accord de 1979. Il a été intégré dans la structure de l'OMC lors de la création de cette dernière. Essentiellement, le rôle du Comité est de gérer l'Accord de 1979 en en surveillant sa mise en oeuvre. L'article 8.7 prévoit également que le Comité doit servir de lieu de consultation pour les difficultés relative à la mise en oeuvre de l'Accord. C'est également devant le Comité que se tiennent les conciliations lorsqu'un différend survient321(*).

C'est sur la base de l'alinéa 1 et de l'alinéa 8 in fine322(*) de l'article 8 que le Comité aurait pu se voir conférer une compétence. Il semble, en effet, que les parties auraient pu s'entendre pour recourir aux services du Comité même si le litige ne porte pas, à la lecture des allégations des parties contenues dans les demandes de consultations, directement sur l'application de l'Accord de 1979. Il aurait été aisé pour les parties de référer à une disposition quelconque de cet accord et ainsi se prévaloir de la compétence du comité (notamment en référant à l'article 6.1 de l'Accord de 1979). Le comité aurait ainsi appliqué mutatis mutandis les dispositions du Mémorandum d'accord pour régler cette affaire conformément à l'article 8.8.

À notre connaissance, une telle compétence du comité n'a jamais été mise en oeuvre. Le principal avantage du recours à ce comité viendrait du fait que les membres possèdent une certaine connaissance du secteur des aéronefs civils et de ses spécificités.

2.2.1.3.3.2 L'OACI

Un auteur a suggéré que le Conseil de l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale puisse également être, à tout le moins techniquement, compétent pour régler le litige entre l'Union Européenne et les États-Unis sur la base de la Convention de Chicago de 1944323(*). Selon l'interprétation de l'auteur, le litige entre Boeing et Airbus est avant tout un litige entre deux gouvernements. Or, l'aviation et les activités gouvernementales relatives à l'aviation civile relèvent essentiellement de l'OACI, une agence spécialisée de l'ONU.

Ainsi, techniquement, un pays partie à la convention pourrait référer le litige au Conseil qui possède la compétence de régler les litiges entre parties contractantes relatifs à l'application de la Convention ou de ses annexes324(*). C'est précisément le Préambule de la convention325(*) qui permettrait au Conseil d'exercer cette compétence. Le préambule prévoit que les parties ont convenu que les services internationaux de transport aérien doivent être développés sur la base de l'égalité des chances et exploités d'une manière saine et économique. Or, l'octroi de subventions pourrait justement être considéré comme venant interférer avec ce principe d'égalité des chances et empêcher que les services internationaux de transport aérien soient exploités d'une manière saine et économique.

La Cour internationale de justice s'était déjà prononcée sur la possibilité pour le Conseil de connaître des textes autres que la Convention de Chicago326(*). Ainsi, sur cette base, on pourrait penser que le Conseil pourrait examiner le litige entre les CE et les États-Unis à la lumière des différents accords de l'OMC. Depuis la mise en oeuvre du Chapitre XVIII de la Convention, seulement trois litiges ont été soumis au conseil. Toutefois, dans aucun des cas, il ne s'agissait d'une dispute relative à l'application des règles du droit international économique.

Bien que le Conseil de l'OACI possède indubitablement une connaissance approfondie du milieu de l'aviation civile, il est fort discutable qu'il puisse être à même de régler avec succès un tel litige qui relève, d'abord et avant tout, du droit international économique. De plus, le Conseil est composé de représentants des états membres327(*) et non pas d'individus siégeant à titre personnel comme c'est le cas avec l'ORD. Il y aurait donc un risque accru de politiser l'affaire. Bien que techniquement il ait pu être envisageable de s'adresser au Conseil de l'OACI, cette solution semble donc peu satisfaisante eu égard à l'essence même du litige.

* 321 L'alinéa 8.1 de l'Accord de 1979 se lit :

«8.1 Il sera institué un comité du commerce des aéronefs civils (ci-après dénommé "le comité"), composé de représentants de tous les signataires. Le comité élira son président. Il se réunira selon qu'il sera nécessaire, mais au moins une fois l'an, pour donner aux signataires la possibilité de procéder à des consultations sur toute question concernant l'application du présent accord, y compris l'évolution de l'industrie aéronautique civile, pour déterminer s'il faut y apporter des amendements afin que les échanges restent libres et exempts de distorsions, pour examiner toute question à laquelle il n'aura pas été possible de trouver une solution satisfaisante au moyen de consultations bilatérales, ainsi que pour exercer les attributions qui pourront lui être conférées en vertu du présent accord ou par les signataires.»

L'alinéa 8.5 prévoit :

«8.5 Chaque signataire examinera avec compréhension les représentations adressées par tout autre signataire et se prêtera dans les moindres délais à des consultations au sujet de ces représentations, lorsque celles-ci porteront sur une question concernant l'application du présent accord.»

8.6 Les signataires reconnaissent qu'il est souhaitable de procéder à des consultations avec les autres signataires dans le cadre du comité, afin de rechercher une solution mutuellement acceptable avant l'ouverture d'une enquête visant à déterminer l'existence, le degré et l'effet de toute subvention prétendue. Dans les cas exceptionnels où, avant l'engagement d'une procédure interne de cette nature, aucune consultation n'aura eu lieu, les signataires notifieront immédiatement au comité l'engagement de cette procédure et entreprendront dans le même temps des consultations pour rechercher une solution mutuellement convenue qui écarterait la nécessité de recourir à des mesures compensatoires.

8.7 Tout signataire qui estimerait que ses intérêts commerciaux dans la construction, la réparation, l'entretien, la réfection, la modification ou la transformation d'aéronefs civils ont été, ou risquent d'être, lésés par une mesure prise par un autre signataire, pourra demander au comité d'examiner la question. A réception d'une telle demande, le comité se réunira dans les trente jours et examinera la question aussi rapidement que possible en vue d'arriver à une solution des problèmes dans les moindres délais possibles et, en particulier, avant qu'une solution définitive ait été apportée ailleurs à ces problèmes. A cet égard, le comité pourra rendre les décisions ou faire les recommandations qui seront appropriées. L'examen ne préjudiciera pas les droits que les signataires tiennent de l'Accord général ou d'instruments négociés multilatéralement sous les auspices du GATT, dans la mesure où ils s'appliquent au commerce des aéronefs civils. En vue d'aider à l'examen des problèmes qui se poseraient, dans le cadre de l'Accord général et des instruments susvisés, le comité pourra fournir l'assistance technique appropriée.

* 322 L'alinéa 8 de l'article 8 se lit :

8.8 Les signataires sont convenus que, en ce qui concerne tout différend portant sur un point relevant du présent accord mais non d'autres instruments négociés multilatéralement sous les auspices du GATT, les signataires et le comité appliqueront, mutatis mutandis, les dispositions des articles XXII et XXIII de l'Accord général et celles du Mémorandum d'accord concernant les notifications, les consultations, le règlement des différends et la surveillance, afin de rechercher un règlement de ce différend. Ces procédures s'appliqueront également en vue du règlement de tout différend portant sur un point relevant du présent accord et d'un autre instrument négocié multilatéralement sous les auspices du GATT, si les parties à ce différend en conviennent ainsi. (mise en gras ajoutée)

* 323 Ruwantissa ABEYRATNE, Op. Cit.

* 324 Article 54 : Fonctions obligatoires du Conseil :

Le Conseil doit : [...]

(n) examiner toute question relative à la Convention dont il est saisi par un État contractant.

* 325 «CONSIDÉRANT que le développement futur de l'aviation civile internationale peut grandement aider à créer et à préserver entre les nations et les peuples du monde l'amitié et la compréhension, alors que tout abus qui en serait fait peut devenir une menace pour la sécurité générale,

CONSIDÉRANT qu'il est désirable d'éviter toute mésentente entre les nations et les peuples et de promouvoir entre eux la coopération dont dépend la paix du monde,

EN CONSÉQUENCE, les Gouvernements soussignés étant convenus de certains principes et arrangements, afin que l'aviation civile internationale puisse se développer d'une manière sûre et ordonnée et que les services internationaux de transport aérien puissent être établis sur la base de l'égalité des chances et exploités d'une manière saine et économique,

Ont conclu la présente Convention à ces fins.»

* 326 Appel concernant la compétence du Conseil de l'OACI (Inde c. Pakistan), CIJ, 18 août 1972.

* 327 Article 50 de la Convention de Chicago.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery