5° Le transsexualisme
Le transsexualisme est une expression du choix de
l'identité d'une personne.
Dans l'affaire Christine Goodwin
précédemment citée, la requérante,
déclarée de sexe masculin à la naissance, a subi une
opération de conversion sexuelle. Elle se plaint de la
non-reconnaissance juridique de sa conversion sexuelle notamment,
« elle affirme en particulier que les dossiers du ministère
indiquent toujours son sexe masculin et se plaint également de n'avoir
pas pu bénéficier d'une pension de retraite de l'Etat à
l'âge de soixante ans, à l'instar des autres femmes33(*)».
Par la suite, la Cour européenne des droits de l'homme
jugé que « l'évolution récente ... fait de
l'identité sexuelle l'un des aspects les plus intimes de la vie
privée de l'individu. Il apparaît dès lors
disproportionné d'exiger d'une personne placée dans pareille
situation qu'elle prouve la nécessité médicale d'un
traitement, dût-il s'agir d'une intervention chirurgicale
irréversible34(*) ».
A ce sujet, la Cour a rappelé sa jurisprudence selon
laquelle « des éléments tels, par exemple,
l'identification sexuelle, le nom, l'orientation sexuelle et la vie sexuelle
relèvent de la sphère personnelle protégée par
l'article 8... Cette disposition protège également le droit au
développement personnel et le droit d'établir et entretenir des
rapports avec d'autres êtres humains et le monde
extérieur...35(*) ».
La Cour reconnaît actuellement « l'existence
d'une vie familiale entre une femme transsexuelle opérée,
assurant aux yeux de tous le rôle de partenaire masculin de sa conjointe,
laquelle avait donné naissance à un enfant par
insémination artificielle avec donneur36(*) ».
De tout ce qui précède, la vie privée et
familiale comporte un droit à l'autodétermination et la notion
d'autonomie personnelle reflète un principe important qui sous-tend son
interprétation. Elle est un droit de l'homme dont le respect doit
être assuré à toute personne indépendamment de sa
nationalité. Tout droit étranger qui méconnaît
toutes les composantes de ce droit fondamental doit être
sanctionné.
I. 2. 2. L'autonomie de la volonté et le principe de
l'égalité des sexes
a. Le contenu du principe de l'égalité
des sexes comme principe fondamental
Le principe de l'égalité des sexes est
consacré par plusieurs instruments internationaux tels la Charte des
Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme, le
pacte international relatif aux droits civils et politiques et celui relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels, la
convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes...
« L'égalité selon les mérites
représente une forme d'égalité prônée par la
philosophie libérale, ce qui pose la question du rapport entre la
liberté et l'égalité 37(*)». Cette philosophie interdit de créer
certaines différences juridiques consistant dans les atteintes aux
droits fondamentaux.
Se trouvant parmi les droits fondamentaux en droit
communautaire, « le principe d'égalité a pour fonction
de préserver l'individu du comportement arbitraire de l'autorité
publique ... l'égalité des sexes revêt le caractère
d'un droit fondamental ... l'individu ne peut renoncer à ce droit,
même si, au nom de l'exercice de la liberté individuelle, la
renonciation peut lui procurer un avantage 38(*)».
L'interdiction de la discrimination en raison du sexe suppose
que les hommes et les femmes jouissent dans des conditions
d'égalité de biens, de possibilités, de ressources et de
récompenses auxquels la société attache une valeur. Elle
implique que les hommes et les femmes aient des possibilités et des
chances égales dans les choix existentiels.
Cette interdiction traduit une idée de
« liberté sexuelle » qui s'est progressivement
affirmée à la fois comme une dimension fondamentale de
l'autonomie individuelle et une composante essentielle du droit au respect de
la vie privée. Et le domaine de la marge d'intervention de l'État
en cette matière se resserre de peur de ne pas limiter la libre
volonté des individus de sorte que l'on constate que des
législations et de la jurisprudence se résolvent difficilement
à lui appliquer pleinement le modèle libéral qui veut que
la liberté de chacun n'ait d'autres limites que la liberté
d'autrui et les exigences impérieuses de la vie en
société.
«L'interdiction des discriminations est un droit
subjectif de nature constitutionnelle qui, sauf quelques rares exceptions,
interdit que le sexe soit choisi comme critère permettant
d'opérer des classifications39(*) ».
«Le sexe n'étant plus un critère de
classification, l'apartheid entre les sexes comme entre les races est interdit
40(*) ».
L'égalité entre l'homme et la femme est
consacré comme un principe fondamental de droit de l'homme. Cette
obligation négative de non-discrimination comporte un champ
d'application général puisqu'il englobe l'ensemble des aspects de
la vie.
L'autonomie de la volonté peut traduire à ce
sujet un accès au mariage, à la dissolution du lien conjugal, le
choix de la vie sexuelle, la possibilité de conversion sexuelle...sans
discrimination fondée sur le sexe. Ainsi, toute réglementation
contraire au principe de l'égalité des sexes doit être
considérée comme contraire au droit de l'homme.
Ainsi, allons-nous voir l'application jurisprudentielle de
l'autonomie de la volonté exprimant un droit fondamental de
l'égalité des sexes.
b. L'expression de l'autonomie de la volonté
dans le principe de l'égalité des sexes
* 33 C.E.D.H., Christine
Goodwin c. Royaume-Uni, op. cit., sommaire, p. 47.
* 34 C.E.D.H., Van Kück
c. Allemagne, arrêt du 12 juin 2003, Recueil des arrêts et
décisions, 2003-VII, p. 57,
paragraphe 56.
* 35 Idem, paragraphe 69.
* 36 Daniel Borrillo ;
op. cit., p. 174.
* 37 Rémy
Hernu ; Principe d'égalité et principe de non-discrimination
dans la jurisprudence de la Cour de justice
des communautés européennes, LGDJ, Paris,
2003, p. 131.
* 38 Rémy
Hernu ; op. cit., p. 45.
* 39 Charles-Albert
Morand ; L'érosion jurisprudentielle du droit fondamental à
l'égalité entre hommes et femmes,
Séminaire de 3è cycle de droit en Valais
1986, Collection juridique romande, L'égalité entre hommes et
femmes ;
bilan et perspectives, Payot Lausanne, 1988, p.77.
* 40 Charles-Albert
Morand ; op. cit., p.78.
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