II. 4. 2. L'application du concubinage en droit
international privé
a. En Belgique
En droit international privé belge, l'article 60 du
Code de droit international privé belge relatif au droit applicable
à la relation de vie commune dispose que « la relation de vie
commune est régie par le droit de l'Etat sur le territoire duquel elle a
donné lieu à enregistrement pour la première fois
87(*)».
Au sens de l'article 58, «les termes
« relation de vie commune » visent une situation de vie
commune donnant lieu à enregistrement par une autorité publique
et ne créant pas entre les cohabitants de lien équivalent au
mariage 88(*)».
Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, il
est dit que «l'évolution du droit étranger autant que du
droit belge commande que le législateur se préoccupe aussi des
questions de droit international privé intéressant d'autres
formes de vie commune que le mariage. En droit comparé, ces relations
connaissent des modes d'organisation qui se laissent regrouper en deux
catégories, selon que le législateur leur attribue ou non un
effet sur l'état de la personne. Il y a donc lieu de couvrir non
seulement la cohabitation au sens visé par la loi belge, mais encore
d'autres relations, conclues entre personnes de sexes différents ou de
même sexe, organisées par un droit étranger, avec le cas
échéant un effet sur l'état de la personne. En se
contentant de designer le droit applicable, il reconnaît simplement un
titre à s'appliquer au droit du lieu de conclusion de la relation en ce
qui concerne les formalités à respecter, au droit national des
partenaires en ce concerne les autres conditions de validité de la
relation, et, pour les effets, pratiquement au droit de l'Etat de
l'intégration prépondérante actuelle des partenaires
89(*)».
La justification de l'amendement adopté n° 58 du
Gouvernement dit qu'il « convient de rappeler qu'en Belgique la loi
du 23 novembre 1998 sur la cohabitation légale ouvre le droit à
établir une cohabitation légale entre deux personnes ayant un
domicile commun, quelle que soit leur nationalité, pour autant qu'ils
aient la capacité de contracter 90(*) ».
Cela étant, le régime de la relation de vie
commune concernerait toutes les personnes qui satisfont aux conditions
énoncées à l'article 2 de la Loi instaurant la
cohabitation légale aux termes duquel les deux parties doivent ne pas
être liées par un mariage ou par une autre cohabitation
légale et être capables de contracter.
b. Exemples des pays scandinaves
Les pays scandinaves sauf la Finlande permettent à
deux personnes, quel que soit leur sexe, de faire enregistrer leur union. Ces
lois scandinaves sont presque similaires car elles posent le principe
général de l'identité de l'union enregistrée et du
mariage, tant en ce qui concerne les conditions que les effets. Chacune de ces
lois s'applique exclusivement aux couples dont au moins un membre réside
dans le pays et en possède la nationalité.
La loi danoise n° 372 du 7 juin 1989 sur le partenariat
enregistré, art 2, al. 2 modifié « énonce que le
partenariat peut être enregistré lorsque les deux partenaires ont
eu leur domicile au Danemark durant les deux années qui
précèdent la demande d'enregistrement 91(*) ».
En Norvège, selon la loi n° 40 du 30 avril 1993
sur le partenariat enregistré, art. 2, al.3 « un partenariat
ne peut être enregistré que si l'une des parties ou les deux
résident dans le Royaume et qu'au moins l'une d'elles possède la
nationalité norvégienne 92(*) ».
La Loi suédoise n° 1117 du 23 juin 1994 sur le
partenariat enregistré, chap. 1, art. 2, al. 1 « se montre
particulièrement libérale puisque l'enregistrement est
autorisé dès qu'un des partenaires a son domicile en Suède
depuis deux ans au moins 93(*) ».
Il ressort de ces éléments que le
critère de rattachement à la nationalité commune de
partenaires enregistrés ne joue qu'un rôle limité
étant entendu que toute autre personne, quelle que soit sa
nationalité, qui y réside est libre de conclure un partenariat
enregistré.
Autrement dit, il suffit, pour une personne qui veut conclure
un tel partenariat, de remplir les conditions fixées par ces lois pour
échapper à son droit national qui ne reconnaît pas le
partenariat enregistré.
c. Aux Pays-Bas
A la différence des lois scandinaves, la loi
néerlandaise ne comporte aucune condition de nationalité. Deux
étrangers peuvent également faire enregistrer leur union à
condition d'avoir un titre de séjour valable.
« Selon le droit néerlandais,
l'enregistrement est autorisé, sans condition de durée, pour les
citoyens d'un autre Etat de l'Union européenne disposant d'un permis de
séjour, et pour les ressortissants d'un Etat signataire de la convention
de l'Espace économique européen disposant d'un permis de
séjour valide.
En 1995, dans une affaire concernant un homme originaire de
Trinidad et Tobago, qui vivait depuis plusieurs années avec un
Hollandais aux Pays-Bas, le président du tribunal de première
instance de La Haye a estimé que « dans certaines
circonstances, des personnes de même sexe cohabitant devaient être
considérées comme des personnes mariées 94(*) ».
Dans cette affaire, cet homme s'était vu refuser un
permis de séjour au motif que son partenaire hollandais n'avait pas des
moyens suffisants alors que de telles ressources auraient été
considérées suffisantes pour l'obtention d'un permis de
séjour si le couple avait été marié.
Dès lors, le rattachement à la
nationalité commune des partenaires enregistrés est impuissant
à designer avec certitude une loi adaptée au rapport de droit. En
effet, « il n'existe pas pour le partenariat enregistré cette
communauté minimum des droits nationaux qui justifie le rattachement
à la nationalité commune en matière de mariage95(*) ».
Le critère de rattachement à la loi personnelle
en cas de conflit de lois est écarté pour permettre l'application
du droit désigné par les partenaires en concluant leur union
libre. En d'autres termes, en concluant un partenariat alors qu'il n'est pas
reconnu en droit national qui, en principe, régirait son statut, le
partenaire entend ainsi y échapper en exerçant son autonomie de
la volonté par le choix d'un droit étranger donnant accès
au partenariat.
Par ailleurs, le critère du domicile commun ou de la
résidence habituelle commune, Comme le critère de la
nationalité, conduisent souvent à une loi dont il peut être
douteux qu'elle soit toujours adaptée parce qu'elle ne connaît
pas d'institution équivalente au partenariat enregistré.
d. En France
Le statut du pacte civil de solidarité
s'applique à deux personnes qui s'engagent « à
vivre en commun quel que soit leur sexe. Le pacte s'appliquera aussi bien aux
Français qu'aux étrangers en situation régulière.
Il permettra l'accès au séjour pour un étranger
contractant en étant considéré comme un
élément d'appréciation des liens personnels avec la France
96(*)».
« Ainsi la loi française du 15 novembre 1999
(art. 515-1 et s., C. Civ.) doit-elle être appliquée, en cas de
résidence commune en France, quelle que soit la nationalité des
partenaires. Et en cas de résidence à l'étranger, si l'un
des partenaires au moins est de nationalité française (art.515-3,
al.8) 97(*)»
En définitive, le rattachement à la
nationalité commune et le rattachement au domicile commun ou à la
résidence habituelle n'apportent une réponse adéquate que
si les partenaires ont tous deux la nationalité ou le même
domicile ou la même résidence de l'autorité qui a
enregistré leur partenariat ou qui reconnaît une institution
équivalente.
L'autonomie de la volonté (optio juris) peut
servir de facteur de rattachement aussi longtemps qu'il exprime un principe
fondamental lié à la vie privée ou à
l'égalité des sexes. En effet, la formation du partenariat
enregistré ou de l'union libre repose exclusivement sur la
volonté des intéressés ; il faudrait admettre qu'ils
puissent également choisir la loi applicable à leur relation.
L'option de législation permettrait aux partenaires de choisir entre la
loi de leur nationalité commune et la loi de leur domicile ou
résidence habituelle commune pour régir la dissolution de leur
partenariat enregistré.
* 87 Jean-Yves Carlier,
Marc Fallon et Bernadette Martin-Bosly, Code de droit international, Bruylant,
Bruxelles, 2004,
Loi du 16 juillet 2004, p. 599.
* 88 Jean-Yves Carlier,
Marc Fallon et Bernadette Martin-Bosly, op. cit., p. 599.
* 89 Marc Fallon et Johan
Erauw ; op. cit., p.p. 68-69.
* 90 Marc Fallon et Johan
Erauw ; op. cit., p. 236.
* 91 Alain Devers ;
op. cit., p.190.
* 92 Alain Devers ;
op. cit., p.189.
* 93 Alain Devers ;
op. cit., p.191.
* 94 Daniel Borrillo ;
op. cit., p. 116..
* 95 Alain Devers ;
op. cit., p.191.
* 96 Daniel Borrillo ;
op. cit., p. 130.
* 97 Patrick Courbe ;
Droit international privé, 2ème éd., Armand
Colin, Paris, 2003, p.p. 208-209.
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