1.1.2. Le capitalisme historique chez Wallerstein
De même que pour Braudel, I. Wallerstein
développe dans ses analyses la dimension historique du capitalisme.
Néanmoins, Wallerstein porte son regard essentiellement sur la
superstructure qu'est le capitalisme représentant le troisième
niveau braudelien. Il a apporté un élément
supplémentaire a la lecture des processus de développement telle
que nous venons de le voir avec Braudel. Cet apport consiste a placer
l'exploitation et les relations conflictuelles de classes au c>ur de la vie
des populations.
Pour Wallerstein20, le capitalisme historique n'est
autre chose qu'une civilisation matérialiste basée sur
l'entassement de capital. Dans ce système, les résultats de
l'accumulation passée ne devenaient du capital que dans la mesure
oü ils étaient réutilisés en vue d'une accumulation
supplémentaire de richesse. La spécificité historique du
système social appelé Capitalisme réside dans le fait que
le capital a fini par y être utilisé (investi) d'une
manière bien particulière dans le but premier et
délibéré de son auto-expansion. De ce point de vue
matériel, non seulement ceux qui prenaient la tête de cette
compétition enregistraient des gains considérables, mais de
surcroIt les différences de revenus entre le sommet et la base se sont
révélées considérables.
Dans son analyse, Wallerstein distingue le capitalisme de
l'économie de l'échange comme chez Braudel. Le capitalisme se
distingue de l'économie de l'échange par des rapports humains,
économiques et sociaux dominés par des conflits des espaces et
des temps différents. Il analyse le capitalisme sous différents
angles a savoir l'angle socio-historique, l'angle politique et l'angle
économique.
Pour montrer l'importance de l'espace couvert par le
capitalisme historique, Wallerstein a utilisé deux concepts que l'on
retrouve aussi dans les analyses de Braudel: Economie-monde et
système-monde. Il fonde son analyse par l'argumentation selon laquelle
le take-off est une théorie fondée a partir d'un modèle
abstrait d'une unité (Angleterre) que l'on applique a un grand ensemble.
Toutes les autres unités sont comparées par rapport a cette
unité type. A partir de ce modèle, on déduit des
étapes a franchir par le reste de l'ensemble. Pour Wallerstein, le fait
de rallier la communauté a une unité-type, c'est construire une
pseudo-totalité. Pourtant, pour faire l'analyse du développement,
il faut faire l'analyse de l'ensemble et dans plusieurs dimensions de la
société.
Wallerstein met en évidence la protestation des
mouvements collectifs des masses populaires dans la lutte pour le changement
social. Il utilise pour cela le concept de mouvement anti-systémique. Il
le précise assez bien, "le terme de mouvement implique l'existence d'une
poussée collective allant au-delà d'une agitation
momentanée"21. Dans la vision braudelienne certes, ces masses
populaires sont silencieuses alors que chez Wallerstein, elles ont sur le long
terme, la capacité d'être actives. Ce sont donc des acteurs a part
entière.
La vision de développement développée par
Wallerstein s'inspire de celle de Braudel. Analyser les processus de
développement signifie pour Wallerstein porter un regard sur l'histoire
et d'en extraire les éléments précurseurs des pratiques
capitalistes ainsi que des acteurs qui les pilotent.
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