Conclusion
Ce chapitre a été consacré a la lecture
des aspects structurants et destructurants du capitalisme industriel dans les
processus de développement du Katanga depuis l'Etat indépendant
du Congo. Les analyses de ce chapitre nous ont conduit a dégager a
chacune des sous-périodes les aspects caractéristiques des
processus historiques de développement du Congo en général
et du Katanga en particulier. Cela nous permet de tirer la présente
conclusion.
L'accumulation primitive du système Léopoldien
constitue le point de départ de la production capitaliste au Katanga. La
politique de monopole d'Etat institué par l'administration de l'Etat
indépendant avait pour but de mettre en place une infrastructure
susceptible d'attirer au Congo en général et au Katanga en
particulier, le capital financier et industriel étranger. La contrainte
publique a déstructuré puis restructuré les modes
pré-coloniaux d'organisation économique, sociale et politique de
la société katangaise. Elle a joué un rôle
déterminant dans l'établissement des rapports économiques
et sociaux entre une minorité représentant le capital
étranger et une masse de la force de travail africaine. Cela est
perceptible a travers les enjeux des conflits d'acteurs qui s'y sont
manifestés, on l'a vu.
Durant la période du Congo-belge, l'Etat colonial a
poursuivi la politique de l'Etat indépendant qu'il a
aménagée dans une nouvelle configuration et avec de nouveaux
rapports avec le système dominé et dans l'intérieur du
système dominant. L'articulation du système international avec
les logiques d'acteurs dominants du système colonial nous a permis de
comprendre comment le secteur agraire est subordonné durant cette
période aux impératifs du secteur minier.
Après l'indépendance, la
désintégration de l'Etat et la fragmentation structurelle qui
s'en découle vont entraIner une <<gouvernance>>
fondée sur la redistribution clientéliste entre les hommes
proches du pouvoir au détriment de l'intérêt
général. Par conséquent, des inégalités a
l'intérieur d'un revenu national qui se contracte s'accroissent. La
nouvelle république indépendante a été
caractérisée par un contrôle étatique
renforcé sur le surplus économique tiré des exportations
du cuivre. Ce système a induit une très forte concentration du
revenu aux mains d'une minorité dominante. Au détriment des
producteurs ruraux et des travailleurs urbains, le régime a
institutionnellement favorisé la redistribution du revenu en faveur des
cercles proches du pouvoir qui maintiennent le consensus des différentes
fractions de la petite bourgeoisie bureaucratique et commercante.
Nous avons essayé de montrer a travers cette analyse
que le capitalisme industriel, qui est a la base de la concentration urbaine
dans la province du Katanga a été, par ses contradictions
relatives aux modes d'exploitation de la masse populaire incapable de
répondre de manière
durable, aux aspirations de la forteresse ouvrière
qu'il a lui-même générée. Face a l'échec de
la théorie de la modernisation basée sur l'accumulation, les
populations ouvrières ont toujours résisté sous forme des
mouvements ouvriers au sens de Wallerstein104 ou sous forme des
stratégies de contournement de la crise. Pourtant, ces ouvriers n'ont
pas demandé mieux que de voir leurs conditions de travail et de vie
s'améliorer, afin d'intérioriser l'esprit du capitalisme qui
"fournit ainsi a la fois une justification du capitalisme et un point d'appui
critique permettant de dénoncer l'écart entre les formes
concrètes d'accumulation et les conceptions normatives de l'ordre
social.,,105
L'enjeu du développement tel qu'il apparaIt dans la
lecture de ces processus en longue période et a la lumière des
analyses de Braudel, Wallerstein et Polanyi, c'est l'accumulation qui s'est
opérée au Katanga dans la logique que l'administration de l'Etat
indépendant, l'Etat colonial, Etat congolais/zaIrois, le capital
étranger et le capital autochtone subordonnent les masses populaires
rurales et urbaines en essayant de les marginaliser, soit la plupart du temps
en essayant de les soumettre ou de les utiliser avec l'appui des acteurs
intermédiaires (l'autorité coutumière et les gestionnaires
des entreprises). La saisie de l'interaction de ces déterminismes
structurels tant sur le plan des décisions politiques du pouvoir d'Etat
que sur celui des rapports économiques et sociaux qui s'en
découlent nous a permis de cerner ces processus de développement
de la société katangaise.
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