1. Les problèmes de la main-d'Nuvre pour les
mines
La mise en valeur des contrées désertes du sud
Katanga buta a une discordance marquée entre la géographie
humaine et la géographie économique73. Cette situation
présente une dichotomie entre les zones de peuplement et les zones
minières qui dans la première phase de leur développement
requéraient une main-d'>uvre abondante. Lorsque nous comparons la
densité de la population du Katanga a celle de l'ensemble du Congo, nous
constatons qu'elle est en dessous de la moyenne. Faible au début de
l'industrialisation, cette densité s'est améliorée avec
l'urbanisation et la migration. Le tableau suivant présente
l'évolution de cette densité katangaise.
Tableau no 1. DEN SITE DE LA POPULATION KATANGAISE
|
Densité (hab/km2)
|
Katanga
|
Congo
|
1938
|
2,08
|
4,37
|
1948
|
2,5
|
4,65
|
1958
|
3,33
|
5,78
|
1970
|
5,05
|
9
|
1984
|
7,79
|
12,7
|
Source: données tirées de Donatien DIBWE
dia MWEMBU, Histoire des conditions de vie des travailleurs de l 'Union
Minière du Haut Katanga/Gécamines (1910-1999), op. cit., p.
12.
Devant un tel arbitrage entre les besoins de la
main-d'>uvre pour les grosses sociétés et le sous-peuplement
des contrées minières, le pouvoir de l'Etat est alors
décisif pour organiser la migration du surplus de travail potentiel dans
ces zones et aussi pour organiser le transfert de surplus agricole vers ces
régions afin d'y assurer la subsistance de la force de travail. En
même temps l'édification du réseau d'exportation devait
être envisagée pour désenclaver les mines du Katanga. La
meilleure opportunité a cet effet, c'est la voie par la Rhodésie
eu égard a l'éloignement de la province vis-à-vis des
sorties d'océans. Cela nécessitait une offre accrue de la
main-d'>uvre tant pour les mines que pour les infrastructures de
transport.
73 La province du Katanga est la moins peuplée du
Congo: la densité de la population y est faible non seulement dans la
région minière, mais dans toute la province. Cf. Fernand BEZY,
Problèmes structurels de l'économie congolaise, I.R.E.S., Vol. I,
Université Lovanium, Ed. Nauwelaerts, Louvain/Paris, 1957, p. 30.
Pour les premières mines et les premiers chemins de fer
au Katanga, on importa les salariés de la Rhodésie74.
Par la suite, le Comité Spécial du Katanga puis l'U.M.H.K.
recrutèrent leur main-d'ceuvre au Katanga et dans d'autres provinces du
Congo, et aussi dans les colonies belges de Rwanda-Urundi75. De 1925
a 1930, les missions de recrutements ont fourni a l'Union Minière du
Haut-Katanga, 18.800 recrues. Les régions de Kasal-Lomami viennent en
tête avec 53,7 % et le Kivu-Maniema, en dernier avec 5,9 %. Cette
configuration professionnelle prédispose déjà les kasalens
a une emprise communautaire dominante tant a l'Union Minière du
Haut-Katanga que dans les villes katangaises, particulièrement dans les
villes minières. C'est ce qui constituera l'arrière-fond des
affrontements identitaires entre katangais et kasalens dans les années
199076.
Vers 1925, l'U.M.H.K., aux prises avec des difficultés
croissantes de recrutement pratiqua une politique de stabilisation de la
main-d'ceuvre qui la détacha définitivement de son milieu
d'origine comparativement a l'ancien système de travail migrant. Elle
prit en outre l'initiative de s'orienter vers une technique de production
épargnant la main-d'ceuvre vu le risque et les coüts croissants du
recrutement d'une main-d'ceuvre instable dont les taux de rotation, de
morbidité et de mortalité étaient très
élevés. A partir de 1927, les contrats de travail sont
portés de un an a trois ans et la politique a consisté a recruter
les ouvriers mariés. Dès cette période, les barèmes
commencent désormais a tenir compte de la qualification du travailleur
et de son ancienneté.
74 Le gouvernement rhodésien autorisait les
recrutements des travailleurs pour l'Union minière, mais soucieux de ne
pas perdre ses ressortissants, il fixait a six mois la durée maximum des
engagements, et n'autorisait a la fin de ce premier terme de six mois qu'un
seul réengagement de même durée. Cf. Etienne TOUSSAINT, Le
personnel congolais, in Union Minière du Haut-Katanga 1906-1956.
Evolutions des techniques et des activités sociales, Ed. L. CUYPERS,
Bruxelles, 1957, p. 217.
75 Le recrutement de la main-d'ceuvre a fait l'objet de
plusieurs écrits. Voir a ce sujet Leopold MOTTOULLE, "Contribution a
l'histoire de recrutement", in Bulletin du CEPSI, n° 74, 1950; Jules
MARCHAL, Travail forcé pour le Cuivre et pour l'or. L 'Histoire du Congo
1910-1945, Tome 1, éd. Paula Bellings, Borgloon (Belgique), 1999;
Charles PERRINGS, Black Mineworkers In Central Africa, 1911-1941, New York,
Africana Publishing Co., 1979.
76 Plutôt que de justifier cet état des choses
par une supériorité des kasaiens sur les katangais lors des
recrutements comme l'a voulu le montrer J.-M. Kankonde, nous pensons pour notre
part que c'est la docilité du kasaien envers les colonisateurs qui lui a
valu cette admiration. D'ailleurs, ne se contredit-il pas lorsqu'il
démontre l'origine de Luba-Kasai a la région de Lomami ? Les
Luba-Katanga et les LubaKasaI sont issus de la même origine. Voir
Jean-Marie KANKONDE LUTEKE, Massacres et déportation des kasalens au
Katanga. Chronique d 'une épuration ethnique programmée, Ed.
Pistes africaines, Saint-Gery (Belgique), 1997.
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