2.2. LE KATANGA DANS LA PERIODE COLONIALE 1910-1960
Le système Léopoldien, écrit Merlier,
entravait le développement de la colonisation. La nouvelle
administration eut pour tâche d'orienter définitivement le Congo
dans la voie du capitalisme69. C 'est dans cette perspective qu'il
faut lire la législation élaborée a partir de 1910 telle
que le rétablissement de la liberté commerciale, l'organisation
de la vente et de la location des terres. Cela entraInait l'abolition juridique
du travail forcé sauf pour les travaux proclamés d'
<<utilité publique>> et la substitution de l'impôt en
argent a l'impôt en nature70. Dès lors, l'impulsion de
l'économie coloniale par l'impôt en argent débuta et
coexista avec le travail forcé.
Cette reconfiguration de l'administration coloniale a partir
de 1910 constituait d'une part une révision de l'action de l'Etat a
l'égard du capital financier et, d'autre part, une ouverture de la base
productive de la colonie. Par cet effet, on assista a une prolifération
de petits et moyens commercants étrangers disposant de très peu
de capital et une apparition d'un grand nombre d'intermédiaires et des
commercants itinérants congolais. La hausse des prix d'achats des
marchandises et, par voie de conséquence, la hausse des salaires qui
s'en découlèrent n'épargnèrent pas la
rentabilité des investissements du capital financier. L'administration
coloniale s'est vue contrainte de prendre diverses mesures aboutissant a
mobiliser le surplus agricole par voie autoritaire et a des prix très
médiocres, non pas pour étouffer ces intermédiaires - car
l'administration comptait sur cet élargissement de l'assiette fiscale -
mais puisqu'elle était confrontée a l'accroissement de la demande
alimentaire des troupes en guerre, et de la maind'>uvre pour les nouvelles
mines créées. Ces mesures sont généralisées
dans d'autres provinces a partirde 1917.
Par la suite, l'administration coloniale intervint de
multiples manières pour légiférer l'organisation
économique qui commencait a prendre de l'ampleur et qui portait en
germes de fulgurants conflits d'acteurs entre dominants et
dominés71.
2.2.1. Le Katanga minier avant la grande crise
1910-1930
L'association de l'Etat colonial avec le capital financier
dans une forme particulière de partenariat comme nous venons de le voir,
préfigura a partir de la création de l'Union Minière du
Haut-Katanga, le processus de développement qui devait être
amorcé dans la province du Katanga.
Bien que l'Etat colonial ait marqué un tournant radical
par rapport au système Léopoldien, l'ère de la
libéralisation des modes de mobilisation des ressources dans le contexte
de la législation des années 1910 ne profite que
théoriquement aux zones concédées a la plupart des
compagnies. Par contre, note Merlier, la nouvelle administration attacha plus
d'importance a l'expropriation méthodique des paysans, ouvrant la voie
au développement agricole et surtout minier par la formation d'un
prolétariat abondant72. C'est dans cet esprit qu'il faut
comprendre la tentative de colonisation agricole au Katanga par des colons
métropolitains qui espéraient s'assurer le marché vivrier
des mines et centres urbains au début des années 1910. De l'avis
de J.-Ph. Peemans, pendant une brève période au Katanga, les
conditions furent ainsi réunies pour l'amorce d'un processus capitaliste
basé sur la petite production, qui aurait pu a la longue donner
naissance a une petite bourgeoisie africaine, rurale et commercante.
Cependant, des accords passés entre les trusts miniers
et les trusts agricoles a partir de 1910 apropos de l'expropriation de la force
de travail, on réserva désormais la main-d'>uvre aux mines
pour satisfaire les besoins accrus des grosses sociétés
minières. Ce transfert de la force de travail du secteur agraire au
secteur industriel étouffa l'agriculture et transféra les
populations congolaises de la cueillette dans les chantiers.
71 Cette législation concernait par exemple les prix
minima et maxima (Décret du 7 aoüt 1918), la limitation du petit
commerce et du colonat (Sénat, Documents parlementaires n° 85,
1933-34), l'encouragement aux bourses du travail pour favoriser les ententes
entre employeurs afin de contrôler les salaires (Bourse du Travail de
Kasal, Règlement général, Bruxelles, 1921 ; Bourse de
Travail du Katanga, Règlement général, Bruxelles, 1920).
Cf. Jean-Philippe PEEMANS, Le role de l'Etat dans la formation du capital au
Congo pendant la période coloniale, op. cit., p. 57.
72 Merlier explique ce fait par la résistance des
sociétés a de telles mesures, par les circonstances de
l'époque et surtout par les nécessités de la colonisation.
Voir M. MERLIER, op. cit., p. 37, dans le chapitre qui analyse l'échec
du premier système colonial.
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