CHAPITRE II
LA BONNE FOI DANS L'EXECUTION ET LA
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RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
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CHAPITRE II : La bonne foi dans l'exécution et
la rupture du contrat de travail
Le contrat de travail, contrat synallagmatique met à la
charge des parties des obligations réciproques. A ce titre il est comme
tous les contrats de droit commun, il génère des obligations
auxquelles les parties sont tenues. Dans cette flopée d'obligations,
certaines, « essentielles105 » sont qualifiées de
caractéristiques106 ou encore
d'irréductibles, car c'est à travers elles que l'espèce
contractuelle est identifiable. De ce fait, dès la conclusion du contrat
de travail, le salarié et l'employeur sont à la fois
créanciers et débiteurs des engagements qu'ils ont pris à
travers le contrat. De plus, du fait de la seule qualification de contrat de
travail alors qu'aucun engagement n'est souscrit, le salarié a
l'obligation de fournir une prestation de travail et l'employeur celle de lui
confier des tâches et de payer le salaire.
Pendant près d'un siècle faute
d'interventionnisme législatif, le contrat de louage de service a
constitué la source exclusive et la seule mesure des obligations
assumées par l'employeur et déterminées donc par lui seul.
Aujourd'hui l'évolution du droit du travail au cours du 1
9ème siècle, a permis de faire mieux apparaître
la force obligatoire du contrat de travail vis à vis de l'employeur.
Celle-ci s'attache à chacune des obligations contractuelles mais aussi
au contrat pris dans son ensemble, en ce qu'il doit être
exécuté de bonne foi. Si l'article L 120-4 du Code du travail
précise que « Le contrat de travail est exécuté de
bonne foi » sans précision sur la charge de la preuve, les
juridictions du travail n'ont pas attendu la loi sur la modernisation sociale
pour s'emparer de la notion de bonne foi. Par ailleurs si la cour de cassation
demeure très attachée au principe de la liberté
contractuelle, il n'en demeure pas moins qu'elle cherche dans le contrat lui
même par voie d'interprétation la nature et la portée des
engagements des parties. Le standard de la bonne foi permet de justifier des
obligations que la volonté des parties ne permet pas a priori de
déceler. Le contrat de travail étant également un contrat
à exécution successive, des règles spécifiques du
droit du travail tendent à assurer la permanence du contrat en
dépit des aléas ou évènements qui viennent
affecter, voire perturber son exécution. Au demeurant si le principe est
que le contrat de travail est conclu sans détermination de
durée107 c'est sous réserve de la
prohibition par la loi des engagements perpétuels mais aussi de la place
qui est
105 Soc. 28 novembre 2001, n° 99-45.423, soc. 15 octobre
2002, n°00-44.970
106 M. Julien thèse préc. n°38
107 Art. L122-4 ; L122-1 et L121-4 ; du Code du travail
faite aux contrats à durée
déterminée. Ainsi de l'exécution du contrat de travail
jusqu'à sa rupture, il semble qu'on puisse rattacher au standard de la
bonne foi des devoirs plus ou moins actifs. De plus tout au long de la vie du
contrat la bonne foi statique et celle dite
dynamique'°8 se conjuguent afin de permettre
au juge saisi d'assurer un équilibre contractuel. Afin qu'une partie ne
puisse s'enfermer dans la lettre du contrat pour en éluder
l'esprit'°9, ce standard a permis au juge de
dégager une série d'exigences, de comportements et d'obligations
implicites à la charge des salariés comme des employeurs. Ainsi
la bonne foi, même si elle n'est pas décisive dans
l'exécution de la prestation de travail, permet en tout cas
d'appréhender le comportement du salarié en dehors de cette
exécution et entraîne dès lors entraîne un
surcroît de sujétion pour le salarié (section I). De
même l'employeur titulaire d'un pouvoir de direction, de contrôle
et de gestion n'est pas en reste, car le standard de la bonne foi a permis au
législateur et au juge de limiter du moins d'encadrer l'exercice de ses
pouvoirs (section II) au point qu'on parle d'un « processus de bi
latéralisation de la bonne foi''° ».
SECTION I : La bonne foi, surcroît de sujétion
pour le salarié
Tout travailleur, partie à un contrat de travail,
quelles que soient les prévisions contractuelles, a pour obligation
principale de fournir une prestation de travail pour le compte d'un employeur
sous la subordination duquel il se place. Pour de nombreux auteurs, le lien
juridique de subordination''' donne la mesure des obligations du
salarié. Le salarié est en effet subordonné à
l'employeur dans l'exécution de sa tâche. Ce dernier peut donner
des ordres et directives au salarié, il peut décider du
changement de ses conditions de travail, sanctionner tout manquement du
salarié dans le cadre de l'exécution de sa tâche. Compte
tenu des pouvoirs très étendus''2 que
l'ordre juridique reconnaît à
l'employeur''3, est-il besoin de mobiliser la bonne
foi ou encore la loyauté pour justifier d'éventuelles sanctions
à l'encontre du salarié pour l'exécution stricto sensu de
sa prestation de travail ? Il semble que la chambre sociale de la cour de
cassation sanctionne avant tout une inexécution fautive
indépendamment de toute référence à la bonne
foi.
108 Ph. Le Tourneau préc. N° 32 à 36
109 J. Carbonnier, Droit Civil, Tome IV, Les obligations,
n°1 13
110 C. Vigneau préc.
111 Voir Note sur Soc. 19 décembre 2000 Dr. Soc. 2001,
p.227
112 J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, préc.
n°877
113 A. Jeammaud, « Les droits du travail en changement.
Essai de mesure », Dr. soc. 1998, p. 212
Au surplus, la subordination du salarié suffit à
imposer une certaine diligence dans l'exécution de la prestation de
travail114. De la sorte, si l'utilité et la
pertinence de la bonne foi nous paraissent loin d'être
avérées dans le régime juridique de la prestation de
travail du salarié, toute autre est sa portée quand il s'agit
d'appréhender une série de comportements en dehors de celle-ci.
(B)
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