B. De l'obligation de bonne foi du salarié
Le candidat à l'embauche doit se comporter en homme
honnête et consciencieux. Il est assujetti à une obligation de
loyauté dès lors que l'employeur l'interroge sur ses
capacités et aptitudes professionnelles81.
En effet, la loi du 31 décembre 1992 soucieux d'éclairer
l'employeur dans ses choix, précise que le candidat à un emploi
est tenu de répondre de bonne foi aux questions posées dès
lors qu'elles satisfont aux conditions légales de pertinence et de
finalité .Il faut souligner que la bonne foi se décline
différemment selon qu'il convient de considérer les obligations
mises à la charge de l'employeur ou du candidat lors de l'embauche. Le
candidat à un emploi a le « droit de ne pas révéler
sur le questionnaire d'embauche son état de
prêtre»82. Cette forme de dissimulation
quant aux réponses, a été perçue par certains
auteurs comme la consécration d'un « droit général de
non révélation » voire « un droit au
mensonge83 ». Si cette prétendue
consécration est somme toute à relativiser, la chambre sociale de
la cour de cassation avec une interprétation restrictive des obligations
qui pèsent sur un candidat à l'embauche. Elle confirme en tous
cas le fait que l'obligation de répondre de bonne foi qui incombe au
candidat à un emploi n'a pas une portée absolue .Ainsi lors de
l'embauche le salarié n'a pas l'obligation de faire mention de ses
antécédents judiciaires la dissimulation d'une condamnation
pénale n'a pas un caractère dolosif et le licenciement du
salarié pour ce fait est dépourvu de cause réelle et
sérieuse84. La bonne foi signifie en effet
« qu'il réponde dans des conditions qui ne lui permettent pas de
donner sur ses capacités professionnelles ou son expérience
passée des informations manifestement exagérées au regard
de ses capacités réelles85 ». En
l'espèce, une candidate a
80 A. Jeammaud, A. Lyon-Caen, « Le « nouveau Code du
travail », une réussite ? », RDT juin 2007,p. 358
81 Art. L 121-6 alinéa 2 « Ces informations
doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi
proposé ou avec l'évaluation des aptitudes professionnelles. Le
candidat à un emploi ou le salarié est tenu d'y répondre
de bonne foi ».
82 Soc. 17 octobre 1973, JCP, 1974, éd. G, II ,17698
83 M. Hue « Le droit au mensonge du salarié »,
obs. sous Soc 30 mars 1999, CSPB 1999, A. 35
84 Soc. 25 avril1990, Bull. civ, V n°186
85 Soc. 16 février 1999, RJS4/1 999, n°468
été embauchée alors qu'elle avait
enjolivé son curriculum vitae et fait état d'une
expérience d'assistante de responsable de formation, alors qu'elle
n'avait en réalité suivi qu'un stage de quatre mois dans un
service de formation linguistique.
Pour la cour de cassation, la mention d'une expérience
professionnelle imprécise et susceptible d'une interprétation
erronée dans un curriculum vitae n'est pas constitutive d'une manoeuvre
frauduleuse et ne permet donc pas à un employeur d'obtenir en
application de l'article 1126 du Code civil la nullité du contrat de
travail pour dol. Il semble que le curriculum vitae ne soit pas une
réponse aux questions de l'employeur mais une indication
spontanée susceptible de provoquer une question. L'employeur doit
démontrer que le salarié a agi de façon frauduleuse et que
sans ses manoeuvres frauduleuses il n'aurait pas
contracté86. La cour de cassation, dans une
autre affaire, est allée plus loin en précisant que le
salarié peut ne pas révéler spontanément à
son employeur certains faits qui pourraient lui être défavorables
et seraient de nature à écarter sa candidature. « Il n'est
pas débiteur d'une obligation d'information mais au contraire a le droit
de se taire lorsque l'employeur ne prend pas l'initiative de se
renseigner87 ».Il faut toutefois noter que la
cour de cassation ne reconnaît au silence du candidat une certaine
légitimité que dans la mesure où « aucune question
précise ne lui a été posée à propos des
éléments litigieux ».
Quid du candidat qui tait la clause de non concurrence
à laquelle il est tenu ? Il semble que la cour de cassation
énonce clairement qu'il appartient au candidat, présumé
libre de tout engagement, de révéler l'existence d'une clause de
concurrence le liant à l'employeur précédent, l'omission
plaçant la conclusion du contrat sous le signe de la
déloyauté et constituerait une faute
grave88.Hors les cas de fraude manifeste,
curriculum vitae mensonger, faux certificats de travail portant la signature
contrefaite d'un précédent employeur, se prévaloir
faussement de diplômes afin d'obtenir un poste, la cour de Cassation a
une interprétation restrictive de l'article L.121-6 in fine du Code du
travail ce qui explique sans doute le rejet progressif du dol par
réticence sans pour autant qu'un droit général au mensonge
ne soit consacré. Au final, toutes les fois que l'employeur omettra de
se renseigner objectivement sur les candidats retenus, il ne pourra s'en
vouloir qu'à lui-même et ne pourra se fonder sur sa carence pour
rompre le contrat conclu. Dès lors, un auteur
89a pu se demander si
le droit à l'oubli pouvait poser les bases fiables d'un recrutement ?
86 Versailles, 19 septembre 1990, RJS 1/ 91, n°5
87 Soc .23 avril 1990 et 3 juillet 1990 D.1991 p. 507
88Soc. 3 janvier 1964 Bull. civ. V n°5
89 D. Corrignan-Carsin, « La loyauté en droit du
travail »,in mélanges offerts à H. Blaise, Paris ,Economica
,p ;131
|