B. De l'obligation d'information
Une relation conventionnelle implique inévitablement
que dès la phase précontractuelle, les parties soient loyales
l'une envers l'autre. Cette loyauté implique une clarification de la
portée des obligations respectives des parties. L'obligation
d'information doit permettre aux futurs contractants de mesurer la
portée et la nature de leur engagement65. Si
cette obligation s'avère plus exigeante vis-à-vis de
l'employeur66, c'est surtout qu'il s'agit de
prendre en considérations la situation du salarié dans son
rapport de droit avec l'employeur.
L'obligation d'information est au coeur du droit commun des
contrats, elle n'a de portée réelle que si la
spécificité du rapport contractuel est soulignée. Le juge
civiliste prend en considération l'ignorance du «
profane67 ». L'information doit offrir à ce dernier la
possibilité de s'engager dans une relation contractuelle en connaissance
de cause. Dans le rapport de travail, la démarche suivie par le juge
semble aller plus loin, donnant une extension concrète à la
loyauté contractuelle par le biais de l'obligation d'information, il
applique extensivement la politique générale du droit civil en
tentant d'amoindrir certaines disparités naturelles entre les parties et
ce dans le but de tenir compte tant du caractère durable du contrat que
de l'implication de la personne du salarié dans celui-ci.
62 Soc. , 2 février, 1994, D. 1995, jur. 550
63 Ph. Stoffel-Munck préc.
64 Certains comportements intempérants peuvent marquer une
déloyauté en l'absence de toute malignité.
65 Information sur l'objet et les conditions d'exécution
du contrat
66 Soc. ,05 février 1975, Bull. civ .n° 49, p. 46
67 Expression empruntée à M. Ph. Le Tourneau
préc.
L'obligation d'information invite donc le juge à
s'appuyer sur la volonté implicite d'une relation loyale. Dans le cadre
de la phase précontractuelle, on appréhende l'obligation
d'information comme l'outil permettant au consentement de s'exprimer
d'être donné en connaissance de cause. Ainsi, dans les contrats
à exécution successive, notamment le contrat de travail, les
parties doivent se communiquer les éléments pouvant faciliter
l'exécution de leur engagement68. Il faut
noter par ailleurs qu'en dehors des cas spécifiques où le
législateur a imposé une obligation d'information ou de
renseignement69 dans l'exécution du contrat,
la jurisprudence a élaboré un véritable devoir
d'information toutes les fois que l'intérêt du contractant
l'exigeait. L'information peut être définie à partir de
situations qui lui sont proches ou opposées .Elle peut aussi être
approchée à travers la finalité qu'on lui assigne dans le
contrat. L'information peut être appréhendée comme un
savoir qui circule, elle est un ensemble de connaissances. « Elle peut
être également définie par le rapport entre ce qui pourrait
être dit et ce qui est effectivement dit. Elle devient dans ce cas la
mesure du choix effectué entre les possibles
70». De ce fait, silence et information semble
se rejoindre notamment par le biais de la sanction au manquement à
l'obligation ou le devoir d'information.
Au demeurant, nous verrons plus loin que dans le cadre du
rapport de travail, le silence gardé par le candidat à l'embauche
peut avoir une portée réduite71. De
la sorte, l'obligation d'information autonome, certes, entretient aussi des
relations étroites avec celle de
renseignement72. Si ces concepts peuvent en effet
sembler identiques, l'information est cependant plus restrictive que le
renseignement. En effet, on peut retenir qu'ils peuvent s'opposer sur la
spontanéité de la transmission des éléments
communiqués. Alors que le renseignement est généralement
donné à la suite d'une demande expresse, l'information semble
découler naturellement du discours de l'une des parties. C'est au juge
dans tous les cas qui vient extraire à travers la bonne foi ou la
loyauté les suites à donner aux obligations expressément
souscrites ou qui fait ressortir les attentes implicites des parties. En effet,
la chambre sociale a largement suivi l'évolution jurisprudentielle et
doctrinale civiliste en s'appuyant sur l'article 1134 alinéa 3 pour
fonder l'obligation d'information.
68 J. Ghestin, la formation du contrat, LGDJ ,1993 p.576 et s.
69 Art. L121-6, L122-41, L122-14-1 du Code du travail
70 N. Pourias-Rexand préc. p197
71 Soc. 3 juillet 1990, D. 1991, p.507
72 P.Jourdain, La bonne foi « Rapport français
», travaux de l'association Henri Capitant, Tome XLIII, 1992, p.124 et
s.
En effet, si on assigne à l'information et au
renseignement la même finalité, c'est-àdire permettre au
contractant de se préparer à ce qu'il est en droit d'attendre, la
particularité du rapport de travail a permis au juge à travers le
standard de la bonne foi d'accroître ou de réduire la
portée de l'obligation d'information. Ainsi, le candidat à
l'embauche se doit d'informer le recruteur avec loyauté .Et le devoir de
se renseigner semble plus concerner le recruteur73.
En tout état de cause, durant cette phase précontractuelle, c'est
le juge qui au gré des espèces tente de concilier les
intérêts de celui qui recherche un collaborateur et celui qui veut
mettre toutes les chances de son côté pour le poste à
pourvoir et ce dans un esprit de loyauté.
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