SECTION II : La découverte d'autres obligations
implicites ou secondaires
En plus de connaître une « frappante
prospérité législative177
», certains auteurs estiment aujourd'hui que le contrat de travail est
obèse d'obligations secondaires. En effet, l'exigence légale
d'exécuter le contrat de travail de bonne foi intime dans une certaine
mesure une conciliation d'intérêts de l'employeur et du
salarié.
173 Soc. 28 février 2002, Dr. Soc.2002 p.445 note A.
Lyon-Caen
174 Soc. 11 octobre 1994, D.1995 p.440 Note C. Radé
175 Soc. 11 avril 2002 Dr. Soc. 2002, p. 676, soc. 11 juillet
2002, Bull. V, n°261, soc. 23 mai 2002, Bull. civ. V, n° 117
176 M. Julien, préc. n°172, p. 237
177A. Jeammaud, « Les polyvalences du
contrats de travail », préc. p.299
L'étendue et la portée de leurs engagements sont
pour une large part déterminé par l'ensemble des obligations qui
pèsent sur l'une ou l'autre des parties.
Si l'article 1134 alinéa 3 a été
massivement utilisé pour multiplier les obligations tacites ou
implicites pesant sur le salarié, une sorte de retournement s'est
produite car des obligations implicites ont été également
imposées à l'employeur. De la sorte « il n'est donc pas
irrationnel de porter son dévolu sur le contrat de travail comme un
exemple de bouillon de culture où prolifèrent les obligations
implicites ou latentes178 » Au demeurant,
certaines obligations même si elles ne sont pas catégoriquement
affirmées inspirent des comportements convergents au service d'un
intérêt contractuel commun. Les parties à un contrat
doivent coopérer et collaborer en vue de réaliser ce pour quoi
elles se sont obligées. Pour M. Picod, le devoir de coopération
« tel qu'il existe dans le droit positif n'implique aucun sacrifice
particulier. Il est l'expression d'un minimum de loyauté entre les
parties consistant à prendre en considération
l'intérêt de son contractant, à lui faciliter les
choses179 ». De fait, si la coopération
n'incite pas les parties à s'associer, il leur suggère au moins
le sentiment d'un investissement supplémentaire. L'obligation de
coopération pèse tant sur le créancier et le
débiteur. Si le salarié doit dépasser le cadre d'une
simple exécution de sa prestation, l'employeur doit à son tour
exécuter utilement ses obligations.
Dans le rapport de travail, il semble que l'on ne peut compter
uniquement sur l'employeur pour sauvegarder l'intérêt des deux
parties au contrat et du contrat lui-même. D'ailleurs, comment compter
sur une des parties pour que celle-ci défende à la fois ses
propres intérêts et ceux de l'autre qui lui sont antagonistes ? Il
faut souligner comme M. Mestre180 que le «
contrat est de moins en moins perçu comme un choc de volontés
librement exprimées, comme un compromis entre des intérêts
antagonistes âprement défendus. Il apparaît de plus en plus
comme un point d'équilibre nécessaire, voire même comme la
base d'une collaboration souhaitable entre contractants ». En effet,
l'esprit de coopération et de collaboration par la mise en oeuvre d'un
intérêt commun contribue certainement de rétablir
l'équilibre du contrat. Et si le devoir de coopération contraint
pour partie à la « transparence » dans la gestion de
l'entreprise, la protection des intérêts de cette dernière
impose un devoir de collaboration. Nous voyons bien que coopération et
collaboration entretiennent un lien inextricable et revêtent un
caractère de réciprocité. L'une n'est guère
éloignée de l'autre. La collaboration signifie « que l'on
aide autrui alors que soit- même on en
178 G. Lyon-Caen « Défense et illustration du contrat
de travail », Archives de philosophie du droit, 2000 p.110
179 Y. Picod préc, n° 85
180 J. Mestre, préc.
retire un intérêt ». En effet il s'agit de
considérer que le contrat est un instrument de solidarité
permettant d'atteindre un but social. Au final si l'esprit de collaboration et
de coopération doit animer les parties à un contrat de travail,
il semble qu'on ne puisse pas les considérer comme ayant une
réelle portée normative faute de consécration
prétorienne .Au surplus ce qui est présenté comme objet
d'obligation n'est souvent que l'exigence légale d'exécuter le
contrat de bonne foi. Toutefois, appuyées sur le standard de la bonne
foi ou de la loyauté, ces devoirs impliquent à la charge de
l'employeur de satisfaire la confiance du salarié tout comme il est en
droit de l'attendre de celui-ci.
CHAPITRE II
LA BONNE FOI, UN OUTIL DE
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MORALISATION DE L'ESPACE DE
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STIPULATION
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