§I : L'obligation de reclassement et d'adaptation
La consécration de ces obligations traduit simplement
la vitalité du contrat de travail qui se manifeste par un enrichissement
de son contenu, non à travers une autonomie souvent revendiquée
mais par référence aux règles du droit commun des
contrats. Partant du fait que le contenu du contrat est déterminé
par la notion objective de bonne foi, en 1992, le chambre sociale de la cour de
cassation en se référant implicitement à l'article 1134
alinéa 3 du Code civil énonce clairement que « l'employeur,
tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir
d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs
emplois 161». La
même année, elle consacre au visa de l'article 1134 du Code civil
une « obligation de reclassement
162»
préalable à tout licenciement d'ordre
économique. L'obligation de bonne foi justifie donc l'adaptation et le
reclassement des salariés. L'originalité de la démarche du
juge social est de l'exprimer et de la reconnaître à la charge de
l'employeur163. Ainsi, l'employeur, comme tout
contractant, doit agir conformément aux attentes légitimes que le
contrat a fait naître auprès de son cocontractant. Le devoir
d'adaptation qui lui est imposé doit permettre à l'employeur
d'anticiper la gestion des emplois. Il le contraint à faire
évoluer la qualification des salariés au besoin par la formation
afin que ceux-ci puissent être à même de s'adapter à
des nouvelles fonctions dans l'entreprise. Si adapter et reclasser sont deux
concepts bien distincts puisque « reclasser c'est trouver un emploi, alors
qu'assurer l'adaptation c'est prévoir les changements et offrir les
moyens d'y faire face164 ».
L'intérêt pour le juge de faire ressortir ces obligations en se
fondant sur la bonne foi oblige tant soit peu l'employeur à rester dans
les liens du contrat.
Qu'il s'agisse de l'obligation légale de reclassement
qui pèse sur l'employeur en cas d'inaptitude
physique165 et des exigences de reclassement que la
loi impose dans le plan de sauvegarde de
l'emploi166 requis dans la procédure des
grands licenciements économiques, l'objectif est similaire, il s'agit de
maintenir l'emploi donc de stabiliser le lien salarial. L'obligation
contractuelle de reclassement découverte par la cour de cassation ne
présente pas de caractère collectif et découle directement
du rapport d'emploi. Ainsi, « il n'est pas faux de dire que l'obligation
de reclassement, devenue légale depuis la loi du 17 janvier 2002, est
grâce à la jurisprudence, la contrepartie du droit reconnu
à l'employeur de résilier un contrat à
161 Soc. 25 février 1992, Bull. V, n° 122 note
Défossez
162Soc. 8 avril 1992, Bull. V, n° 258
163 N. Pourias-Rexand préc.
164 A. Lyon-Caen « Le droit et la gestion des
compétences », Dr. Soc.1992, p. 579
165 Art.L122-24-4, L122-32-5 et L241-10-1 du Code du travail
166 Art.L321-1 alinéa 3, L321-4-1, L932-2
durée indéterminée pour un motif
étranger à la personne du
salarié167 ». Il faut que l'employeur
fasse la preuve de ses tentatives de reclassement, qu'il puisse justifier de
façon plus large encore de l'existence d'une cause réelle et
sérieuse.
Par ailleurs, l'obligation de reclassement se double d'une
obligation particulière de formation au profit de salariés
déterminés. Le devoir d'adaptation vient donc compléter
l'obligation de reclassement sans se confondre avec elle. Le devoir
d'adaptation consiste à fournir une formation au salarié afin de
lui permettre de compléter les compétences qu'il a
déjà acquises168. D'ailleurs, la cour
de cassation a eu à préciser qu'il ne peut être
imposé à l'employeur d'assurer la formation initiale qui fait
défaut au salarié mais seulement une formation
complémentaire requise en fonction de l'évolution de son
emploi.169 Au final, notons que l'obligation de
reclassement et son corollaire, le devoir d'adaptation gonflent le contenu
obligationnel du contrat de travail pour faire de celui-ci « l'instrument
privilégié du droit à l'emploi du salarié
»170.
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