INTRODUCTION
En tant que chercheuse en psychologie clinique et en
psychopathologie, mon objectif principal est de contribuer à
l'amélioration de la condition humaine, individuelle et sociale. Dans ce
sens, j'aspire à apporter une nouvelle connaissance permettant de penser
une pathologie et sa prise en charge sous un angle différent.
Ainsi, cette recherche clinique ne vise en aucun cas la
contribution à la consolidation d'un tabou social ou d'un débat
éthique concernant l'alcoolisme, comme certains ont pu me le reprocher.
Il ne s'agit donc ni de ternir davantage l'image sociale de l'alcoolique, cette
« flétrissure sociale », ni de faire de
l'alcoolique un individu dangereux pour sa société.
« L'alcoolique et son
fétiche » est le fruit d'une longue réflexion
théorico clinique sur la place et le rôle endossés par
l'alcool dans l'imaginaire de son adepte et sur le lien possible avec une autre
forme d'addiction : le fétichisme.
L'élaboration de cette étude s'est
articulée autour du lien possible entre l'alcoolisme et le
fétichisme mais n'ayant pas eu l'opportunité de rencontrer des
patients fétichistes, je ne pouvais procéder que par comparaison
de ce qui peut s'observer sur le terrain avec des patients alcooliques et ce
qui peut se dire sur le fétichisme dans les théories. Le
thème de « L'alcoolique et son
fétiche » m'est apparu alors comme riche de par ce qu'il
peut soulever comme controverses, remises en cause et ouvertures
théoriques.
CHAPITRE 1 : PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
1.1. PROBLEMATIQUE :
L'alcoolique et son fétiche
Mes rencontres avec les patients alcooliques en cure de
désintoxication m'ont amené au constat qu'il est difficile pour
eux d'intégrer la notion d'abstinence (totale ou partielle) car leur
objet d'addiction est considéré par eux comme étant la
condition sine qua non de leur épanouissement au quotidien. Boire pour
être grand, pour être fort, pour oublier, ... L'alcool leur permet
d'affronter les aléas de leur réalité et également
de jouir des plaisirs de la vie. Cela m'a fait penser au
fétichisme : le fétichiste, lui aussi, ne peut
s'épanouir au quotidien sans son fétiche.
Pourtant, me dira-t-on, il s'agit de deux pathologies
distinctes. Je reconnais cette différence puisqu'en effet, alcoolisme et
fétichisme possèdent chacun leur propre sémiologie et
concernent chacun un domaine de la vie pulsionnelle différent.
L'alcoolisme est un trouble du comportement, plus précisément,
une désintrication de l'instinct de survie (l'acte naturel et vital de
boire) tandis que le fétichisme désigne un trouble du
comportement sexuel puisqu'il est défini comme une atypie de la pratique
naturelle et vitale de l'acte de reproduction normal. Ils concernent donc
chacun un objet différent.
Cependant, mon regard de clinicienne n'est pas tant
attiré par la nature de l'objet d'une pulsion, mais davantage par le
processus psychique qui amène un individu à choisir cet objet
particulier. Malgré la distinction nosographique, l'alcoolisme et le
fétichisme restent deux addictions touchant le processus instinctuel, et
c'est sur ce point que ma curiosité de chercheur s'est
arrêtée.
Il m'a semblé intéressant de voir dans quelle
mesure il est possible de mettre en lien ces deux pathologies sous l'angle de
deux points de vue en particulier : l'objet et l'angoisse. En effet,
est-ce que l'objet alcool peut être comparé à un
fétiche ? Or, si cette comparaison est possible, cela
sous-entendrait-il que l'alcoolique trouverait les mêmes
bénéfices que le fétichiste ? Et au final,
pourrions-nous nous permettre de dire que l'alcoolique et le fétichiste
se structurent de la même façon d'un point de vue
psychodynamique ?
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