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La théorie des droits permanents dans la jurisprudence du Tribunal administratif tunisien

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par Faycel Bouguerra
Université Sciences Sociales Toulouse I - Master 2 Recherche Droit Public Comparé des Pays Francophones 2006
  

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MASTER 2 Recherche DROIT PUBLIC COMPARÉ DES PAYS FRANCOPHONES

"LA Théorie des droits permanents

Dans la jurisprudence du

Tribunal administratif tunisien "

Réalisé par Dirigé par

BOUGUERRA Faycel M. THÉRON Jean Pierre

Membres du Jury

Membre : Mme BELLOUBET Nicole

Soutenu le 10 septembre 2007 Observations

13.75 : Mention Assez Bien

ANNÉE UNIVERSITAIRE

2006 - 2007

REMERCIEMENT

Je dédie ce travail aux personnes qui m'ont trop aidé pour son accomplissement, notamment :

ü Ma famille pour leurs sacrifices.

ü Monsieur `Yadh Ben `Achour, qui m'a proposé le sujet, pour sa patience et sa confiance.

ü Monsieur Jean Pierre Théron qui m'a été d'un grand secours avec ses conseils ainsi que ses remarques.

ü Madame Wanda Mastor pour son soutien et ses encouragements.

ü Mes amis à Kairouan, à Tunis, à Montpellier et à Toulouse.

*CORDIALLEMENT : BOUGUERRA FAYCEL*

« Si le temps n' arrange pas les choses, les choses arrangeront le temps »

<<< *Réjean Ducharme* : Extrait de : "Les enfantâmes" >>>

LISTE DES ABBRÉVIATIONS

- A.J.D.A. : Actualité Juridique du Droit Administratif

- c/ : Contre

- C.A.A. : Cour Administrative d'Appel

- C.C. : Cour de Cassation

- Comm. : Commentaire

- Conc. : Conclusions

- Cons. Cons. : Conseil constitutionnel

- C.C.E. : Chef du Contentieux de l'État

- C.C.P. : Code de la Comptabilité Publique

- C.E. : Conseil d'État

- Ch. : Chambre

- C.N.R.P.S. : La Caisse Nationale de Retraite et de Prévoyance Sociale

- C.N.S.S. : La Caisse Nationale de la Sécurité Sociale

- C.O.C. : Code des Obligations et des Contrats

- C.P.U. : Centre de Publication Universitaire

- C.R.E.A. : Centre de Recherches et d'Études Administratives

- D. : Recueil Dalloz

- D.G. : Directeur Général

- Déc. : Décision

- éd. : Édition

- E.N.A. : École Nationale d'Administration

- F.D.S.E.P. : Faculté de Droit et des Sciences Économiques et Politiques de Sousse

- F.S.J.P.S.T. : Faculté des Sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis

- Fasc. : Fascicule

- Gaz. Pal. : Gazette du Palais

- J.C.A. : Juris-Classeur Administratif

- J.C.P. : Juris-Classeur Périodique

- J.S.S. : Juge de la Sécurité Sociale

- L.G.D.J. : Librairie Générale du Droit et de la Jurisprudence

- P.D.G. : Président Directeur Général

- P.U.F. : Presses Universitaires de France

- Rev. Adm. : Revue Tunisienne d'Administration Publique

- R.C.A.D. : Répertoire du Contentieux Administratif Dalloz

- R.D.P. : Revue du Droit Public

- R.F.D.A. : Revue Française de Droit Administratif

- R.T.D. : Revue Tunisienne du Droit

- Rec. : Recueil Lebon

- S. : Recueil Dalloz-Sirey

- S.à.E. : Sursis à Exécution

- T.A. : Tribunal administratif

- T.C. : Tribunal des Conflits

- T.P.I. : Tribunal de Première Instance

* Depuis la réforme du 3 juin 1996 :

- Les décisions en 1ère instance du Tribunal administratif commencent avec le numéro 1xxxxx.

- Les décisions en appel du Tribunal administratif commencent avec le numéro 2xxxxx.

SOMMAIRE

INTRODUCTION

TITRE I : LE CONCEPT DE DROITS PERMANENTS

CHAPITRE I : LES CRITÈRES DE DISTINCTION DES DROITS PERMANENTS

SECTION I : LE CRITÈRE CHRONOLOGIQUE : LA PERMANENCE DES DROITS

Paragraphe I : La date de réclamation et de jouissance des droits permanents

Paragraphe I : La durée de réclamation des droits permanents

Paragraphe III : La durée de jouissance des droits permanents

SECTION II : LE CRITÈRE PROCÉDURAL : LA JONCTION DU DROIT À L'EFFET DE LA DÉCISION ADMINISTRATIVE

Paragraphe I : Les décisions qui épuisent le plein effet du droit

Paragraphe II : Les décisions qui n'épuisent pas le plein effet du droit

CHAPITRE II : LA SPÉCIFICITÉ DES DROITS ET LA BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

SECTION I : LA SPÉCIFICITÉ DES DROITS

Paragraphe I : Les droits civils et politiques

Paragraphe II : Les droits économiques, sociaux et culturels

SECTION II : LA BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

Paragraphe I : La bonne administration

Paragraphe II : La bonne justice (ou le bon déroulement de l'instance juridictionnelle)

Paragraphe III : Le bon juge

Paragraphe IV : La bonne administration de la justice dans le contexte des droits permanents

TITRE II : LE RÉGIME JURIDIQUE (JURISPRUDENTIEL) DES DROITS PERMANENTS

CHAPITRE I : APPLICATION DANS LE CONTENTIEUX D'EXCÈS DE POUVOIR

SECTION I : L'EXIGENCE D'UN RECOURS PRÉALABE : Le respect du délai de recours

Paragraphe I : Condition de validité

Paragraphe II : Ouvreur de nouveau délai

SECTION II : L'EXONÉRATION DE LA FORMAILTÉ DU RECOURS PRÉALABLE :

L'inobservation du délai de recours

Paragraphe I : La technique du parallèle entre saisine et recours préalable

Paragraphe II : La technique du droit imprescriptible

CHAPITRE II : LIMITES DE LA THÉORIE DES DROITS PERMANENTS

SECTION I : LIMITES INTERNES : L'EXTENTION LIMITÉE DE LA THÉORIE AU PLEIN CONTENTIEUX

Paragraphe I : Responsabilité contractuelle et contraventionnelle

Paragraphe II : La responsabilité résultant de l'appropriation d'un terrain privé

SECTION II : LIMITES EXTERNES

Paragraphe I : Le bloc judiciaire

Paragraphe II : Limites des limites : La résurrection de la compétence du juge administratif

CONCLUSION

INTRODUCTION

Selon Antonio Gramsci, un philosophe communiste italien, « la crise naisse quand le vieux meurt et le neuf n'arrive pas à naître ».

L'idée de la sujétion de l'administration au respect du droit a fait son apparition en Tunisie avec le décret beylical du 27 février 1860 qui organisait le Premier Ministère et qui a octroyé la résolution des affaires à une section qui en fait partie. C'est ce qu'on appelle "la justice retenue".

D'autres textes se succédèrent dans cette même conception qu'on a faite de la justice administrative.

Le premier étant la Constitution du 26 avril 1861 qui a eu le mérite, dans son article 40, de distinguer le contentieux administratif du contentieux civil. S'ajoute à cela les articles 42, 70 et 72 de la même Constitution qui ont prévu l'institution du "Tribunal du Grand Ministère" qui reconnaissait du contentieux administratif.

Le décret beylical du 31 juillet 1870 a eu le mérite, quant à lui, de mieux organiser la structure organique de la justice administrative. Cela s'est trouvé confirmé et complété par le décret beylical du 14 février 1885.

Ensuite, il y a eu le décret du 27 novembre 1888 qui répartissait la compétence entre les juridictions tunisiennes et celles françaises qui ont été instituées en 1883 pour des raisons politiques1(*). Puis, l'institution des tribunaux tunisiens de l'ordre judiciaire en 1896.

Enfin, le texte le plus important est celui qui date du 24 avril 1921 et qui marquait le changement définitif vers la justice déléguée.

Il est à rappeler que le texte du 27 novembre 1888 a eu une importance inégale, vu que les tribunaux français ont eu l'audace de contrôler par exception la légalité des actes administratifs2(*), alors que les tribunaux tunisiens estimaient que ce texte ne les concerne pas.

Il y a eu même des auteurs qui ont déclaré que ce texte emportait le transfert total de la compétence des tribunaux tunisiens, en matière du contentieux administratif, au profit des tribunaux français en Tunisie3(*).

Or, selon certains, ce texte a été introduit, petit à petit, en droit positif tunisien grâce à l'interprétation qui lui a été faite par les tribunaux tunisiens et notamment le Tribunal du Grand Ministère4(*).

Les réformes en la Tunisie, désormais indépendante, se succèdent pour façonner l'organe qui sera compétent de connaître du contentieux administratif. Les réformateurs « ont cherché à l'adapter aux conditions économiques, sociales et culturelles de leurs pays. Ils ont tenté de "tunisifier" l'institution »5(*).

D'abord, la Constitution républicaine de 1959 prévoit l'institution du Conseil d'État qui se compose du Tribunal administratif et de la Cour des comptes6(*).

Il faut attendre jusqu'en 1972 pour que deux lois organiques voient le jour. L'une porte sur l'organisation du Tribunal administratif et du statut de ses fonctionnaires, l'autres porte sur sa compétence et matérielle et territoriale. Le Tribunal n'a rendu son premier arrêt qu'en 1974.

À l'époque, le recours pour excès de pouvoir est interdit et l'exception d'illégalité est tombée en désuétude depuis l'indépendance7(*).

La mise en oeuvre de la répartition territoriale de compétences, c'est-à-dire le ratione loci suppose, a priori, l'existence d'un ordre juridictionnel hiérarchisé avec des tribunaux et des cours réparties sur tout le territoire national, ou du moins suivant une décentralisation qui rapproche la justice du justiciable.

Or, avant la réforme de 1972, et selon René Chapus, « le mouvement de réformes administratives et judiciaires qui s'est développé en Tunisie depuis 1956 est (...) passé à l'écart du contentieux administratif (...). Il s'agit pourtant d'un régime dont l'intérêt général comme celui de la bonne administration de la justice ne peut que fort mal s'accommoder, à raison des conséquences tant de la limitation qu'il impose à la compétence des tribunaux que du particularisme auquel il soumet l'exercice de celle-ci en ce qui concerne les voies de recours »8(*).

Le Tribunal administratif tunisien a été, et il l'est toujours, au sommet d'une pyramide sans base9(*).

En d'autres termes, il est l'ordre juridictionnel lui-même faute de cours ou de tribunaux répartis et selon les degrés de juridiction et selon les régions.

En fait, la centralisation est totale en matière d'excès de pouvoir, contentieux du ressort exclusif du Tribunal administratif. Ce centralisme est partiel dans le plein contentieux puisqu'il est jugé en premier ressort par des tribunaux judiciaires répartis sur tout le territoire national10(*).

Ce caractère partiel n'est que tout relatif puisque l'article 32 du Code des Procédures Civiles et Commerciales met les affaires intéressant l'État du ressort des tribunaux sis à Tunis, lieu d'établissement du Chef du contentieux de l'État, à l'exception, entre autres, des litiges relatifs aux accidents de travail.

Toutefois, la Loi organique n° 96-39 du 3 juin 1996, s'il semble qu'elle a entamé l'amorce d'une décentralisation de la justice administrative longtemps attendue, ses prémices ne semblent que trop limitées.

En effet, il ressort de l'article 15 (nouveau) dans son dernier alinéa qu'il semble avoir mis sur pieds les premiers jalons d'une décentralisation de la justice administrative, et ce en prévoyant la possibilité de créer au niveau des régions des chambres de première instance relevant du Tribunal administratif11(*).

Selon cet article, la compétence de ces chambres se base sur deux types de critères :

Un critère géographique d'abord, puisqu'elles connaissent des actions intentées contre les autorités administratives régionales et locales et les établissements publics dont le siège relève d'un cadre territorial fixé par décret.

Un critère matériel ensuite, ces chambres bénéficient d'une compétence de droit commun dans le contentieux administratif de ces autorités territoriales dans la limite des compétences prévues par l'article 17 (nouveau) de la Loi n° 96-39, notamment en matière de recours pour excès de pouvoir, de contrats administratifs et de contentieux indemnitaire.

Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article 16 (nouveau) de la Loi précitée accorde au Premier Président du Tribunal administratif la latitude d'autoriser l'une de ces chambres régionales à tenir des audiences périodiques aux sièges des tribunaux judiciaires.

La question qui se pose à ce niveau : Est-ce qu'avec ces chambres, le législateur a déjà entamé l'expérience de la décentralisation de la justice administrative ?

Une réponse négative semble s'imposer, ne serait-ce que pour les considérations suivantes :

En premier lieu, les chambres de première instance au niveau régional ne constituent pas des organes juridictionnels autonomes par rapport au Tribunal administratif avec une structure, des compétences et du personnel distincts, à l'image par exemple des tribunaux régionaux français.

De fait, ces chambres font partie de l'organisation interne du Tribunal administratif. Leurs Présidents assurent une certaine suppléance du Premier Président comme il l'atteste l'article 15 (nouveau) précité.

En deuxième lieu, les chambres régionales n'ont pas une compétence de droit commun dans l'intégralité du contentieux administratif, mais exclusivement dans celui des autorités publiques citées dans l'article 15 (nouveau) de la loi précitée.

C'est que la décentralisation suppose une certaine répartition des attributions entre ces chambres et le Tribunal administratif, chose non vérifiée dans la solution retenue.

En outre, bien que constituant des solutions pratiques à des contraintes réelles, le caractère facultatif de l'établissement de ces chambres régionales et la possibilité de faire tenir leurs audiences auprès des tribunaux judiciaires expriment la nature provisoire et incomplète de cette justice à caractère régional, ce qui ne peut s'accommoder des visées ambitieuses de la décentralisation.

Parler donc de décentralisation de la justice administrative résultait d'un excès d'optimisme. À tout le plus pourrait-on parler de sa "déconcentration". D'un certain prolongement territorial du Tribunal administratif au niveau régional toujours dans le cadre d'une "relation de type hiérarchique". Et l'enjeu qui sous-tend tout ce processus n'est pas tant la reconnaissance de l'autonomie de ces chambres administratives mais plutôt le rapprochement de la justice administrative des justiciables vivants hors de la capitale.

Il serait toutefois exagéré de ne pas voir en ces chambres régionales les prémisses d'une décentralisation de la justice administrative que les pouvoirs publics essayent de consacrer grâce à une démarche pragmatique et évolutive12(*).

Pour ce qui est de la répartition selon le ratione materiae, c'est-à-dire selon la compétence matérielle ou d'attribution, il est à noter que l'essentiel de cette répartition est consacré par la Loi organique n° 96-38 du 3 juin 1996, relative à la répartition des compétences entre les tribunaux judiciaires et le Tribunal administratif et à la création d'un Conseil des conflits de compétence13(*).

Toutefois, il ne faut pas négliger les dispositions de l'article 2 (nouveau) de la loi organique n° 72-40 du 1er juin 1972 relative au Tribunal administratif telle que modifiée par la loi organique n° 96-39 du 3 juin 1996.

Cet article prévoit que : « Le Tribunal administratif statue avec ses différents organes juridictionnels sur tous les litiges à caractère administratif à l'exception de ceux qui sont attribués à d'autres juridictions par une loi spéciale ».

Il faut rappeler que l'article 3 prévoit que : « Le Tribunal administratif est compétent pour statuer en premier et dernier ressort sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre tous les actes des autorités administratives centrales et régionales, des collectivités publiques locales et des établissements à caractère administratif ». Ainsi, on voit bien que le législateur de 1972 a opté pour le critère organique pour fonder la compétence, lequel critère a été rejeté par le Tribunal administratif depuis sa mise en marche en 1974 et substitué par le critère matériel de compétence14(*).

Après la réforme de 1996, le Tribunal se fonde, pour légitimer sa démarche, sur les dispositions de l'article 17 (nouveau) tel qu'il a été modifié par la loi n° 96-39 du 3 juin 199615(*), lequel article opte plus largement pour le critère matériel, et ce en parlant de la "matière administrative".

Cette tentative du législateur de légiférer la jurisprudence, a crée une contradiction entre l'article 3 et cet article.

Avec la loi n° 2002-11 du 4 février 2002, l'article 3 (nouveau) stipule : « Le Tribunal administratif est compétent pour statuer sur les recours pour excès de pouvoirs tendant à l'annulation des actes pris en matière administrative ». Il est à noter que l'apport cardinal de cette réforme de 2002 est d'avoir supprimé l'alinéa 2 de l'ancien article 3 qui interdisait le recours contre les actes à caractère réglementaire. Cela va encombrer d'avantages les prétoires, sauf que cela a été voulu par le juge administratif qui a incité le législateur à procéder à une telle réforme quand il a accepté l'exception perpétuelle d'illégalité contre les actes réglementaires.

Un autre texte est d'une importance cruciale. Il s'agit de la dernière réforme qui date de 2003 et qui a soustrait au juge administratif une compétence qui a fait pour longtemps un champ de bataille avec son homologue de l'ordre judiciaire16(*), à savoir la matière de la sécurité sociale.

En effet, le juge administratif, conscient de l'importance des droits relatifs à la matière de la sécurité sociale, a appliqué des délais de recours plus amples que ceux appliqués en matière de recours pour excès de pouvoir prévus par l'article 37 (nouveau) de la loi n° 39 de 1996 qui a remplacé l'ancien article 40 de la loi de 197217(*).

Il a ainsi forgé une théorie qui a permis dans un premier temps d'allonger les délais de recours pour excès de pouvoir, pour finir à admettre que les demandeurs de ces droits qui portent sur la matière de la sécurité sociale sont exonérés d'observer un délai quelconque.

Cette théorie, qui a été créée d'abord en matière de sécurité sociale, s'est trouvée étendue à d'autres droits que le Tribunal les a groupés dans des sous-catégories.

D'abord, le Tribunal applique un régime exorbitant au droit commun des délais de recours pour excès de pouvoir pour la sous-catégorie des droits à pension de retraite et son cortège de droits dérivés.

Ensuite, un régime un peu exorbitant qui se base sur l'acceptation de la réitération des recours préalables conservatrice des délais de recours que le Tribunal applique, tour à tour, à la sous-catégorie des demandes de régularisation d'une situation administrative ainsi qu'à la sous-catégorie des demandes d'attestations et de documents administratifs.

Sauf que cette acception s'est heurtée, entre 1974 et 1996, au problème du recours hiérarchique qui a été exigé comme condition de validité par l'article 40 (ancien) de la loi de 1972.

Le Tribunal a eu une période de confusion où il a appliqué la théorie à des droits instantanés qui ressemblent aux droits permanents18(*). Cette confusion résultait de la mise en oeuvre d'un critère qu'on peut vérifier aussi chez les droits instantanés, notamment dans la fonction publique, à savoir le critère de la permanence des effets de la décision administrative.

Cette confusion se vérifie aussi quant à l'appellation même de la théorie.

Alors que le Tribunal a utilisé le concept des « décisions à effet permanent » pour désigner les décisions qui portent sur ces droits, il s'est trouvé enclin à le quitter pour adopter un autre qui désigne directement le droit comme étant un droit permanent.

Cette confusion continue encore à être vérifiée dans des décisions où le juge parle de « décisions à effet renouvelé », des « droits renouvelés », voir même des « droits exercés de façon continuelle, permanente et renouvelée ».

Au reste, la nomination la plus stable est celle « des droits permanents ».

On est en droit de se demander : Que veut dire : être permanent ? Qu'est-ce que la permanence ?

Être permanent est être « destiné à s'appliquer indéfiniment, jusqu'à une modification régulière ; être destiné à fonctionner sans interruption ; être investi d'une fonction continue, stable, non d'une mission spéciale, intermittente ou extraordinaire ; durable sinon définitif en fait, qui n'est pas appelé à disparaître».

Alors que la permanence c'est « l'aptitude à durer en l'état, à demeurer en vigueur jusqu'à nouvel ordre (...) ; intangibilité excluant toute modification jusqu'à l'expiration d'un délai déterminé (...) ; aptitude à fonctionner, à siéger, à exercer une activité sans intermittence, (...). » 19(*).

Mis à part cette confusion sur la nomination, un autre problème s'est posé devant le juge administratif.

Le premier étant la compétence du Tribunal administratif en matière du contentieux de la sécurité sociale des fonctionnaires du secteur privé lequel le législateur de la réforme de 1996 ne l'a pas octroyé expressément à l'un des deux ordres juridictionnels20(*).

Un conflit de compétence s'annonçait, et s'annonce encore, sans trêve entre les deux ordres de juridictions où le juge judiciaire reconnaît sa compétence et applique les délais civils de prescription, et le juge administratif réplique par un combat sans répits, et ce en déclarant sa compétence et en appliquant la théorie des droits permanents sur cette tranche de compétence considérée comme une terra nullis.

Le législateur a du intervenir en 2003, mais cette fois il attribue toute la matière de la sécurité sociale, à savoir le secteur public et le secteur privé, à un juge ad-hoc, à savoir le juge de la sécurité sociale.

La matière de responsabilité administrative21(*), quant à elle, a été pour le juge administratif un nouveau laboratoire d'essai de nouvelles conceptions des délais de la prescription extinctive.

Reste à savoir : Au nom de quel droit le juge administratif peut-t-il se reconnaître le droit d'exonérer certains droits de l'exigence d'observer les délais de recours pour excès de pouvoir ?

Pour bien appréhender la théorie des droits permanents, on est devant l'impératif de traiter du concept même des droits permanents pour les distinguer des autres droits (TITRE I), après quoi il faut traiter de leur régime juridique et jurisprudentiel (TITRE II).

* 1 Chapus (René), Le contrôle et le contentieux de l'administration en Tunisie, ENA, 1968 ; « Aux sources du régime du contentieux administratif tunisien : du protocole franco-italien du 25 janvier 1884, au décret beylical du 27 novembre 1888 », RTD, 1966-1967, p. 75 ; Voir aussi : Ben `Achour (Sana), « La genèse du contentieux administratif tunisien », In L'oeuvre jurisprudentielle du Tribunal administratif tunisien, CERP, 1990, p. 9 ; « Histoire d'un texte : le Décret beylical du 27 novembre 1888 sur le contentieux administratif », In Le centenaire du décret beylical du 27 novembre 1888 et le contentieux administratif, CERP, Tunis.

* 2 Drago (Roland), « L'exception d'illégalité devant les tribunaux judiciaires en Tunisie », RTD, 1954, p. 1 ; « La réforme du contentieux administratif », RTD, 1953, p. 364 ; Dans le même sens, voir aussi : Chapus (René), « Les projets de réforme du contentieux administratif », RTD, 1966-1967, p. 91.

* 3 De Sourbier de Pougnadoresse (G.), La justice française en Tunisie, Paris, Larose, 1987, p. 167.

* 4 Bismut (Victor), Essai sur la dualité législative et judiciaire en Tunisie, Dijon, Bernigaud et Privat, 1922, p. 162.

* 5 Mestre (Achille), « Conseil d'État français et Tribunal administratif tunisien », In Mélanges offerts à Marcel Waline, Le juge et le droit public, L.G.D.J., 1974, Tome I, p. 61.

* 6 La Constitution tunisienne du 1er juin 1959 stipule dans son Chapitre VI relatif au Conseil d'État qui se compose du seul article 69 (Modifié par la Loi constitutionnelle n° 97-65 du 27 octobre 1997) : « Le Conseil d'État se compose de deux organes : 1- Le Tribunal administratif. 2- La Cour des comptes. La loi détermine l'organisation du Conseil d'État et de ses deux organes, et fixe la compétence et la procédure applicable devant ces organes ».

* 7 Silvera, « Une réforme tunisienne urgente : Le Tribunal administratif », Rev. Adm., 1953, p. 28.

* 8 Chapus (René), Loc. cit., p. 91.

* 9 La Loi organique n° 96-39 du 3 juin 1996, Titre III : L'organisation du Tribunal administratif : Article 15 (Nouveau) : « Le Tribunal administratif se réunit et délibère dans la limite de sa compétence juridictionnelle par le biais de : l'assemblée plénière juridictionnelle ; les chambres d'appel ; les chambres de première instance.Le Tribunal administratif délibère dans le cadre de sa compétence consultative par le biais de : l'assemblée plénière consultative ; les chambres consultatives.Le nombre des chambres juridictionnelles et des chambres et sections consultatives du Tribunal administratif est fixé par décret ».

* 10 Voir la compétence en cassation du Tribunal administratif dans les articles 11, 12, 13, 13 (bis) et 13 (ter) de la Loi organique n° 72-40 du 1er juin 1972 relative au Tribunal administratif telle que modifiée et complétée par la Loi organique n° 96-39 du 3 juin 1996.

* 11 Voir annexe.

* 12 D'ailleurs, cette volonté est exprimée dans les débats parlementaires par le Secrétaires général du Gouvernement : Débats parlementaires relatifs à la Loi organique n° 96-38, Débats n° 38 du 28 mai 1996, p. 13.

* 13 Il découle des stipulations de l'article 1er de la Loi organique n° 96-38 du 3 juin 1996, relative à la répartition des compétences entre les tribunaux judiciaires et le Tribunal administratif et à la création d'un Conseil des conflits de compétence que « Le Tribunal administratif est compétent pour statuer sur les actions en responsabilités, portées contre l'administration, telles que prévues par la loi n° 70-40 du 1er juin 1972, y compris les actions relatives à l'emprise irrégulière et la responsabilité de l'État, se substituant dans le cadre de la législation en vigueur, à la responsabilité des membres de l'enseignement public. Toutefois les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître des recours en indemnisation des dommages causés par les accidents de véhicules, ou de tout autre engin mobile, appartenant à l'administration ». L'article 2 alinéa 1 prévoit que : « Les tribunaux judiciaires statuent sur tous les litiges qui surviennent entre d'une part, les entreprises publiques y compris les établissements publics à caractère industriel et commercial, et d'autre part les agents de ces entreprises, leurs clients ou les tiers ».

* 14 Ben Aïssa (Mohamed Salah), « Le critère matériel dans la détermination de la compétence du Tribunal administratif en matière de recours pour excès de pouvoir : Analyse de la jurisprudence administrative », R.T.D., 1983, p. 191 et ss.

* 15 Selon cet article 17 (nouveau) : « Les chambres de première instance sont compétentes pour statuer en premier ressort sur : les recours pour excès de pouvoirs tendant à l'annulation des actes pris en matière administrative ».

* 16 La Loi organique n° 2003-10 du 15 février 2003, portant modification de la Loi organique n° 96-38 du 3 juin 1996 relative à la répartition des compétences entre les tribunaux judiciaires et le Tribunal administratif et à la création d'un Conseil des conflits de compétence prévoit, dans son article 1er, l'abrogation du dernier alinéa de l'article 2 et son remplacement par les dispositions suivantes : « Les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître de tous les litiges qui surviennent entre les caisses de sécurités sociales et les bénéficiaires des prestations sociales et pensions et les employeurs ou les administrations dont relèvent les agents, et ce, en ce qui concerne l'application des régimes légaux des pensions et de la sécurités sociales, à l'exception des actes susceptibles de recours pour excès de pouvoir et des actions en responsabilités administratives contre l'État, prévues par le premier paragraphe de l'article premier de la présente loi ».

* 17 Voir annexe pour les textes ; Voir aussi : Elleuch Kessentini (F.), Le recours pour excès de pouvoir et le temps, Thèse. F.S.J.P.S., Tunis, 2004-2005, p. 61.

* 18 Le Tribunal administratif, dans l'une de ses décisions isolées, a considéré la promotion comme un droit permanent : Décision n° 15002 du 15 juillet 1999, `Abd Al'hamid Guerfala c/ Ministre des transports, Inédite. Ensuite, il a considéré que les droits relatifs aux primes, aux promotions et aux avancements ne font pas partie « du groupe des droits permanents » : Déc. n° 10996 du 1er février 2003, inédite.

* 19 Cornu (Gérard), Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 664.

* 20 Article 2 alinéa 2 de la Loi n° 96-38.

* 21 Ben Aïssa (Mohammed Salah), « L'action en responsabilité devant le Tribunal administratif », In La réforme de la justice administrative : les lois n° 38, 39 et 40 du 3 juin 1996, Actes du colloque organisé du 27 au 29 novembre 1996 à la F.S.J.P.S., Tunis, C.P.U., 2ème Tirage, 1er Semestre, 1999, Partie en langue arabe, p.p. 147-182 ; Voir aussi : Mabrouk (Mohieddine), Traité de droit administratif tunisien, Tome I, 1974, p.p. 293-342 ; Velley (Serge), Droit administratif, Dyna'up, 2e édition, 2001, p.p. 95-107 ; Vlachos (George), Les principes généraux du droit administratif, Ellipses, 1993, p.p. 207-244.

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