Une fois n'est pas coutume, les résultats du premier
tour de l'élection présidentielle ne sont contestés ni par
le pouvoir, ni par l'opposition. Les contrôles de l'ONEL, les actions
efficaces du FRTE, la présence de nombreux observateurs internationaux
le jour du scrutin ainsi que l'implication réelle des radios
privées et des journalistes de la presse écrite durant la
campagne ont permis au scrutin du 27 février 2000 d'être
pratiquement irréprochable.
Toutefois, une période de flottement suit l'annonce de
la mise en ballottage du Président sortant. Les rumeurs les plus folles
circulent dans les rues de Dakar. Il est dit notamment qu'Abdou Diouf va se
désister en faveur de Moustapha Niasse et annoncer son retrait
définitif de la vie politique sénégalaise 151 . Cette
confusion est la conséquence directe du silence postélectoral
d'Abdou Diouf et de l'agitation interne qui secoue le parti gouvernemental.
En effet, malgré la quasi-certitude qu'Abdou Diouf ne
pourrait pas être élu au premier tour, le PS ne s'est pas
préparé psychologiquement à devoir mener un second tour
d'élection présidentielle 152 . Les premiers communiqués
socialistes se veulent pourtant rassurants. Les directeurs de campagne PS
déclarent qu'un second tour est une bonne chose, qu'il montre la
maturité de la démocratie sénégalaise et n'annonce
en rien la défaite d'Abdou Diouf. Pour étayer sa
démonstration, le PS évoque l'exemple de... Jacques Chirac 153 .
Cependant, on note un changement d'attitude du parti gouvernemental.
Contrairement à leurs propos antérieurs, les socialistes invitent
à présent Moustapha Niasse et Djibo Kâ à les
retrouver, comme l'indique les propos d'Abdourahim Agne : "il n'y a pas de
divergences de fonds, car ils
150 Diop-Diouf-Diaw, "Le baobab a été
déraciné : L 'alternance au Sénégal", pp.1 58,
PoA 78, juin 2000.
151 Le Soleil, 2 mars 2000.
152 Ousmane Tanor Dieng l'avoue lui-même implicitement
quand il déclare au cours de la campagne : "le deuxième tour
ne fait pas parti de mes préoccupations. Je travaille pour élire
notre candidat au premier tour. Ma manière de travailler est de faire
les choses les unes après les autres. ". "OTD confirme : l'obj ectif du
PS demeure la victoire au premier tour", Le Soleil, 13 février
2000.
153 L'exemple de Jacques Chirac est quelque peu
déroutant. Bien qu'il soit un ami personnel d'Abdou Diouf, le
Président français est avant tout un homme de droite, donc plus
proche idéologiquement de Wade. De plus, Jacques Chirac en 1995 a
terminé le premier tour des élections présidentielles en
deuxième position, derrière Lionel Jospin. L'exemple
utilisé par le PS ne fait donc finalement que relayer la thèse
qu'une victoire d'Abdoulaye Wade est belle et bien envisageable au second
tour... Le Soleil, 2 mars 2000.
(Moustapha Niasse et Djibo Kâ) se réclament
tous les deux du socialisme démocratique. Nous pouvons avoir des
contradictions dans la vie" 154.
Ousmane Tanor Dieng ne fait quant à lui aucune
déclaration officielle, étant donné que depuis l'annonce
des premiers résultats, il est accusé par certains caciques du PS
d'être l'unique responsable de la "déroute électorale". On
critique son omnipotence, son omniprésence mais aussi son
incompétence. Le plus virulent à son encontre est le maire de
Rufisque, M'baye Jacques Diop. Ce dernier demande à Abdou Diouf "de
tirer toutes les conséquences du scrutin" et destituer son homme de
confiance 155 . La PS offre ainsi le spectacle d'une formation
complètement désunie et au bord du gouffre. La maison bâtie
par Senghor est sur le point de s'écrouler sur elle-même, ce qui
fait dire à certains proches d'Abdoulaye Wade : "si nos adversaires
se chargent eux-mêmes de Diouf, nous n'aurons plus qu'à nous
croiser les bras en attendant que le fruit tombe" 156.
Néanmoins, Ousmane Tanor Dieng bénéficie
touj ours de l'appui de quelques membres influents du bureau politique, tels
que Aminata Mbengue Ndiaye ou Abdourahim Agne. Les médias d'Etat le
soutiennent également. Par exemple Le Soleil dénonce
dans ses colonnes les attaques portées à l'encontre du premier
secrétaire socialiste 157.
De manière à clore un conflit qui porte
préjudice à sa campagne, Abdou Diouf convoque son directoire. Il
sort donc de son mutisme et réapparaît en public le 1er mars 2000
pour mettre fin, provisoirement, à la crise qui touche le PS.
Il décide au cours de cette réunion de maintenir
Ousmane Tanor Dieng à la tête du PS. Il peut difficilement faire
autrement, lui qui une semaine auparavant a présenté
explicitement Ousmane Tanor Dieng comme son successeur à la ville de
Thiès : "je vous le confie comme le Président Senghor vous
avez confié son directeur de cabinet, le jeune Abdou Diouf" 158 .
Si ce maintien a été considéré a posteriori
comme une erreur par certains 159 , on juge que la reconduction de Tanor
Dieng est purement fictive. En effet, on note durant la campagne
électorale du premier tour une surabondance d'articles au sujet
d'Ousmane Tanor Dieng dans Le Soleil, le plus souvent dithyrambiques
160 . Or, après la réunion du 1er mars et sa reconduction
à la tête du bureau politique PS le 4 mars 2000, le ministre
d'Etat disparaît presque totalement des médias d'Etat, ce qui
n'est jamais très bon signe pour un homme politique au
Sénégal 161.
Il semble donc que Tanor Dieng ne soit confirmé que
provisoirement, Abdou Diouf devant maintenir un semblant de cohésion au
sein de son parti. "L'excommunication de Tanor Dieng" en pleine campagne du
second tour ne ferait en effet qu'aggraver une situation déjà
bien délicate suite à la démission de Mbaye Jacques
Diop.
Ce dernier est pourtant considéré avant la
campagne présidentielle comme l'un des soutiens les plus sûrs
d'Abdou Diouf. Maire de Rufisque, unique "bastion" socialiste au sein d'une
154 Khalifa Sall, responsable des élections au PS, dit le
même jour au Soleil : "nous sommes disposés à discuter
avec tous ceux qui peuvent contribuer à la réélection du
Président Diouf". Le Soleil, 2 mars 2000.
155 Francis Kpatindé, "L 'alternance en ligne de
mire", Jeune Afrique, 7 mars 2000.
156 Francis Kpatindé, "L 'alternance en ligne de
mire", Jeune Afrique, 7 mars 2000.
157 "Le directoire fait bloc derrière Tanor", Le
Soleil, 1er mars 2000.
158 Le Soleil, 25 février 2000.
159 Habib Thiam juge que le maintien de Tanor Dieng par Abdou
Diouf est "une réaction humaine mais pas politique". Habib
Thiam, Par devoir et amitié, pp.213, Paris, Rocher, 2001.
160 Voir à titre d'exemples : "Tanor
dénonce les cigales de l'opposition", Le Soleil, 16 janvier 2000 ;
"Tanor fait un tabac à Banjul", Le Soleil, 28 janvier 2000 ;
"Tanor à New York : les socialistes revigorés", Le
Soleil, 14 février 2000 ; "OTD à Mbour : le bon choix, c'est
le Président Abdou Diouf", Le Soleil, 20 février 2000 ;
"Le directoire fait bloc derrière Tanor", Le Soleil, 1er mars
2000.
161 Une seule fois le nom de Tanor Dieng apparaît dans les
colonnes du Soleil au cours du second tour, et ceci à
l'occasion... du retour en grâce de Djibo Kâ au PS. "Le oui de
Djibo Kâ", Le Soleil, 15 mars 2000.
région dakaroise au couleur libérale - le
candidat socialiste obtient d'ailleurs 3 9,25 % dans le département de
Rufisque au premier tour - Mbaye Jacques Diop est l'un des 94 membres du
directoire de campagne dirigé par Ousmane Tanor Dieng. Il
n'hésite pas durant la campagne à attaquer à plusieurs
reprises aussi bien Wade que les deux dissidents socialistes : "je suis
plus ancien qu'eux (Moustapha Niasse et Djibo Kâ) dans le parti. J'ai les
militants de Rufisque derrière moi, mais je n 'ai pas, comme eux, cla
qué la porte. Et pourtant, ils ont dans le passé eu plus de
faveurs que moi" 162.
Très engagé durant le premier tour, le maire de
Rufisque est victime de représailles : deux de ses maisons sont
incendiées le 23 février 2000 par des militants de l'opposition.
En guise de soutien, Abdou Diouf lui rend visite le lendemain de l'incident
163.
L'union affichée entre les deux hommes s'effrite
après la communication des résultats du premier tour. Mbaye
Jacques Diop, en plus de réclamer le départ de Tanor Dieng,
soumet l'idée à Abdou Diouf de se retirer de l'élection
présidentielle : "si vous pensez, comme beaucoup parmi nos
camarades, qu'il ne serait pas décent, en l'état actuel de la
situation, que vous mainteniez votre candidature au risque de connaître
un désaveu de l'électorat, nous serions prêts, un certain
nombre de camarades et moi, à demander la permission de nous organiser
en conséquence, afin que votre oeuvre à la tête de
l'État et du Parti Socialiste [notre oeuvre commune] soit
perpétuée et que votre pensée politique, ainsi que les
valeurs du socialisme démocratique, soient préservées"
164.
Mis en minorité, Mbaye Jacques Diop démissionne
du PS le 2 mars 2000 pour se rapprocher immédiatement de... Moustapha
Niasse. Il rejoint une opposition qu'il avait qualifiée en 1998 de "plus
bête du monde" 165 . Pour se justifier, il explique à la presse
qu'il subit "depuis quelques années, exactions, injustices,
ostracisme et une réelle marginalisation" 166 . Mbaye Jacques Diop
milite ainsi durant le second tour pour l'alternance politique,
prédisant une victoire à 90% d'Abdoulaye Wade dans son fief de
Rufisque. Pleinement engagé dans le projet wadiste, il n'hésite
pas à s'afficher en compagnie de son nouveau favori le dernier jour de
campagne dans les rues de Dakar.
Le changement radical de cap effectué par le maire de
Rufisque est le cas le plus exemplaire de la transhumance politique effective
durant l'entre-deux tour. De nombreux dirigeants socialistes décident de
quitter le bateau PS, au bord de la dérive, pour rejoindre
l'équipage d'Abdoulaye Wade - rassemblé au sein du Front pour
l'Alternance (FAL) 167 - l'objectif étant pour eux de conserver les
mêmes pouvoirs et les mêmes privilèges au lendemain d'une
alternance politique imminente.
Bien qu'officiellement le départ de Mbaye Jacques Diop
ne soit pas dirigé contre Abdou Diouf 168 , cet événement
a un impact très négatif sur sa campagne. La maison socialiste se
vidant à vue d'oeil, le Président sortant tente alors
personnellement de faire revenir Moustapha Niasse et Djibo Kâ à
ses cotés. Il demande notamment à la France, Denis
Sassou-Nguesso
162 "Mbaye Jacques Diop : Abdou Diouf sera
réélu dans la transparence", Le Soleil, 22 février
2000.
163 "Deux maisons de Mbaye Jacques Diop incendiées",
Le Soleil, 24 février 2000 et " Abdou Diouf chez Mbaye Jacques
Diop", Le Soleil, 25 février 2000.
164 Francis Kpatindé, "L 'alternance en ligne de
mire", Jeune Afrique, 7 février 2000.
165 Le Soleil, 15 octobre 1998.
166 Le Soleil, 3 mars 2000.
167 Fal veut dire également "élire" en
wolof. Francis Kpatindé, "En attendant le 19 mars...", Jeune
Afrique, 14 mars 2000.
168 Mbaye Jacques Diop dit en effet : "Nous (Mbaye
Jacques Diop et Moustapha Niasse) avons construit la jolie maison qu 'est le PS
d'aujourd'hui. Si nous ne nous sentons plus à l'aise chez nous, nous
sommes obligés d'aller chercher ailleurs. Mais ce n'est pas de
gaîté de coeur que nous le faisons, car le Président Abdou
Diouf est un homme de grande qualité ". Le Soleil, 5 mars 2000.
(Président du Congo) et Omar Bongo (Président du
Gabon) de jouer les intermédiaires pour faire entendre raison à
ses deux anciens ministres 169 . Sans grands résultats.
En effet, le FAL apparaît solide, doté d'un
programme cohérent, articulé autour du ticket Wade-Niasse. Pour
s'assurer définitivement le soutien de Moustapha Niasse, le candidat PDS
lui propose le 2 mars 2000 de devenir, en cas de victoire, son Premier
ministre. Sans surprise, Niasse privilégie cette offre à celle du
Président sortant. Il conserve ainsi le cap qui est le sien depuis son
coup d'éclat du 16 juin 1999 : oeuvrer pour le départ d'Abdou
Diouf 170 . L'ancien ministre d'Etat franchit donc définitivement le
Rubicon et bâtit avec Wade un programme commun pour le second
tour. Il reprend les grands thèmes développés par le FRTE
depuis de nombreuses semaines : mise en place d'un gouvernement de transition
dirigé par Moustapha Niasse jusqu'à la dissolution effective du
Parlement élu en 1998, élaboration d'une nouvelle Constitution
instaurant un régime parlementaire, suppression du Sénat etc.
Ce binôme apparaît complémentaire aux yeux
des contemporains et semble capable de rallier à sa cause une grande
partie du pays : le candidat libéral bénéficie d'une
très grande popularité auprès de la jeunesse dakaroise et
des centres urbains tandis que Niasse a le soutien de nombreux senghoristes et
un bastion électoral assez conséquent dans la région de
Kaolack et ses alentours. De ce fait, si on additionne les résultats du
premier tour, le ticket Wade-Niasse supplante le score réalisé
par Abdou Diouf, 47,73 % contre 41,33 %.
Moustapha Niasse étant définitivement
ancré dans l'opposition, Abdou Diouf table sur les abstentionnistes du
premier tour, qui représentent... 1 047 012 électeurs, et sur un
ralliement tardif de Djibo Kâ pour espérer l'emporter. En effet,
le fondateur de l'URD est quelque peu délaissé par Abdoulaye Wade
durant l'entre-deux tour, même si promesse lui est faite d'avoir un
ministère important dans le futur gouvernement Niasse.
Dans un premier temps, Djibo Kâ refuse le rapprochement
proposé par Abdou Diouf. Reçu par le chef de l'Etat au palais
présidentiel, il l'invite même à "ne pas se
présenter au second tour du scrutin, parce que c'est la demande
populaire la plus partagée" 171 . Ces propos scandalisent les
hauts-dirigeants PS, puisque Djibo Kâ s'était visiblement
engagé avant la rencontre à appeler ses militants à voter
en masse pour le candidat socialiste. En dupant Abdou Diouf, on pense que le
fondateur de l'URD cherche à prendre sa revanche sur celui qui l'a
clairement écarté du pouvoir en 1995 en faveur d'Ousmane Tanor
Dieng 172.
Nonobstant ce pied de nez au régime dioufiste, le
secrétaire général de l'URD prend les jours suivants ses
distances avec le FRTE. Si l'URD conclue avec la coalition Alternance 2000 un
programme commun de gouvernance, on apprend par l'intermédiaire du
Soleil que contrairement aux autres dirigeants de l'opposition, Djibo
Kâ n'assiste pas personnellement à la réunion du FAL du 11
mars 2000 173.
Cette attitude s'explique par l'immense influence du ticket
Wade-Niasse au sein du FAL, qui laisse peu de place au fondateur de l'URD, et
surtout par la mise à l'écart d'Ousmane Tanor Dieng, qui offre
une possibilité à Djibo Kâ de prendre les commandes du PS.
Possibilité accrue après l'appel présidentiel du 13 mars
2000.
169 "Bongo à la rescousse de Diouf", Jeune
Afrique, 4 avril 2000.
170 Voir à ce sujet : Assou Massou, "Moustapha
Niasse : Diouf sera battu", Jeune Afrique, 22 janvier 2000 ; "Trois
questions à... Moustapha Niasse ", Le monde, 18 février 2000
; "Que peut apporter Niasse à Wade ? ", Jeune Afrique, 7 mars
2000.
171 "Second tour difficile pour le Président Abdou
Diouf ", Le monde, 4 mars 2000.
172 Cette "théorie de la vengeance" est soutenue par
Habib Thiam dans ses mémoires politiques à la page 214. Habib
Thiam, Par devoir et amitié, Paris, Rocher, 2001.
173 Le Soleil, 12 mars 2000.
"J'invite Djibo Kâ, secrétaire
général de l'URD, à se tenir prêt pour mener,
à mes cotés et avec toute l'équipe victorieuse, les
changements de politique, de structures et de méthodes que veut le pays.
Je demande également au Renouveau démocratique, qui a une
réalité politique significative, de se mobiliser en synergie avec
le PS. "174.
Cet appel fait suite à un remaniement du programme
d'Abdou Diouf. Dans l'espoir de briser le front antidioufiste, le
Président sortant tente d'idéologiser la campagne, à la
manière de
l'initiative tanorienne d'octobre 1999. Il renoue avec une
phraséologie socialiste quelque peu abandonnée depuis le
début des années 1980. Il évoque notamment une politique
de plein
emploi et de lutte contre la pauvreté, la constitution
d'un gouvernement de gauche plurielle etc. Pour convaincre l'électorat
sénégalais, Abdou Diouf synthétise son "nouveau" programme
en dix points 175 :
1/ Formation d'un gouvernement de majorité plurielle de
gauche
2/ Organisation d'un référendum sur la nature du
régime politique sénégalais
3/ Epongement des dettes du monde rural
4/ Baisse du taux d'intérêt du crédit
agricole de 7,5 à 3 %
5/ Amélioration de la situation des personnes du
troisième âge :
- Généralisation de la retraite à 60 ans
- Mensualisation des pensions de l'IPRES
- Défiscalisation des pensions de retraite
- Gratuité des soins de santé à partir de
60 ans
6/ Mise en place d'un fonds de 30 milliards FCFA pour le
financement des projets destinés aux femmes 7/ Augmentation de 50 % du
nombre des boursiers et recrutement des sortants de l'école normale
supérieure et des écoles de formation des instituteurs
8/ Augmentation de 30 milliards FCFA du fonds national d'action
pour l'emploi destiné à la création d'emplois pour les
jeunes
9/ Création d'une banque pour le développement
10/ Création d'un département ministériel
des émigrés chargé :
- De négocier les accords avec le pays d'accueil,
favorisant le co-développement
- De l'assistance des émigrés
- De l'organisation de leur réinsertion au retour
Ces dix points visent avant tout à séduire les
ruraux, les jeunes et le troisième âge. En
proposant l'effacement de la dette rurale, la gratuité
des soins pour les personnes âgées et la création d'un
fonds spécial pour les jeunes, Abdou Diouf semble prêt à
abandonner sa
politique macroéconomique prudente pour mettre l'accent
sur le développement. Il prend donc en considération les
critiques de l'opposition qui lui reprochent depuis le début de la
campagne d'avoir favorisé durant son septennat le
rééquilibrage des budgets de l'Etat et non le remplissage des
ventres creux des Sénégalais.
Djibo Kâ croit certainement que le nouveau discours
dioufiste, moins libéral et plus
"senghorien" que le
précédent, peut inciter l'aile la plus radicale de l'URD à
accepter une union avec le PS. C'est pourquoi le fondateur de l'URD
répond favorablement à l'appel
présidentiel le 14 mars 2000, soit cinq jours avant le
second tour de scrutin. Pour les contemporains, il s'agit là d'un
véritable coup de théâtre, puisque rien ne laissait
présager une réconciliation Diouf-Kâ 176 . Les membres de
l'URD sont aussi pris au dépourvu, n'ayant
semble-t-il pas été avertis au préalable
du ralliement de leur secrétaire général. Dans sa
grande
majorité, la formation politique condamne fermement
l'alliance conclue par Kâ avec le camp présidentiel. La direction
exécutive de l'URD invite de ce fait ses militants "à
poursuivre le
travail et à accepter les responsabilités qu
'ils occupent au sein du FAL (...) d'autant que c 'est
174 "L'appel à Djibo Kâ", Le Soleil, 14
mars 2000.
175 Le Soleil, 17 mars 2000.
176 Le Monde, 16 mars 2000.
la majorité de l'URD qui est dans le front"
177.
L'initiative de Kâ est finalement un acte isolé,
qui ne garantit en rien un report convenable des voix de l'URD en faveur de la
formation socialiste, car contrairement à l'AFP de Moustapha Niasse,
l'URD n'a pas été bâti uniquement autour de son
secrétaire général. Bien qu'il bénéficie
d'une grande aura dans sa formation, la constitution hétéroclite
de l'URD - rassemblant à la fois des dissidents socialistes, la
clientèle de Kâ et des membres d'anciens partis marxistes - pousse
plus les sympathisants à suivre la voie du sopi qu'à
rallier sa position.
Malgré l'incertitude entourant la "qualité" de
ce soutien, la propagande étatique fête la "réconciliation
de la grande famille socialiste". Du jour au lendemain, l'URD retrouve les
faveurs du pouvoir, Le Soleil devenant même une tribune
d'expression pour certains cadres du Renouveau, chose inimaginable... une
semaine auparavant 178.
Le retour de Djibo Kâ aux cotés d'Abdou Diouf
bouleverse l'ordre établi, le Président promettant d'accorder une
large place à ses nouveaux alliés dans l'organigramme PS
après les élections. Cette future réorganisation du parti
laisse présager l'évincement définitif de Tanor Dieng,
comme l'atteste la position présidentielle du 5 mars 2000.
"Moi je suis un démocrate sincère. Le parti
est un parti démocratique avec une démocratie interne. Les hommes
sont choisis par la base et ensuite, au sommet, c 'est un congrès qui
décide de ceux qui doivent diriger le parti. Cela dit, si je suis
réélu comme Président de la République, pour ce qui
est de mes responsabilités au niveau de
l 'Exécutif, bien sûr que j 'opérerai
des changements. Non seulement au niveau des structures, des politiques, mais
aussi au niveau des hommes. C 'est clair et net. Maintenant, il appartiendra
aux militants du Parti socialiste à décider s 'ils veulent garder
leurs responsables ou bien s 'ils ne veulent pas les garder"
179.
Dans une autre conférence de presse, datée du
18 mars 2000, Abdou Diouf exprime sa volonté de voir Djibo Kâ
réintégrer le PS. Il annonce aussi la tenue prochaine d'un
congrès extraordinaire socialiste pour prendre en compte les demandes du
Renouveau. Le chef de l'Etat laisse ainsi implicitement entendre que le
fondateur de l'URD sera le prochain locataire de la Primature en cas de
réélection180. Par conséquent, dans l'esprit
dioufiste, Djibo Kâ va supplanter Ousmane Tanor Dieng à la
tête du PS et de l'Etat.
Cette perspective de changement provoque une nouvelle
dynamique dans la campagne dioufiste. En outre, Abdou Diouf
bénéficie au même moment d'un "engouement tidjane" autour
de son nom. A l'inverse des Mourides, qui restent officiellement neutres -
Touba a cependant voté majoritairement pour le candidat sopiste au
premier tour 181 - la confrérie tidjane apporte son soutien au
Président sortant par l'intermédiaire de son Khalife
général. Ce dernier invite les fidèles à voter
Diouf, en dépit de l'appel contradictoire des niassènes qui eux,
calquant leur position sur celle de Moustapha Niasse, convient les
électeurs à rejoindre le camp wadiste.
177 "Le oui de Djibo Kâ ", Le Soleil, 15 mars
2000.
178 Aliou Ndao Fall, "Non, Djibo Kâ n'a pas trahi",
Le Soleil, 17 mars 2000.
179 Le Soleil, 6 mars 2000.
180 "Abdou Diouf face à la presse : mon appel au
changement a trouvé un écho favorable", Le Soleil, 19 mars
2000.
181 Une alliance tacite se noue entre Abdoulaye Wade et le
Khalife général des Mourides durant l'entre-deux tour. Wade
insiste sur ses liens avec la confrérie, se rend à Touba et se
revendique comme étant un talibé du Khalife
général. Il rompt ainsi avec la "neutralité religieuse
socialiste" en vigueur depuis l'indépendance en déclarant :
"dans n'importe quel pays, le dirigeant se réclame d'une
communauté". Le Soleil, 14 mars 2000.
Le chef de l'Etat enregistre également le ralliement
des Moustarchidines, qui ont pourtant formulé au premier tour des
critiques acerbes à son encontre. Ce positionnement de l'association a
été, selon les socialistes, l'une des principales causes du
mauvais score dioufiste à Dakar : "le vote des Moustarchidines nous
a fait beaucoup de mal. Pratiquement partout à Dakar, Wade a toujours
deux cents voix de plus" 182.
Le pouvoir estime que les Moustarchidines ont une influence
telle qu'un soutien en faveur de Diouf peut permettre au chef de l'Etat de
retrouver une certaine aura auprès de la jeunesse dakaroise. L'objectif
est bien évidemment de réduire l'écart de 202 650 voix qui
a séparé Abdou Diouf du ticket Wade-Niasse au premier tour dans
la région de la capitale.
On comprend mieux pourquoi le candidat socialiste exprime une
grande satisfaction à l'annonce du ralliement de Serigne Cheikh Ahmed
Tidiane Sy, à quelques heures seulement du second tour de scrutin. Diouf
qualifie alors cet appui de "pêche miraculeuse"
183.
Cependant, ces soutiens masquent bien mal les
difficultés dioufistes. Outre l'agitation qui traverse le PS, Abdou
Diouf fait face à une polémique qui enfle durant le second tour.
Wal Fadjri, journal indépendant sénégalais,
révèle à la veille du premier tour de scrutin, le 19
février 2000, que les 140 parlementaires sénégalais se
sont octroyés en catimini une revalorisation salariale
conséquente. Dans un pays où le pouvoir d'achat décline
d'année en année, cette nouvelle est très mal
perçue par une grande partie des électeurs, qui font le
rapprochement entre cette augmentation salariale et le laxisme dioufiste
vis-à-vis des manigances socialistes. Par conséquent,
l'ébruitage de cette affaire renforce "leur désir d'en finir
avec des gens perçus comme se servant mais qui ne servent pas l'Etat"
184 . Diouf essaie tant bien que mal de se démarquer du
comportement de ses parlementaires. Il condamne fermement leur initiative, en
s'abritant - une nouvelle fois - derrière la sacro-sainte
séparation des pouvoirs pour justifier sa méconnaissance du
dossier.
"L 'affaire du sursalaire que les députés
de l 'Assemblée nationale se sont octroyés m 'a affligé.
Souvenez-vous du Plan d'urgence en 1993 et des sacrifices qui ont
été consentis par tous les salariés
sénégalais. Moi-même, j 'avais demandé que mon
salaire de président de la République soit réduit de
moitié. Je gagnais environ sept cent mille FCFA à l
'époque. Depuis, mon bulletin de solde affiche trois cent cinquante
mille FCFA. Aujourd'hui encore, c 'est ce que je gagne chaque mois. Je n 'ai
pas voulu revenir sur cette décision même après la
dévaluation
Les députés n 'ont pas pris cette
décision après une discussion budgétaire. C 'est en leur
propre sein qu 'ils ont décidé de puiser dans leur propre budget.
Nous sommes en régime de séparation des pouvoirs selon la
Constitution. Moi, je suis le chef de l 'Exécutif. Le Législatif
a son autonomie de gestion. S 'ils m 'avaient demandé mon avis ou bien s
'ils m 'avaient tenu informé, ils ne l 'auraient pas fait. Je l 'ai
appris comme tout le monde à la lecture de vos journaux."
185.
En condamnant l'initiative parlementaire lors de ses deux
conférences de presse d'entre-deux tours, Abdou Diouf laisse
apparaître son embarras. En effet, cette affaire ne fait qu'appuyer le
besoin de changement défendu par Abdoulaye Wade. Si ce dernier conserve
durant le second tour un discours particulièrement offensif à
l'égard du Président - il le surnomme "monsieur je m'engage" et
effectue à chacune de ses marches bleues un sondage à main
levée provocateur
182 Le Soleil, 1er mars 2000.
183 "Le vote décisif des Moustarchidines" et
"Abdou Diouf face à la presse : mon appel au changement a
trouvé un écho favorable", Le Soleil, 19 mars 2000.
184 Hamad Jean Stanislas Ndiaye, "La communication
politique dans les élections au Sénégal : l'exemple du PS
(Parti Socialiste) et de l'AFP (Alliance des Forces de Progrès) en l'an
2000", Université Gaston Berger de Saint-Louis
(Sénégal).
185 Le Soleil, 6 mars 2000.
pour démontrer l'ampleur du chômage dans le pays
186 - Abdoulaye Wade tente aussi de
ratisser au-delà de son électorat traditionnel,
urbain et jeune. Pour accomplir et réussir sa tâche, Abdoulaye
Wade modifie essentiellement... son apparence. Il abandonne le costume de
ville et renoue avec le boubou traditionnel, de manière
à séduire un monde rural fortement attaché aux traditions
vestimentaires sénégalaises.
A l'instar de son concurrent, Abdou Diouf s'évertue
à élargir son électorat. Dans ses discours
et ses déplacements, il vise principalement les
populations urbaines et la jeunesse. Pour séduire une population qui lui
est "historiquement" hostile, Diouf change ses habitudes. Il
adopte une attitude plus décontractée et moins
distante.
Il participe ainsi à l'émission radiophonique
populaire "xel xelli" (partage des connaissances
en wolof) alors que contrairement aux autres candidats, il avait
refusé de prendre part à celleci lors du premier tour 187 . Il
établit un lien direct avec l'électorat sénégalais,
puisqu'il répond
durant deux heures aux questions posées par les
auditeurs de Sud FM. A cette occasion, le Président sortant
tente de "casser" son image de nanti, en insistant sur ses origines modestes et
en rappelant qu'il a du, pour poursuivre ses études, avoir recours
à une bourse 188.
Le chef de l'Etat essaie également lors de ce second
tour de séduire la presse nationale et
internationale. Distant par nature, Abdou Diouf a
négligé comme à son habitude le pouvoir médiatique
au cours de ses trois premières semaines de campagne, à l'inverse
d'Abdoulaye
Wade, qui n'a pas hésité à engranger les
interventions officielles et officieuses. Mesurant la sympathie des
médias pour la candidature wadiste, Abdou Diouf multiplie les points
presse
durant l'entre-deux tour. En une dizaine jours, le pouvoir
organise pas moins de quatre conférences de presse, soit plus que durant
la totalité du septennat dioufiste. En plus de
défendre son bilan et d'exposer son projet, ces
rencontres sont l'occasion pour le candidat PS de faire son mea culpa
vis-à-vis des journalistes.
"Vous savez, c 'est peut-être un défaut chez
moi. Je ne vais jamais vers la presse. Ce n 'est pas dans mon
tempérament. C'est la presse qui vient vers moi. Puisque vous le voulez,
je vi ens vers vous. Parce qu 'on m 'a dit que la presse veut vous entendre,
que vous lui parliez. Pendant la campagne, j 'ai eu à parler à
quelques journalistes, le plus souvent de la presse étrangère,
qui sont venus me le demander. Mais la presse de mon pays ne m 'a pas
posé de question. Je suis l 'homme le plus accessible. Car vous lisez
tous les jours la fiche d'audiences. Si la presse nationale a besoin de moi, je
suis à sa disposition. Encore une fois, je suis le serviteur du peuple
et de l 'une de ses composantes honorables, la presse nationale"
189.
Enfin, Abdou Diouf abandonne les grands meetings pour
privilégier les contacts de proximité
et les réunions avec des groupes d'électeurs. Mal
à l'aise et mal conseillé, ce changement d'attitude n'a pas
l'effet escompté. Les initiatives dioufistes mettent non pas en
lumière son
accessibilité mais plutôt son manque de
spontanéité, rendant les démarches présidentielles
parfois caricaturales. Parmi les ratés les plus "grossiers" : la
réception d'un panel de femmes
sénégalaises... à "la maison du Parti
socialiste" et la visite d'un marché de poissons en début
d'après-midi, heure à laquelle les étalages des
poissonniers sont généralement... vides 190.
Ces anecdotes démontrent à elles seules la
médiocrité de la campagne du second tour. Ce fait
est dû principalement au manque de préparation des
candidats et des institutions. Rien n'a été prévu en cas
de second tour : ni débat télévisé, ni calendrier
électoral, ni rallonge financière,
ni durée de campagne officielle etc.
186 La question rituelle étant : "chômeurs,
levez la main".
187 Avant mars 2000, Abdou Diouf n'a d'ailleurs jamais
participé à une émission de radio privée.
188 Le Soleil, 12 et 13 mars 2000.
189 Le Soleil, 6 mars 2000.
190 "Jacques Séguéla, un sorcier blanc au
service du Président", Le Monde, 16 mars 2000.
Pour ce qui est du débat
télévisé, l'entourage d'Abdoulaye Wade fait pression afin
que cette confrontation ait lieu. En effet, la verve et le "wolof imagé"
du candidat libéral lui donne un avantage certain sur le
Président sortant, peu à l'aise face aux caméras. Outre
les qualités oratoires d'Abdoulaye Wade, Diouf craint que le chantre
du sopi se serve de cet événement pour "lui balancer
n'importe quoi" 191 . Ayant plus à perdre qu'à gagner, le
chef de l'Etat minimise l'importance d'un tel débat.
"Je ne suis pas demandeur, mais pourquoi pas ; si les
modalités en sont bien définies, bien clairement établies.
Je pense que c 'est un débat qui peut permettre d 'éclairer l
'opinion publique sur les choix et sur les changements souhaités. Mais
encore une fois, il faut que ce soit un débat bien organisé,
surtout qui permette en dehors de toute démagogie de parler des vrais
problèmes des Sénégalais. Il s 'agit de ne pas être
des marchands d'illusions, ne pas promettre la lune, mais de dire ce qui est
possible" 192.
Les tractations entre les états-majors du PS et du FAL
durent plusieurs jours. Alors que le camp wadiste réclame un
"débat à la française", avec la possibilité pour
les deux candidats de s'adresser la parole et... de se la couper, les proches
d'Abdou Diouf suggèrent un face-à-face à
l'américaine, très réglementé, avec des questions
connues à l'avance et une impossibilité de communication entre
les deux participants. Les deux camps ont donc une vision totalement
différente de ce que doit être ce moment clef de la campagne
électorale.
En adoptant une position antagoniste à celle de
l'opposition, les socialistes désirent empêcher la tenue d'un tel
débat. Ils arrivent finalement à leur fin, puisque la
confrontation est purement et simplement annulée le 13 mars 2000.
Cependant, Abdoulaye Wade saisit cette opportunité pour souligner la
mauvaise volonté dioufiste. Il se rend en compagnie de Moustapha Niasse
dans les studios de la RTS - la chaîne de télévision
sénégalaise - le 14 mars 2000, jour initialement prévu
pour le débat. Assis devant un fauteuil vide pendant plusieurs dizaines
de minutes, Wade raille son adversaire en déclarant : "j'ai
accepté toutes les conditions de ce débat avec Abdou Diouf (...)
le combat est fini faute de combattant" 193.
Privés de débat Diouf-Wade, les
Sénégalais se détournent d'une campagne jugée
décevante par les contemporains, "le débat politicien ayant
totalement occulté le contenu réel des programmes"
194. En outre, les deux candidats subissent la
concurrence de la tabaski - l'aïdel-kébir - l'une des
fêtes musulmanes les plus importantes de l'année. Celle-ci tombe
le 17 mars 2000, soit deux jours avant le scrutin.
La date du second tour, qui ne doit certainement rien au
hasard, avantage les socialistes. En effet, nombreux sont les habitants des
grandes agglomérations qui retournent traditionnellement dans leur
village d'origine lors de la tabaski. Les difficultés de
transports aidant, une diminution du nombre de votants à Dakar et
à Thiès - deux villes où Diouf a largement perdu au
premier tour- est à prévoir pour le 19 mars 2000. Les socialistes
espèrent donc que la tabaski va permettre un
rééquilibrage du poids électoral entre Dakar et le reste
du pays, et redonner ainsi une chance de victoire à leur candidat.
En dépit d'un possible affaiblissement de son
électorat dakarois, Abdoulaye Wade reste éminemment confiant. Il
ponctue sa campagne électorale à Thiès, sur le toit d'un
4x4 accompagné d'Abdoulaye Bathily, Moustapha Niasse et... Mbaye Jacques
Diop 195. Présenté comme le nouveau
Président du Sénégal par Idrissa Seck, le candidat
libéral prononce un
191 Propos d'un des proches conseillers d'Abdou Diouf. Francis
Kpatindé, "En attendant le 19 mars...", Jeune Afrique, 14 mars
2000.
192 Le Soleil, 6 mars 2000.
193 "Débat télévisé : Wade
à la RTS : je suis venu à l'heure", Le Soleil, 15 mars
2000.
194 Francis Kpatindé, "En attendant le 19 mars...",
Jeune Afrique, 14 mars 2000.
195 "Me Wade boucle sa marche bleue à Thiès",
Le Soleil, 19 mars 2000.
discours "préventif" à l'égard d'Abdou
Diouf. Il lui signale très clairement qu'il ne tolérera aucune
fraude électorale.
Bien que le chef de l'Etat appelle les
Sénégalais à voter dans le calme et la transparence le
jour du scrutin, la tension est très forte dans les rues de Dakar,
l'armée et la gendarmerie étant en "état d'alerte
maximal"196. Les communiqués alarmistes de certaines
organisations prédisant "un coup de force électorale"
197 poussent Paris à demander à ses
expatriés de constituer "des provisions de nourriture, d'eau, de
bougies, de carburant (...) et de se munir d'une radio pour suivre les
résultats du second tour". Touj ours sous le choc du putsch
ivoirien, la France envoie à Dakar des renforts militaires pour assurer
la sécurité de ses 16 000 ressortissants en cas de nouveau
succès socialiste. Dans l'esprit des contemporains, seule une victoire
wadiste peut empêcher "la vitrine démocratique
sénégalaise" de sombrer dans le chaos.