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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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1.3. Un Sénat boudé par l'opposition :

Le Sénat est un projet qui a été de nombreuses fois évoqué par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade durant les années 1980 et 1990. Finalement, c'est après l'adoption de la décentralisation que les contours du futur Sénat sont tracés par le Président de la République. Outre le fait que

15 "Lutte contre la corruption", Le Soleil, 24 août 1998 et "La motion de censure rejetée",Le Soleil 18 août 1998.

16 "Conseil constitutionnel : les recours de l'opposition rejetés", Le Soleil, 14 octobre 1998.

17 Assane Seck, Sénégal, émergence d'une démocratie moderne (1945-2005) : un itinéraire politique, pp.208, Paris, Karthala, 2005.

18 "Le PS s'indigne et riposte", Le Soleil, 13 septembre 1998.

son président devienne le troisième personnage de l'Etat, Diouf souhaite que cette chambre permette la représentation des collectivités territoriales au sein du pouvoir législatif. C'est pourquoi le scrutin indirect est privilégié et que seuls les membres de l'Assemblée nationale et les conseillers locaux, municipaux et régionaux sont consultés pour ces élections. En somme, le Sénat sénégalais se calque trait pour trait sur son homologue français.

Bien avant le raidissement des relations PS-PDS, Wade s'interroge sur l'utilité et le coût d'une telle assemblée. Ainsi, alors qu'il est toujours au gouvernement au moment du vote de la loi 02/98 instituant le Sénat, le PDS boycotte la consultation 19 . Il s'oppose également à la nomination directe de 12 des 60 sénateurs par le Président de la République. Cette mesure est sujette à polémique, les libéraux allant jusqu'à déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Ils arguent du fait que la Constitution interdit à "quiconque de s'arroger les attributs de la souveraineté nationale" 20 . La cour d'Etat donnera raison au Président de la République.

Les multiples désaccords Diouf-Wade, amplifiés par le climat post-électoral, ne favorisent pas l'acceptation du nouveau Sénat. Par conséquent, seules trois listes se présentent aux sénatoriales : celles du PS, du PLS, et du PAI. L'opposition est totalement absente de ce scrutin car les deux partis en concurrence avec les socialistes ne sont en fait que des "filiales" : le PAI de Majhemout Diop s'est rallié depuis 1993 sans condition à la politique dioufiste et le PLS, nouveau parti d'Ousmane Ngom, qui a rompu depuis 6 mois avec Abdoulaye Wade, s'est très sensiblement rapproché du cercle d'Ousmane Tanor Dieng depuis sa création. En raison d'une très large majorité d'électeurs socialistes et de l'absence d'opposants réels, le scrutin du 24 janvier 1999 se déroule tout naturellement dans une indifférence presque générale. C'est un sentiment d'échec qui prédomine à l'annonce des résultats.

Sans surprise, le PS gagne haut la main. Sur 10 775 suffrages valables (la participation est particulièrement élevée, étant donné que pour ces élections, elle est obligatoire), le parti gouvernemental obtient 9 840 voix (9 1,32 %), le PAI 609 (5,65 %) et le PLP 326 (3,03 %). Le Sénat, qui devait prolonger la réussite de "l'ouverture" constatée en 1996, ne fait que consacrer le monocolorisme socialisme : 58 sénateurs PS sont élus ou choisis - on compte parmi eux des "sages" tels que Babacar Bâ ou Assane Seck - tandis qu'en guise de "récompense" pour leur participation, Majhemout Diop (PAI) et Marcel Bassène (PLS) sont nommés par Abdou Diouf. Finalement, la seule surprise de cette consultation est le fort pourcentage de sénatrices élues, qui s'élève à 18,33 % (11 femmes sur 60 sénateurs ).

Cette Assemblée, dirigée par Abdoulaye Diack (PS), souffre donc dès sa création d'une illégitimité perceptible. C'est un réel échec pour Abdou Diouf, qui avait fait de la mise en place du Sénat l'un des objectifs prioritaires de son septennat. Ceci n'est pas la seule déconvenue que connaisse le chef de l'Etat en 1998. Sur le plan franco-sénégalais, Abdou Diouf est décrédibilisé par la campagne d'information menée par l'opposition lors de sa visite officielle à Paris. Sur le plan africain, il subit les répercussions de l'enlisement de l'armée sénégalaise aussi bien en Casamance qu'en Guinée-Bissau. En cette fin de millénaire, la vitrine sénégalaise apparaît belle et bien craquelée 21.

19 "Le Sénat passe : un vote boycotté par l'opposition ", Le Soleil, 15 février 1998.

20 "Désignation de sénateurs par le Président de la République", Le Soleil, 11 mars 1998.

21 Collectif "Survie", "France-Sénégal : une vitrine craquelée", Paris Montréal, l'Harmattan, 1997.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote