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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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5. Les élections législatives de 1998 :

5.1. Le départ des ministres PDS :

Depuis les premières déclarations tanoriennes concernant une possible réforme du code électoral, les rapports entre le PS et le PDS se sont considérablement détériorés. Seule la bonne entente entre Abdou Diouf et Abdoulaye Wade maintient un semblant d'unité au gouvernement. Celui-ci vacille un peu plus lorsqu' au mois de janvier 1998, le ministre de l'Economie et des Finances, Ousmane Sakho démissionne. Il est remplacé dans ses fonctions par son ancien adjoint, Lamine Loum.

Ce départ surprend puisque Ousmane Sakho, réputé pour son orthodoxie financière, est

127 "Le Renouveau ira aux élections", Le Soleil, 25 décembre 1997.

128 "Conseil national du PS : clarification", Le Soleil, 16 mars 1998.

populaire auprès des bailleurs de fonds internationaux depuis la dévaluation. Il a en effet

encouragé le Sénégal à se réformer et à définitivement abandonner les vieux principes économiques senghoriens. Si les bulletins gouvernementaux présentent cette démission

comme "un choix personnel" du ministre, Abdoulaye Wade contredit la version officielle et donne les vraies raisons de ce départ. Ces révélations n'ont pour seul but que d'affaiblir le

Premier ministre.

Le ministre d'Etat explique que Sakho n'a pas supporté de devoir piocher dans les bénéfices

de la privatisation pour couvrir les déficits du FED et rembourser le prêt de la BAD. Ces problèmes de remboursement réjouissent Wade, lui qui a touj ours exprimé son refus de voir

confier le FED au Premier ministre. Il indique dans une conférence de presse à ce sujet : "nous devons savoir si les importantes pertes qu 'il nous fait subir proviennent d'une erreur,

d'une négligence ou encore de l'incompétence. Auquel cas, l'on devrait retirer la gestion des fonds au Premier ministre pour incompétence" 129.

En janvier 1998, Abdoulaye Wade s'oppose aussi à une baisse de la proportionnelle pour les

élections législatives, boycotte le vote à l'Assemblée nationale instituant le Sénat mais... prône touj ours le maintien du PDS au gouvernement, affirmant que le chef de l'Etat compte encore

sur sa présence. Rien ne semble pouvoir briser ce pacte de non-agression conclu implicitement entre Diouf et Wade. Les rôles sont clairement définis : le Président de la

République s'abstient de prendre parti pour un camp dans le domaine de la politique intérieure tandis que Wade maintient un semblant de cohésion nationale en restant au gouvernement en dépit des protestations de sa base 130 . C'est pourquoi le chantre du sopi reste ministre d'Etat,

bien que les initiatives socialistes soient de plus en plus controversés.

Le jour du vote de la loi instituant le retour à la parité scrutin majoritaire - scrutin

proportionnel, un député socialiste, Niadiar Sène, propose via un simple amendement de porter le nombre de députés pour la prochaine législature de 120 à 140 131 . L'amendement, qui

n'est pas inscrit à l'ordre du jour, provoque la colère des députés libéraux. Outre le procédé - le PS récuse l'idée du coup de force, estimant que l'ordre de modification de la loi organique

ne précisait pas le contenu - ils critiquent l'absence de recettes compensatoire pour financer cette modification. De son coté, le PS soutient que ces nouvelles dépenses sont compensées

par la loi, celle-ci prévoyant la suppression... d'un poste de vice-président de l'Assemblée nationale, de deux secrétaires élus et de deux présidents de commission.

Il n'y a donc aucun consensus lors de cette modification de la loi organique. Le PDS, sans

grande illusion, dépose alors un recours devant le Conseil constitutionnel. A la grande surprise des libéraux, les sages rejettent l'amendement Niadar Sène le 24 février 1998, pour

les raisons suivantes :

"le nombre de députés est fixé par une loi organique, c 'est qu 'elle obéît à une procédure particulière qu 'en l'espèce, l'amendement dont il s 'agit a transgressé manifestement les règles particulières et spéciales prévues en matière de loi organique, qu'il n'a fait l'objet ni d'écrit (obligatoire), ni de communication préalable aux membres de l'Assemblée Nationale" 132.

Cette décision est historique. Pour la première fois depuis l'indépendance, le conseil des sages rejette une proposition de loi socialiste pour anticonstitutionnalité. L'espoir est de mise du

coté de l'opposition, cet événement semblant démontrer l'incapacité du pouvoir socialiste de

129 "La conférence de presse tourne court", Le Soleil, 23 janvier 1998.

130 "Me Wade rencontre son comité national", Le Soleil, 25 janvier 1998.

131 "La future assemblée", Le Soleil, 5 février 1998.

132 "L 'amendement Niadiar Sène rejeté", Le Soleil, 25 février 1998.

verrouiller à présent tous les leviers décisionnels de l'Etat. Cet optimisme, palpable dans les colonnes du Soleil, n'est cependant qu'éphémère. En effet, dès le 27 février 1998, un décret présidentiel convoque en session extraordinaire l'Assemblée nationale pour modifier l'article

L 0117 du code électoral. La modification de loi est ainsi votée légalement, par 62 parlementaires socialistes. Elle fait porter le nombre de députés à 140.

Le PDS redépose un recours devant le Conseil d'Etat pour "excès et détournement de pouvoir" du Président de la République, mais cette fois-ci, la constitutionnalité de la loi est établie. L'opposition dénonce alors les objectifs politiques du décret d'Abdou Diouf et rompt immédiatement avec un homme dont elle louait l'impartialité quelques semaines auparavant. Dorénavant, le chef de l'Etat n'est plus considéré comme un allié fiable.

En effet, Diouf montre par son décret sa partialité et pire, son implication personnelle dans la remise en cause du code électoral "presque parfait" de 1992. En agissant de la sorte, le chef de l'Etat commet une lourde erreur politique. Il est maintenant exposé aux critiques permanentes de l'opposition, qui ne fait plus de différenciations entre lui et son homme de confiance, Ousmane Tanor Dieng. Dans les déclarations des opposants, Diouf a troqué son costume de Président consensuel contre celui de monarque tout puissant, incapable d'être à l'écoute des revendications démocratiques de ses adversaires. Ces derniers veulent à présent sa chute pour mettre définitivement fin aux manigances PS. Bien involontairement, Abdou Diouf s'est lancé prématurément dans la campagne présidentielle de 2000.

Le pacte de non-agression conclu en 1995 entre Abdou Diouf et Abdoulaye Wade est brisé. La confiance étant rompue, les députés libéraux ne siégent plus au Parlement et les ministres PDS n'assistent plus aux réunions hebdomadaires du gouvernement. Logiquement, après s'être entretenu une vingtaine de minutes avec le chef de l'Etat, Abdoulaye Wade présente le 21 mars 1998 sa démission et celle de ses ministres 133 . Suite à ce départ, le Président de la République - mesurant certainement le poids de son erreur - propose dans son allocution du 4 avril 1998 un nouvel approfondissement de la démocratie sénégalaise. Il emprunte certaines vieilles revendications wadistes et propose la création d'un statut de chef de l'opposition et une loi sur le financement des partis politiques, de manière à permettre aux formations les moins fortunées d'avoir un meilleur accès aux médias et à la population 134.

Le soutien d'Abdou Diouf au PS fait donc régner après mars 1998 un climat de suspicion vis-à-vis du pouvoir. Pourtant, le chef de l'Etat garantit le bon déroulement des prochaines élections en prenant des dispositions en faveur de l'ONEL et d'une transparence accrue de l'administration.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard