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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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Chapitre 3 : Abdou Diouf reprend la main (1988-1993)

1. Un monde politique en quête d'apaisement :

C'est dans un climat de forte tension que commence le deuxième quinquennat d'Abdou Diouf. Après sa prestation de serment le 4 avril 1988, il forme une nouvelle équipe gouvernementale, largement renouvelée (13 rentrées, 11 sorties), qui s'articule autour des principaux ministres restés en place : Ibrahima Fall (Affaires Etrangères), Medoune Fall (Forces Armées), Seydou Madani Sy (Justice) et André Sonko (Intérieur), tous plus ou moins liés à Jean Collin, qui siège lui-même au gouvernement en tant que ministre d'Etat et secrétaire général de la présidence.

Les départs les plus remarqués sont ceux de la société civile. Ils tournent définitivement la page du "consensus national", thème largement employé par le chef de l'Etat entre 1983 et 1988, dont les ministres de la société civile étaient les symboles. Devant l'impopularité de la politique économique gouvernementale, les deux promoteurs de la politique d'ajustement - Mamadou Touré, ministre des Finances, et Cheikh Kane, ministre du Plan et de la Coopération - servent de "fusibles". Cette initiative a pour "avantage" de désigner des coupables et dédouaner le PS des choix économiques décidés durant le précédent quinquennat.

Iba der Thiam quitte également le gouvernement. Pourtant, il s'est largement impliqué dans la campagne dioufiste. Il paie en fait l'agitation scolaire et universitaire des années 1987-1988, le ralliement très visible de la jeunesse à Abdoulaye Wade mais surtout son entêtement à vouloir rester en marge du PS et de Jean Collin. Le ministère de l'Education Nationale et de l'Enseignement Supérieur, qui avait été mis sur pied en 1986 pour permettre à Iba der Thiam d'avoir les pleins pouvoirs sur l'enseignement, est scindé en deux après 1988. L'Education Nationale revient à Ibrahima Niang et Sahir Thiam hérite de l'Enseignement Supérieur. Les deux ministres, deux enseignants de formation - l'un professeur certifié de mathématique, l'autre professeur agrégé de mathématique - ont pour première mission... de mettre fin à la grève qui a débuté au cours de la campagne électorale. Ils y arriveront au bout... de 7 mois 1.

Quelques autres membres du gouvernement sont peu marqués politiquement, comme El Hadj Malick Sy (inspecteur des impôts) ou Ndioro Ndiaye (professeur agrégé de médecine). Cependant, la grande majorité des ministres sont issus du sérail socialiste, comme on le constate ci-dessous 2 :

- Jean Collin : Ministre d'Etat, Secrétaire Général de la Présidence de la République

- Médoune Fall : Ministre des Forces Armées

- Seydou Madani Sy : Ministre de la Justice Garde des Sceaux

- Ibrahima Fall : Ministre des Affaires Etrangères

- André Sonko : Ministre de l'Intérieur

- Serigne Lamine Diop : Ministre de l'Economie et des Finances

- Djibo Kâ : Ministre du Plan et de la Coopération

- Robert Sagna : Ministre de la Communication

1 Après avoir annulé l'année scolaire 1987-88, l'Etat fait de considérables efforts pour mettre fin à cette grève. Le gouvernement d'Abdou Diouf promet l'augmentation des bourses, la création de lycées, la réfection de nombreux bâtiments et le déblocage de 10 milliards FCFA pour la seule université de Dakar. Mais faute de moyens, ces promesses ne sont pas tenues, ce qui provoque une nouvelle crise scolaire et universitaire... l'année suivante. Francis Kpatindé, "Rentrée scolaire incertaine", Jeune Afrique, n° 1448, 5 octobre 1988.

2 Elimane Fall, "Le gouvernement de la décrispation ?", Jeune Afrique, n° 1424, 20 avril 1988.

- Sakhir Thiam : Ministre de l'Enseignement Supérieur

- Ibrahima Niang : Ministre de l'Education Nationale

- Alassane Djaly Ndiaye : Ministre de l'Equipement

- Cheikh Abdoul Khadre Cissokho : Ministre du Développement Rural

- Ibrahima Famara Sagna : Ministre du Développement Industriel et de l'Artisanat

- Seydina Omar Sy : Ministre du Commerce

- Samba Yéla Diop : Ministre de l'Hydraulique

- Mme Thérèse King : Ministre de la Santé Publique

- Abdoulaye Mactar Diop : Ministre de la Jeunesse et des Sports

- Moussa Ndoye : Ministre de la Fonction Publique, de l'Emploi et du Travail

- El Hadj Malick Sy : Ministre du Tourisme

- Moustapha Kâ : Ministre de la Culture

- Ndioro Ndiaye : Ministre du Développement Social

- Abass Bâ : Ministre de l'Urbanisme et de l'Habitat

- Cheikh Cissoko : Ministre de la Protection de la Nature

- Mme Fatou Ndongo Dieng : Ministre délégué auprès du Président de la République chargé des Emigrés

- Mme Farba Lô : Ministre délégué auprès du Président de la République chargé des Relations avec les Assemblées

- Moussa Touré : Ministre délégué auprès du Ministre de l'Economie et des Finances

- Mbaye Diouf : Ministre délégué auprès du Ministre du Développement Rural chargé des Ressources animales

- Moctar Kébé : Ministre délégué auprès du Ministre du Développement Rural chargé de la Protection de la Nature

A l'instar du gouvernement, le Parlement est à très forte coloration verte 3. Les socialistes sont au nombre de 103 et n'ont face à eux que 17 opposants, tous issus du PDS. Cette faible

présence ne favorise pas une opposition qui n'a pas vu une seule de ses propositions de loi aboutir lors de la précédente législature 4. Toutefois, le parti libéral, disposant de plus de 15

députés, peut à présent former un groupe parlementaire, siéger au bureau de l'Assemblée nationale, participer aux commissions parlementaires etc.

La composition de la chambre est assez similaire à celle de 1983. On note touj ours l'absence de députés issus de la paysannerie, alors que l'on trouve un ouvrier de travaux public et un

conducteur d'autobus dans la liste des députés socialistes. Le PDS a quant à lui fait élire pour la première fois un marabout, de surcroît mouride. L'élection de Serigne Dame Mbacke, placé

dixième sur la liste nationale du PDS, défie donc le ndiguel prononcé en faveur d'Abdou Diouf par le Khalife général des Mourides 5.

Comme en 1983, l'Assemblée consacre "la République des enseignants". On en dénombre 24 dans les travées de la place Soweto, 19 faisant partis du PS. La deuxième profession la plus

représentée est celle des administrateurs civils, mais on en compte que 9 (6 au PS, 3 au PDS). La représentation des femmes est quant à elle en très légère augmentation, puisqu'on recense

18 femmes en 1988, contre 13 en 1983. Alors que le PDS a été un pionnier en matière de féminisation de l'Assemblée lors de sa première législature - il y avait 4 femmes sur 18

députés PDS en 1978, contre 3 femmes pour 82 députés PS - le parti d'Abdoulaye Wade n'a en 1988... que deux femmes parmi ses 17 députés. Ceci est d'autant plus surprenant

qu'Abdoulaye Wade avait fait de la féminisation du monde politique l'un des thèmes centraux de sa précampagne électorale 6 . Quant aux 16 femmes socialistes, on compte notamment 6

3 Le vert est la couleur du Parti socialiste sénégalais.

4 Jean de la Guérivière, "Le Sénégal, oasis de démocratie", Le Monde, 23 février 1988.

5 Francis Kpatindé, "Deux partis sur six sont représentés", Jeune Afrique, n° 1420, 23 mars 1988.

6 Il critique notamment lors du deuxième congrès des femmes PDS le fait "qu'Abdou Diouf réduise la femme au rôle de décor folklorique et d'applaudimètre de meetings politique ". Marie-Roger Biloa, "Promesses électorales à tout va", Jeune Afrique, n° 1381, 24 juin 1987.

institutrices, 2 secrétaires, 2 sages femmes et 1 coordinatrice régionale 7.

Le paysage parlementaire sénégalais reste donc assez stable. Il est néanmoins amputé du chef

de l'opposition parlementaire, Abdoulaye Wade, emprisonné à Rebeuss et dans l'attente avec ses compagnons de cellule d'être jugé pour son rôle dans les débordements post-électoraux

dakarois.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand