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L'alternance politique au Sénégal : 1980-2000

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par Adrien THOUVENEL-AVENAS
Université Sorbonne Paris IV - Master 2 2007
  

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Chapitre préliminaire : Le Sénégal avant 1981

1. Du cahier de doléance de 1789 à la loi Lamine Guèye :

Contrairement à ses voisins africains, le Sénégal est très rapidement rattaché à la sphère politique du pays colonisateur. En 1789, un cahier de doléance est envoyé au Roi de France Louis XVI dans le cadre de l'organisation des Etats généraux. Si ce document réclame le maintien de la traite négrière - ce qui exclu par conséquent les intérêts de la population noire - il démontre qu'un cadre politique actif, même sommaire, est déjà en place à Saint-Louis. Ainsi, 1789 est restée dans l'imaginaire collectif la date fondatrice d'une existence politique dans le pays. C'est pourquoi les dirigeants sénégalais contemporains n'hésitent pas à évoquer cet événement pour justifier l'exemplarité politique du Sénégal en Afrique.

Cependant, il faut attendre 1848, et la proclamation de la IIème République, pour voir les populations locales prises en compte. Les habitants des Quatre communes (Rufisque, Gorée, Saint-Louis, Dakar) sont déclarés citoyens français1. Même si le multipartisme - dans un premier temps sous la domination palpable des blancs et des métis - est instauré dans quelques zones privilégiées, le reste du Sénégal est encore soumis à la règle de l'indigénat. En effet, les "sujets" de l'Afrique Occidentale Française (A.O.F) peuvent se voir infliger des travaux forcés, n'ont aucun représentant à l'Assemblée nationale et dépendent de la justice des administrateurs coloniaux.

La position des "assimilés" est par conséquent privilégiée. Ils ont la possibilité d'accéder à des établissements scolaires plus renommés (le lycée Faidherbe ou Van Vollenhoven ), de former des associations et de publier des périodiques. Cette acculturation à la vie politique permet à Blaise Diagne d'accéder, en 1914, à l'Assemblée nationale. Il est le premier noir à être élu député, mettant fin à l'hégémonie blanche et métisse. Cet événement marque la première "alternance politique" de l'histoire du Sénégal2. Le programme de Diagne est toutefois bien peu différent de celui de ses prédécesseurs, prônant une assimilation absolue à l'Etat français. Son principal opposant au cours des élections suivantes est Galandou Diouf, qui parvient finalement à être élu député du Sénégal de 1934 à 1941. Ce dernier se heurte ensuite à Lamine Guèye, maire de Saint-Louis (qui est encore la capitale de l'espace sénégalais à cette période) depuis 1925. Ce docteur en droit, également chantre de l'assimilation et affilié à la SFIO, est l'homme fort du Sénégal des années post-seconde guerre mondiale. Il s'appuie sur le Parti Socialiste Sénégalais (PSS), fondé en 1934, qui prend ensuite le nom de Fédération socialiste SFIO du Sénégal. Son électorat est constitué de notables, rassemblant les couches aisées des Quatre communes. Guèye invite aussi les jeunes intellectuels sénégalais à se rallier à lui, dont un certain Léopold Sédar Senghor, qui le rejoint en 1945.

Léopold Sédar Senghor est né en 1906 à Joal, d'une famille sérère commerçante. Catholique

1 Durand Barthélémy Valentin, un mulâtre, est élu premier député du Sénégal à l'Assemblée française de 1848 à 1851. "Liste des députés du Sénégal", Le soleil, 6 janvier 2000.

2 Même si le terme d'alternance peut paraître exagéré, il souligne la rupture symbolique que provoque la victoire de Blaise Diagne face au mulâtre François Carpot, 1910 voix contre 675. "Blaise Diagne et la révolution du 10 mai 1914", Le soleil, 6 janvier 2000.

pratiquant, il bénéficie de l'aisance financière de son père pour aller en hypo-khâgne au lycée Louis le Grand à Paris, en 1928. Après un échec aux concours d'école normale supérieure, il est reçu à l'Agrégation de grammaire en 1935. Il devient alors professeur de Lettres à Tours puis à Saint-Maur. Mobilisé pendant la deuxième guerre mondiale, il est fait prisonnier jusqu'en 1942. Il entame ensuite une carrière de politique - en même temps qu'il embrasse celle de poète avec la parution de Chants d'ombre - après sa rencontre avec Lamine Guèye. Elu aux deux Assemblées constituantes chargées de rédiger la Constitution de la IVème République, Senghor assiste à l'adoption de la loi Guèye le 25 avril 1946, qui offre à tous les habitants d'outre-mer la citoyenneté française. Le corps électoral sénégalais passe en l'espace d'une année de 45 000 à plus d'un million d'électeurs. Même si ce changement favorise presque immédiatement l'ascension politique de Senghor, cet aspect assimilateur déplait à l'homme de Joal. Il se démarque très vite de son mentor socialiste.

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