Introduction
Après vingt ans de pouvoir, Abdou Diouf est battu le 19
mars 2000 par son adversaire de touj ours, Abdoulaye Wade. Dès le
lendemain matin, le Président sénégalais appelle au
téléphone l'heureux vainqueur, le félicite, reconnaissant
ainsi sa défaite. Dans le monde entier, on salue la dignité
dioufiste et l'exemplarité sénégalaise. Quelques semaines
à peine après le coup d'Etat militaire en Côte-d'Ivoire,
cette alternance politique réconcilie l'Afrique avec la vie
démocratique. Le Sénégal justifie alors son titre de
"vitrine démocratique de l'Afrique".
Cette expression tire son origine de la présidence de
Léopold Sédar Senghor. Bien que le pays connaisse durant plus
d'une décennie un régime de parti unique (1962-1974), le
"verrouillage pacifiste" du système et le retour rapide au
multipartisme, à une époque où la majorité des pays
africains sont des Etats autocratiques et autoritaires, favorisent la
propagation de l'idée que le Sénégal est un pays
avant-gardiste, "une oasis de démocratie".
Cette impression positive est toutefois à nuancer. Le
Sénégal ressemble à bien des égards à ses
voisins africains. Il connaît la corruption, les bourrages d'urnes, les
monopoles étatiques, un parti gouvernemental omniprésent et
omnipotent, une justice partisane etc.
Le pays mélange donc les genres, tiraillé entre
deux modèles politiques. Un modèle français, dont les
fondements sont l'Etat jacobin, le pluralisme politique, la liberté de
la presse et la laïcité. Et un "modèle africain",
hérité de la période coloniale, qui fait la part belle au
clientélisme, à la corruption et aux relations étroites
entre gouvernants et chefs religieux locaux.
Le Sénégal est de ce fait un pays politiquement
complexe, d'une surface de 196.722 km² . Il comprend environ
5,5 millions d'âmes au début des 1980 mais connaît au cours
des vingt ans d'étude une forte progression de sa population.
Situé à la pointe de l'Afrique occidentale, il a pour voisin la
Mauritanie, le Mali, la Guinée et la Guinée-Bissau, sans oublier
l'enclave gambienne. La capitale du Sénégal est Dakar, mais il y
a d'autres villes importantes. On peut citer Thiès, Kaolack, l'ancienne
capitale Saint-Louis ou encore la capitale mouride, Touba. Le territoire est
quant à lui divisé entre 1983 et 2000 en dix régions :
Dakar - Diourbel - Fatick - Kaolack - Kolda - Louga - Saint Louis - Tambacounda
- Thiès et Ziguinchor. La langue officielle est le français,
selon une volonté de Senghor, mais la langue la plus parlée est
le wolof (qui est aussi l'ethnie majoritaire), à hauteur de 60-65 %,
contre à peine 10% pour le français.
Le pays est à plus de 90 % musulman, principalement des
sunnites de rite malékite. On compte diverses confréries -
associations laïques dirigées par des religieux - ayant une grande
importance dans la vie quotidienne des Sénégalais. Les deux
principales sont les confréries Mouride (région de Diourbel) et
Tidjane (région de Kaolack et Thiès), dirigées par des
Khalifes généraux, descendants directs des fondateurs des
confréries.
Si les Tidjanes sont deux fois plus nombreux que les Mourides,
ces derniers jouent un rôle économique très important. En
effet, la valorisation du travail et de l'effort, ainsi que l'insertion des
membres mourides dans les tissus économiques sénégalais,
est l'une des bases du mouridisme. Que ce soit dans l'agriculture ou le
commerce, les Mourides sont omniprésents et incontournables. Le Khalife
général des Mourides est donc une personne relativement
courtisée par le palais présidentiel.
Il y a néanmoins dans ce pays fortement islamisé
une minorité chrétienne, principalement catholique, qui
représente 5 % de sa population. Léopold Sédar Senghor,
catholique pratiquant, a fait appliquer dans la Constitution de 1960 une
laïcité "à la française" dans le but d'éviter
tout
affrontement à caractère religieux, chose
récurrente en Afrique. La filiation entre l'Etat et les religieux est
tout de même ostensible, la solidité du régime senghorien
reposant en partie sur un "contrat social" avec les confréries
musulmanes. Outre le fait d'avoir une influence spirituelle, les marabouts sont
indispensables au pouvoir car ils quadrillent le pays. Ils détiennent
une bonne partie des leviers de production de la principale culture du pays,
l'arachide. Faisant la richesse du Sénégal entre 1960 et 1980,
cette monoculture est mise à mal par les sécheresses successives
de la fin des années 1970 et l'effondrement de son cours international.
L'affaiblissement de l'arachide et l'incapacité des dirigeants
sénégalais à trouver une culture de substitution rentable
explique en partie les graves difficultés économiques que
connaît le pays à partir de 1979.
Incapable de faire face à cette récession,
Léopold Sédar Senghor passe la main volontairement à son
dauphin putatif Abdou Diouf à la fin de l'année 1980. En
décidant de ne pas s'accrocher éternellement au pouvoir, le
"Père de la nation" transgresse les habitudes africaines et contribue
à la bonne réputation de la République
sénégalaise. Si cette passation de pouvoir est louée par
l'opinion internationale, elle est très vivement critiquée par
l'opposition sénégalaise, qui exige la démission
immédiate de Diouf et la tenue de nouvelles élections. Ainsi,
dès sa prise de fonction, Abdou Diouf est aux yeux d'une partie de la
population un usurpateur, un homme "qui a triché".
La rupture entre le peuple et le Président n'est
cependant pas effective durant les premières années de
l'ère dioufiste. Le pouvoir promeut le multipartisme total, maintient
"les acquis sociaux senghoriens" et tient un discours consensuel. Entre 1981 et
1985, Diouf est un chef d'Etat moderne, qui comble les attentes de son peuple.
Si Abdoulaye Wade représente dès cette période une
alternative, son action politique est étouffée par le discours
novateur dioufiste.
Les choses changent après 1985 et l'adoption des
nouvelles politiques économiques. A partir de cette période,
Diouf n'est plus l'homme du changement, mais l'homme de la
paupérisation. De plus, le chef de l'Etat refuse d'aller plus loin en
matière de démocratie en ne reformant pas le code
électoral. Il ne peut donc plus s'approprier la cause
démocratique, qui lui est reprise par Abdoulaye Wade, via son cri de
ralliement, le sopi ("changement" en wolof).
Dès 1988, Diouf est dans une position relativement
inconfortable. Les régions qui ont le plus souffert durant son
quinquennat, Dakar et la Casamance, lui tournent déjà le dos. Les
violences urbaines qui suivent l'annonce de la réélection
dioufiste attestent le désamour naissant entre le Président et
son peuple.
Après avoir cru au cours de son "état de
grâce" pouvoir se passer d'une filiation avec Léopold Sédar
Senghor, Diouf se résout après 1988 à ramener sur le
devant de la scène l'héritage senghorien. Il redevient un second,
un homme dans l'ombre du "Père de la nation". Ce retrait relatif lui
permet d'opérer un rapprochement significatif avec Abdoulaye Wade. En
s'associant avec son principal concurrent, Diouf brise l'élan de
l'opposition et assoit son pouvoir. Les gouvernements à majorité
présidentielle élargie, qui deviennent récurrents
après 1991, ont pour but à la fois de garantir "la paix civile"
mais aussi d'empêcher une quelconque alternance politique. En effet, en
participant à différents gouvernements socialistes, Wade brouille
son image auprès de l'opposition et du peuple. Dans son essai sur le
multipartisme sénégalais, Antoine Tine résume la situation
par ces mots :
"les Sénégalais sont des spectateurs
apathiques et complètement désabusés, qui se contentent de
regarder Abdoulaye Wade qui surfe avec Habib Thiam (et Abdou Diouf), Habib
Thiam (et Abdou Diouf) qui surfe avec l'autre"
Durant presque une décennie, on ne sait pas où
situer le PDS : dans le camp dioufiste ou dans le
camp de l'opposition "pure et dure" ? L'attitude wadiste
correspond-t-elle à une improvisation totale ou à un plan de
conquête du pouvoir ?
Abdou Diouf fragilise ainsi Wade et repousse à plus
tard l'espoir d'une alternance politique. Tout au long des années 1990,
le chef de l'Etat cultive le paradoxe de vouloir se maintenir au pouvoir tout
en oeuvrant en faveur de l'ouverture du régime. Il se démarque
par conséquent de l'héritage "démocratique" senghorien
pour façonner sa propre oeuvre politique. Il encourage l'ouverture des
médias d'Etat, favorise la pluralisation de la vie politique nationale
et locale, autorise les radios privés et permet la création d' un
organisme indépendant de contrôle des élections. Le
Président de la République du Sénégal, par
l'intermédiaire de ses actions, affiche sa volonté d'être
à présent le Président de tous les
Sénégalais et non plus du parti gouvernemental. Après
1993, il prend ses distances avec le PS, qu'il délègue à
son homme de confiance, Ousmane Tanor Dieng.
Grâce à cette ouverture, l'opposition obtient une
place de plus en plus conséquente dans les assemblées, les
médias et le gouvernement. Elle devient une vraie force de contestation
reconnue, capable de s'organiser pour contester l'hégémonie
socialiste. L'alternance politique devient alors véritablement possible
puisque les opposants ont des moyens légaux pour se faire entendre et
"s'opposer". Abdoulaye Wade saisit l'opportunité et entre après
1996 dans un véritable rapport de force, tout d'abord avec le PS, puis
peu à peu avec Abdou Diouf lui-même. En reprenant la tête du
front anti-dioufiste, il arrive à se constituer un comité de
soutien suffisamment solide, capable d'annihiler "la machine électorale
socialiste".
Abdou Diouf est ainsi dépossédé de son
oeuvre. Au lieu d'être présenté comme le "Père de la
démocratie sénégalaise", il est dépeint comme un
monarque autocratique et autoritaire, prêt à tout pour conserver
les rênes du pouvoir. De plus, alors que le Sénégal n'a
jamais été aussi démocratique, l'opinion internationale
s'est presque totalement désintéressée de la vie politique
du pays. A la fin des années 1990, le Sénégal a tout
simplement "perdu de sa superbe ", supplanté par d'autres
régimes africains - en Zambie ou au Bénin - qui ont
déjà connu une alternance politique démocratique.
En dépit d'énormes efforts de
démocratisation, le Sénégal n'est pas reconnu à
l'orée des élections présidentielles de 2000 comme
étant une démocratie achevée. Le régime
sénégalais est "semidémocratique ", selon les
termes de Christian Coulomb. Nonobstant la pluralité politique, le code
électoral "presque parfait", l'Observation National des Elections,
l'absence de bourrages d'urnes, la présence d'isoloirs de vote et
d'observateurs internationaux, la non-intervention de l'armée dans les
scrutins etc. Qu'est-ce qu'une démocratie sans alternance politique ?
Pas grand chose, semblent répondre les contemporains.
Dans leur esprit, l'alternance doit marquer la réussite
des réformes démocratiques entamées depuis 1974 et briser
une hégémonie socialiste qui accapare une très grande
partie des ressources de l'Etat depuis le début des années
1950.
Pour le peuple, elle a également un sens particulier.
Dans toute démocratie, nouvelle ou ancienne, l'alternance politique
constitue un mythe, une douce illusion, voire un mirage. Elle suscite
l'enthousiasme, l'espoir de voir naître un monde meilleur et
prospère. Ces sentiments sont décuplés dans un pays qui
n'a jamais connu l'alternance. Après 50 ans de pouvoir socialiste, la
population a besoin d'innovations, d'un changement de discours, d'attitude et
de fonctionnement, en rupture avec le précédent régime. En
outre, les Sénégalais désirent en votant pour
l'alternative se "réapproprier" l'Etat, confisqué depuis bien
longtemps par une seule formation politique, incapable depuis deux
décennies de résoudre la crise économique et sociale que
traverse le pays. Devant ce constat d'échec, l'alternance politique
devient non plus un souhait populaire, mais une
nécessité démocratique.
L'alternance du 19 mars 2000 est un événement
historique indéniable, l'aboutissement d'un long processus de
démocratisation au Sénégal. Comme va tenter de le
démontrer ce mémoire, on croit que divers facteurs - politiques,
économiques, sociaux et extérieurs - ont permis la victoire
wadiste. Voici ci-dessous les plus notables :
- la dévaluation du franc CFA de 1994, qui offre la
possibilité à l'économie sénégalaise de
repartir sans pour autant stopper la paupérisation
accélérée de la population, ce qui dresse une grande
partie de l'électorat sénégalais contre le PS
- l'incapacité socialiste à adapter ses
réseaux clientélistes à une population de plus en plus
jeune et urbaine, acquise à la cause wadiste
- la création par le chef de l'Etat d'organismes de
contrôle indépendants, tels que l'ONEL, qui assurent la
transparence du scrutin de 2000
- l'implosion du camp socialiste, causée en grande
partie par l'entêtement d'Abdou Diouf à maintenir Ousmane Tanor
Dieng à la tête du PS, qui permet à l'opposition
d'élargir le front antidioufiste en "récupérant" les
dissidents Niasse et Kâ
- la mise en place autour de Wade et Niasse d'une
véritable union de l'opposition, capable de faire chuter le
régime socialiste
- la crainte d'une post-campagne violente, similaire à
celle de 1988, et d'une intervention militaire calquée sur le
modèle ivoirien, en cas d'une victoire dioufiste
- le profond désir de changement de la population,
lassée d'une hégémonie socialiste vieille de plus de 50
ans
- l'attitude légaliste d'Abdou Diouf, reconnaissant sa
défaite aussitôt les premiers résultats connus
Comment est-on passé en l'espace de vingt ans d'un
régime fermé et hégémonique à une passation
de pouvoir consensuelle entre Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ? Quelles
ont-été les grandes étapes de la démocratisation
sénégalaise sous Abdou Diouf ? Comment juger la relation
Diouf-Wade au cours de la période ? Quelle part de
"responsabilité" à l'implosion du PS dans l'alternance politique
de 2000 ? Peut-on croire enfin que celle-ci débouche sur le sopi
tant espéré par les Sénégalais ? Voici
quelques questionnements soulevés par le thème de ce
mémoire : l'alternance politique au Sénégal.
Pour l'étudier, on a choisi un cadre chronologique
restreint : 1980-2000. Pourquoi ne pas avoir débuter l'étude en
1974, avec comme point de départ la fin du "parti unifié" au
Sénégal ? On explique cette décision par une
volonté de privilégier l'analyse d'un ensemble homogène.
Le changement de Président qui s'opère à la fin de
l'année 1980 constitue une telle rupture, politique et
idéologique, que ne pas commencer par cet événement
nuerait à la démonstration d'ensemble. On insiste donc sur la
présidence d'Abdou Diouf, qui favorise dans ses premiers mois de
gouvernance le pluralisme politique intégral. En effet, même si
Léopold Sédar Senghor laisse entrevoir une ouverture
démocratique dès 1974, la notion d'alternance politique renvoie
à l'idée de formations partisanes autonomes et plurielles,
capables de faire vivre l'espace démocratique en proposant des
programmes alternatifs.
Or, jusqu'en 1981, l'opposition est restreinte par une loi
limitant son nombre. Elle est en conséquence plus ou moins
subordonnée au Parti Socialiste, puisque les deux/trois partis
d'opposition doivent leur légalité aux choix du Président
en place. Même si la quantité de partis
n'est pas le baromètre du niveau de démocratie
d'un pays, il parait spécieux de prétendre que l'alternance
politique puisse être possible dans le régime tripartite puis
quadripartite de Senghor. Le départ de ce dernier et la loi
promulguée en avril 1981, garantissant le pluralisme politique, assurent
dans les textes une possible alternance politique. Il est ainsi logique de
commencer l'étude au moment où débute :
- Pour le Parti Socialiste et Abdou Diouf, une période
d'adaptation face au multipartisme.
- Pour l'opposition, une tentative d'organisation face
à la "machine électorale PS".
Si la première décennie d'Abdou Diouf à
la tête de l'Etat sénégalais ressemble à s'y
méprendre à la présidence de son
prédécesseur quant à la gestion des
échéances électorales (bourrages d'urnes, monopolisation
des médias d'Etat, code électoral favorisant clairement le parti
majoritaire etc.), la place de l'opposition s'accroît dans le
débat politique. Il n'y a plus, comme au temps de Senghor, de voix
unique et centralisée. Ensuite, après 1991, on note la
volonté dioufiste d'adapter le pays et le PS aux exigences d'une
démocratie "moderne". L'année 2000 s'impose donc
d'elle-même pour clore le sujet, puisqu'elle voit l'aboutissement des
progrès démocratiques avec la victoire dans le calme d'Abdoulaye
Wade aux élections présidentielles.
L'objectif de ce mémoire est donc de mettre en relief
les conditions de démocratisation du régime dioufiste. Au moment
de l'alternance, de trop nombreux travaux ont eu la volonté d'assombrir
les vingt années de pouvoir d'Abdou Diouf. Ils ont réduit la
portée "de l'oeuvre démocratique dioufiste" et ne l'ont pas
suffisamment intégré dans les éléments qui ont
contribué aux événements du 19 mars 2000. Sans vouloir
adopter une attitude complaisante à l'égard du second
Président de la République sénégalaise et mettre de
coté d'autres facteurs explicatifs, l'auteur de ce mémoire
désire réhabiliter le travail d'ouverture réalisé
par Abdou Diouf.
En insistant sur les mesures entreprises dès 1981,
cette étude veut démontrer qu'il y a avant 2000 des
élections disputées, grandement couvertes par les médias
privés et d'Etat, qui ont des enjeux. Il s'agit en quelque sorte de
"démystifier" l'alternance politique sénégalaise. Sans
renier l'importance de l'événement, il ne constitue pas,
contrairement à ce qui a été écrit dans de nombreux
ouvrages, véritablement une "surprise", car dès les
législatives de 1998, le PS l'emporte d'une courte tête : il
entrevoit la possibilité d'une prochaine défaite. L'alternance de
2000 n'est donc pas une révolution dans la vie politique
sénégalaise, un fait inattendu et surprenant, mais simplement
l'aboutissement d'un processus de démocratisation entamé 20 ans
auparavant.
Ainsi, en élaborant un travail articulé autour
d'une organisation chronologique, on désire montrer que les
événements politiques, sociaux et économiques qui ont
jalonné l'histoire du Sénégal ont permis à ce pays
d'acquérir une véritable culture démocratique bien avant
le 19 mars 2000.
Pour étudier les vingt années de
présidence dioufiste, on a utilisé essentiellement des sources
imprimées, étant donné que la période
étudiée se situe encore dans l'histoire du temps présent.
On a cependant dans un premier temps consulté des ouvrages
consacrés à la vie politique africaine et
sénégalaise. Ils ont été trouvés facilement
à la Bibliothèque Nationale Française François
Mitterrand. On souligne ici la quantité et la qualité des
ouvrages fournis dans l'espace dit "haut de jardin". On y a trouvé des
ouvrages essentiels traitant de la vie politique sénégalaise.
Pour ce qui est des sources, principalement des journaux
sénégalais, africains ou français, on s'est rendu à
la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC),
établie à Nanterre. La rapidité pour trouver tout type
d'information est à relever, ainsi que l'immense base
de données dont dispose ce centre d'archives, qui se
considère comme "l'établissement pilote pour l'histoire et
l'historiographie du monde contemporain ".
Grâce à l'apport de ces deux
bibliothèques, on a pu consulter les principaux livres traitant du
Sénégal. On retient l'apport d'un ouvrage tel que "Le
Sénégal sous Abdou Diouf" de MomarCoumba Diop et Mamadou
Diouf, sorti en 1990. Il propose de faire un bilan des dix premières
années de l'ère dioufiste. Il met en évidence le sentiment
de frustration que connaissent les Sénégalais au cours de la
période, qui atteint son paroxysme en février 1988. Ce livre est
important car il analyse une époque décisive dans le processus
d'ouverture démocratique mené par Diouf. Le tome deux de "La
vie politique sénégalaise" de François Zuccarelli est
aussi indispensable puisqu'il aborde les aspects majeurs de la vie politique du
pays entre 1960 et 1988. Les propos de l'auteur sont néanmoins à
prendre avec la plus grande vigilance, puisque Zuccarelli a été
pendant de nombreuses années un des proches collaborateurs de
Léopold Sédar Senghor.
Toutefois, ces deux livres, écrits juste après
la crise de 1988, n'ont pas eu forcement le recul nécessaire pour livrer
une parfaite analyse de la situation, contrairement à un autre ouvrage
de Momar-Coumba Diop et Mamadou Diouf, rédigé cette fois-ci en
collaboration avec l'irlandais Donal Cruise O'Brien : "La construction de
l'Etat au Sénégal", paru en 2002. Publiant diverses
études plus ou moins récentes - certaines ayant été
réalisées pour la revue Politique africaine - cet
ouvrage dresse non plus un bilan à mi-parcours, mais un bilan global de
la présidence dioufiste. La plus marquante de ces études est
certainement celle de Momar-Coumba Diop, Mamadou Diouf et Aminata Diaw, "le
baobab a été déraciné ". Elle analyse la
campagne présidentielle de 2000, qui sonne le glas de l'ère
dioufiste et socialiste.
D'autres livres méritent également d'être
évoqués, même si pour certains d'entre eux, le temps a fait
son effet. "The passive revolution" de Robert Fatton, daté de
1986, n'a plus la même aura que lors de sa publication. En effet,
l'auteur juge dans son ouvrage que le Sénégal de 1985 est un pays
stable, démocratique, qui n'a plus rien de semblable avec le
Sénégal du début des années 70. Malheureusement
pour l'américain, les événements de 1988 sont venus
contredire sa théorie. Ils ont montré que le pays était
loin de la "passive revolution" décrite et qu'il était
touj ours régi par un PS omnipotent et impopulaire.
Mar Fall, dans "le Sénégal d'Abdou Diouf,
le temps des incertitudes", s'attaque au Président Diouf.
Publié en 1985, le sociologue fait un premier bilan du successeur de
Senghor. Il lui reproche notamment de ne pas avoir su, ou pu, se dégager
des manigances socialistes. L'auteur prône, dès 1985, la formation
d'un gouvernement d'union nationale.
Enfin, on peut citer certaines études publiées
dans Politique africaine. Les nombreuses contributions d'auteurs tels
que Donal Cruise O'Brien, "Les élections sénégalaises
du 27 février 1983 (1983)" ; Christian Coulon, "La
démocratie sénégalaise: bilan d'une expérience
(1992)" ou encore Momar-Coumba Diop, Mamadou Diouf et Aminata Diaw,
"Le baobab a été déraciné. L'alternance au
Sénégal (2000) " sont tout simplement incontournables.
L'ensemble de ces ouvrages, qui abordent pour la plupart la
première partie de la présidence dioufiste (1980-1991),
fournissent des renseignements précieux pour maîtriser une
décennie riche en évènements et en bouleversements.
Concernant la période 199 1-2000, la bibliographie se réduit
considérablement. On s'est donc appuyé presque exclusivement sur
les sources, sans avoir aucune autre "aide extérieure"
Comme dit précédemment, ces sources ont
été consultées au centre d'archives de Nanterre. Elles
sont la base même du travail historique. Le sujet de ce mémoire
étant situé dans l'histoire du temps présent, on a
employé principalement des sources imprimées : des hebdomadaires
ou mensuels sénégalais, africains ou français. La
principale difficulté a été de dégager les bonnes
des mauvaises informations, étant donné que des milliers
d'articles ont été épluchés, soit sur place, en
consultant les archives disponibles à la BDIC ; soit sur Internet, via
les moteurs de recherche des archives en ligne.
La principale source imprimée consultée pour
les périodiques français a été celle du Monde.
Le Monde, journal de référence pour une grande partie de
l'opinion publique en France, est réputé pour son très
grand sérieux. Le journal, crée en 1944 après la
libération de Paris, constitue depuis un carrefour des opinions
où se retrouvent intellectuels, responsables politiques et lecteurs. Le
choix de ce quotidien a aussi été motivé en raison des
liens privilégiés qui unissent Le Monde et le
Sénégal. En effet, c'est l'article de Pierre Biarnès du 21
octobre 1980, "Le chasseur qui guette ne tousse pas", qui annonce
à la France, mais aussi aux Sénégalais, le prochain
départ de Léopold Sédar Senghor. Si les rapports
qu'entretiennent Senghor et les correspondants du Monde ne sont
peut-être pas aussi étroits par la suite avec Abdou Diouf, Le
Monde continue de 1980 à 2000 à s'intéresser de
très près à la vie politique sénégalaise.
De plus, la consultation des archives de ce journal a
été d'une grande simplicité. Une bonne partie des anciens
articles du Monde sont disponibles en ligne via le moteur de recherche
du site internet. On retrouve également l'intégralité de
la collection du journal à la BDIC, en accès libre. Tous les
articles traitant des deux décennies dioufistes sont de ce fait
aisément consultables.
On a obtenu par conséquent une vision claire et juste
de la vie politique au Sénégal, grâce aux
évènements marquants qui y sont relatés. Toutefois, pour
plus de précisions, il a été nécessaire de
consulter directement des périodiques africains et
sénégalais, mieux renseignés sur les faits
abordés.
Les journaux sénégalais sont le plus souvent
les relais de courants de pensée pro ou anti gouvernementaux, les
rédactions étant la plupart du temps affiliées très
clairement à un parti politique. Le principal problème a
été d'avoir accès aux archives de ces différents
journaux, car la plupart d'entre eux n'ont pas eu un écho suffisant pour
avoir un réel intérêt aux yeux des archivistes. Seule la
consultation du journal gouvernemental le Soleil a pu être
réellement effective.
Longtemps le Paris-Dakar, publié entre 1933
et 1961, est le quotidien phare au Sénégal. Après
l'indépendance, il est renommé pour devenir le Dakar-matin,
tout en gardant la même aura. Mais en 1970, Léopold
Sédar Senghor émet le souhait de voir naître un journal
sénégalais fait par des Sénégalais. Ainsi
naît le Soleil, dont le nom est choisit par le Président
en personne. On devine aisément les liens très étroits qui
existe depuis entre la rédaction du journal et le Parti Socialiste. On
sait en outre qu'en 1980, l'Etat détient encore 54 % de son capital :
Le soleil est donc considéré comme un média
d'Etat.
Tiré à hauteur de 20 000 - 25 000 exemplaires
par jour, Le soleil est le quotidien numéro un dans le pays au
début des années 1980. Il s'adresse aux personnes très
alphabétisées. Les termes employés sont volontairement
techniques, écrit dans un français parfait, la rigueur
littéraire de ce journal facilitant l'utilisation de ses articles.
Le soleil est incontournable lorsque l'on souhaite faire un travail
sur le Sénégal. C'est pourquoi la BDIC dispose d'un stock
d'archives de ce quotidien relativement complet.
Une lecture approfondie du Soleil a permis de mesurer
l'évolution du PS et de la démocratie
sénégalaise entre 1980 et 2000, le journal
étant le miroir d'une société sénégalaise
vue et/ou voulue par le pouvoir. Si en 1980, le journal gouvernemental est
exclusivement au service de la propagande socialiste, on remarque
déjà sa volonté d'ouverture lors des élections
locales ou nationales, en suivant très rigoureusement les campagnes de
l'opposition. Parallèlement aux initiatives présidentielles, on
note que Le soleil adopte une ligne éditoriale moins partisane
suite au premier gouvernement d'union nationale de 1991. Le quotidien "ouvre
ses portes" à l'opposition et fait de nombreuses interviews
avec des opposants tels que Abdoulaye Wade, Landing Savané ou
Abdoulaye Bathily, chose impensable dans les années 1980. Peu à
peu, l'actualité de l'opposition est mieux suivie et traitée avec
plus d'objectivité. Toutefois, la ligne éditoriale du Soleil
reste résolument pro-socialiste, ceci jusqu'à l'alternance
de mars 2000.
Les autres partis politiques sénégalais ont
leur propre journal afin de pouvoir exposer leur programme et critiquer
ouvertement les socialistes. Le PDS a Le démocrate qui devient
après 1988 Sopi. Il connaît un très grand
succès. A un degré moindre, Taraw, le journal du RND ou
Jaay Doole bi d'And Jef ont une certaine influence dans le pays.
La presse dite "indépendante" joue quant à elle
un rôle de plus en plus conséquent dans la vie politique
sénégalaise après 1980. Des journaux comme Sud
Quotidien, Wal Fadjri ou le Cafard Libéré
s'imposent sur la scène sénégalaise et jouissent
d'une grande popularité auprès de la population. Ils
n'hésitent pas à relayer des "affaires" et à défier
aussi bien l'opposition que le pouvoir, s'attirant parfois les foudres de la
justice. Leur poids s'accroît au milieu des années 1990, lorsque
Sud et Wal Fadjri s'installent sur la bande FM en
créant leur propre radio privée. Les médias
indépendants contribuent ainsi à la démocratisation du
Sénégal et constituent des sources d'informations
précieuses.
Comme dit précédemment, la consultation de la
presse indépendante ou d'opposition a été plus que
limitée, en l'absence d'archives à la BDIC. Ces manques
représentent l'une des principales faiblesses de ce mémoire.
Néanmoins, cette lacune a été compensée par une
lecture approfondie de l'hebdomadaire panafricain Jeune Afrique, dont
le siège est en région parisienne. Journal politique et
économique de référence sur le continent africain, ses
reportages et ses entretiens sont lus avec attention par les dirigeants
sénégalais. Ils ont parfois des répercussions très
importantes sur la vie politique du pays (on pense au limogeage de Djibo
Kä en 1995 et à la dissidence de Niasse en 1999). Contrairement aux
médias d'Etat, Jeune Afrique donne régulièrement
la parole aux opposants sénégalais dès 1980. De ce fait,
on peut suivre l'évolution de la pensée politique de l'opposition
tout au long de la période dioufiste.
On désire souligner la grande qualité des
articles produits par Jeune Afrique entre 1980 et 1995. On regrette
que cette qualité se soit nettement détériorée
après cette période, suite notamment au départ d'un des
rédacteurs en chef délégués, le journaliste Sennen
Andriamirado. Jeune Afrique perd alors son caractère de journal
d'investigation pour devenir progressivement un simple hebdomadaire
d'information. Sa lecture reste cependant très utile pour comprendre les
dernières années du régime socialiste.
D'autres bi-hebdomadaires ont été
consultés, en l'occurrence Lettre du continent et Le Nouvel
Afrique-Asie. Malheureusement, on déplore le manque de
sérieux de certains articles, trop subjectifs ou tout simplement trop...
médiocres. Ces journaux oscillent ainsi entre le bon et le relativement
mauvais, et servent simplement à compléter certaines informations
récoltées soit dans un quotidien, soit dans Jeune
Afrique.
Les écrits d'anciens acteurs de la vie politique
sénégalaise sont également considérés comme
des sources. On a retiré des mémoires publiées par Habib
Thiam, Assane Seck ou Jacques Foccard des données précieuses qui
ont aidé à mieux comprendre les vingt années de pouvoir
dioufiste. Elles ont permis de recouper des informations capitales, notamment
au sujet du départ précipité de Léopold
Sédar Senghor en 1980.
Toutefois, ces sources ont leurs limites : Habib Thiam, ami
fidèle d'Abdou Diouf, n'a pas le recul nécessaire pour livrer un
témoignage objectif sur la présidence dioufiste ; le
témoignage d'Assane Seck, vieux compagnon du "Père de la nation",
n'est utile pour ce mémoire que lorsqu'il s'étend sur le
départ de Senghor et la "radiation des barons" en 1984 ; enfin, les
mémoires de Jacques Foccard livrent quelques anecdotes
intéressantes mais aucune n'est véritablement essentielle.
Abdou Diouf n'a quant à lui pas voulu pour l'instant
écrire ses mémoires politiques. Homme d'une grande
timidité, n'aimant que très modérément s'adresser
à la presse, l'ancien chef d'Etat s'est rarement exprimé depuis
le 19 mars 2000 au sujet de ses deux décennies à la tête du
Sénégal.
Néanmoins, Abdou Diouf a accordé en octobre
2005 un entretien autobiographique en cinq parties à la chaîne de
radio française RFI. Il est revenu dans l'émission "Livre
d'or" de Philippe Sainteny sur son enfance, ses premiers pas en politique,
la difficulté qu'il a eue à s'imposer comme le successeur de
Léopold Sédar Senghor, sa relation avec Abdoulaye Wade etc.
Cet entretien radiophonique constitue une source de tout
premier plan , car le Président Diouf, considéré comme
"l'un des hommes les plus secrets d'Afrique", livre d'importantes informations
sur sa jeunesse et sa conception du pouvoir, chose qu'il n'avait jamais fait
auparavant. Ayant eu accès à cette source à la BDIC, on a
pu mieux comprendre et apprécier l'homme central de la période
étudiée par ce mémoire.
Pour analyser l'alternance politique au
Sénégal, on a divisé ce travail en six temps. Hormis le
premier chapitre, la délimitation des parties s'est effectuée
selon les différentes législatures qui jalonnent la
présidence dioufiste.
Le premier chapitre est en dehors du cadre chronologique
défini dans l'intitulé du mémoire. Il présente un
laps de temps assez long, qui va de 1789, date "imaginaire"
régulièrement citée par les politiques
sénégalais pour situer le début de la vie politique au
Sénégal, à 1980, année où Senghor
délègue peu à peu la totalité de ses pouvoirs
à son successeur Abdou Diouf.
Cette grande introduction insiste sur les
spécificités politiques sénégalaises,
constatées dès l'époque coloniale. Ce premier chapitre
relate aussi la genèse de l'omnipotence socialiste, l'ouverture du
régime après 1974, la fin du règne de Senghor et la mise
en place de sa succession. Le Président-poète choisit Abdou
Diouf, son Premier ministre depuis 1970, pour reprendre la tête de
l'exécutif. Léopold Sédar Senghor quitte ainsi le pouvoir
de son plein gré le 31 décembre 1980.
De 1981 à 1983, Abdou Diouf connaît un
véritable "état de grâce". Jeune et dynamique, le
nouveau Président démocratise le régime, autorise une
pluralité politique totale, utilise des thèmes novateurs. Il est
considéré comme "l'homme du changement". L'opposition,
désarçonnée par le personnage, n'arrive pas à
s'organiser pour les élections de 1983. L'alternance politique est ainsi
inenvisageable, d'autant plus les fraudes électorales sont à
cette époque généralisée. Seul Abdoulaye Wade
obtient un score honorable à la présidentielle, contrairement aux
"anciens" Mamadou Dia et Majhemout Diop. Abdou Diouf triomphe. Il a à
présent une légitimité venue des urnes. Il n'est plus
l'homme de Senghor.
Entre 1983 et 1988, le pouvoir mène une nouvelle
politique économique et sociale pour endiguer
la crise qui touche le Sénégal depuis le
début des années 1980. La cote de popularité du chef de
l'Etat décline fortement, l'électorat commence à se
tourner vers Abdoulaye Wade : c'est "le temps des incertitudes".
Après avoir supprimé le poste de Premier ministre, Diouf est
en première ligne et essuie rapidement les critiques de l'opposition. Le
fondateur du PDS devient pour une partie de la population une alternance
crédible au pouvoir socialiste. Le climat des élections de 1988
est tendu, voir violent. La jeunesse des agglomérations urbaines
réclame le sopi, et surchauffée par les
déclarations wadistes, n'hésite pas à jeter des pierres
sur différents cortèges présidentiels. Après la
réélection dioufiste, entachée d'importantes fraudes
électorales, le peuple mécontent descend dans la rue. Dakar
s'embrase. Le Sénégal, "oasis de démocratie", se
discrédite aux yeux du monde entier.
Cet épisode pousse le Président à
reprendre le chemin des réformes démocratiques, quelque peu
délaissé lors de son précédent quinquennat. Peu
à peu, "Diouf reprend la main" entre 1988 et 1993. Il limoge son
homme de confiance Jean Collin, se rapproche d'Abdoulaye Wade en
l'intégrant au gouvernement en 1991, ouvre les médias,
délaisse la gouvernance du PS, réforme le code électoral
etc. Avec ces mesures, qui marquent une nouvelle étape dans la
démocratisation du pays, il favorise l'éclatement de
l'opposition, le PDS étant dorénavant associé aux
initiatives gouvernementales. En réduisant le pouvoir de contestation
des opposants, le chef de l'Etat éloigne le spectre d'une alternance
politique en 1993. Diouf remporte donc assez facilement les élections
présidentielles, mais Wade est pour la première fois majoritaire
dans la région dakaroise. Toutefois, la formation libérale est
affaiblie à la suite de l'assassinat du vice-président du Conseil
constitutionnel, Babacar Sèye. Abdoulaye Wade, accusé d'avoir
commandité le meurtre, est mis en détention. Le pays replonge
dans une longue crise politique.
En plus de cette affaire, la législature 1993/1998 est
marquée par la dévaluation de 50 % du Franc CFA en janvier 1994.
Le mécontentement de la rue est à son paroxysme, Wade est une
nouvelle fois arrêtée à la suite d'une émeute dans
la capitale, l'inflation grimpe en une année de 30 % : Abdou Diouf est
à la tête d'un "Sénégal dévalué".
La situation s'apaise en 1995, quand Abdou Diouf et Abdoulaye Wade renouent
le dialogue. Ceci aboutit à l'entrée de ministres PDS dans un
nouveau gouvernement à majorité présidentielle
élargie. Néanmoins, le chef de l'Etat doit faire face à
l'implosion de son parti, les cadres socialistes n'acceptant pas à la
tête du PS l'homme de confiance du Président : Ousmane Tanor
Dieng. L'affaiblissement de la formation gouvernementale profite à
l'opposition, qui regroupée derrière Wade, demande la mise en
place de garde-fous pour assurer la transparence des législatives de
1998. Cette requête est acceptée finalement par Diouf. Il
crée l'ONEL, organisation indépendante chargée de veiller
au bon déroulement des élections. Aidée par la
société civile et les médias indépendants, l'ONEL
enraye "la machine à fraude socialiste". Le PS l'emporte avec simplement
50,19 % des suffrages. La possibilité d'une alternance politique en 2000
devient bel et bien envisageable.
La dernière partie de ce mémoire est
consacré à "la chute d'Abdou Diouf". Le Président
de la République se heurte entre 1998 et 2000 à un front
anti-dioufiste très bien organisé, composé des membres
historiques de l'opposition et renforcé par l'arrivée des
dissidents socialistes Djibo Kâ et Moustapha Niasse. Nonobstant les
nombreux efforts d'Ousmane Tanor Dieng, le candidat socialiste n'arrive pas
à tisser un réseau d'électeurs suffisamment solide pour
s'assurer la victoire au premier tour. Au second tour, le candidat socialiste
est emporté par la vague sopiste et perd face à Abdoulaye Wade le
19 mars 2000. Sans attendre la proclamation des résultats officiels,
Abdou Diouf félicite le Président élu. L'alternance
politique est devenue une réalité, "le baobab a été
déraciné".
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