Le PDS connaît de multiples troubles à
l'occasion des deux premières années de pouvoir du
Président Diouf. Mamadou Fall Puritain, président de l'Union des
Travailleurs Libres Sénégalais (UTLS), élu
députés PDS lors des législatives de 1978, quitte la
formation en janvier 1982. Ses fonctions syndicales et ses nombreuses
divergences d'opinions avec Wade le poussent à devenir un
député indépendant. Il reproche au secrétaire
général PDS son discours trop virulent à l'égard du
nouveau Président. Il entraîne avec lui d'autres
députés, mécontents de la stratégie adoptée
ou séduits par le discours novateur de Diouf 31 . Le nombre
de députés PDS passe, entre 1978 et 1983, de dix-huit à
dix. La formation libérale perd son groupe parlementaire, n'ayant plus
la quinzaine de députés requise.
Une autre affaire discrédite le PDS. Le 28 août
1981, Mamadou Fall, ancien officier, est arrêté pour une simple
histoire d'escroquerie. Lors d'une perquisition, on retrouve chez lui des
photos en tenue militaire ; deux cahiers d'instruction militaire
rédigés en arabe, expliquant la mise au point de techniques de
sabotage et un cahier décrivant la vie militaire de militants PDS dans
des camps libyens. L'affaire prend très rapidement une tournure
politique, puisqu'on lève l'immunité parlementaire de Doudou
Camara - député PDS - pour le placer en examen. Abdoulaye Wade se
réfugie alors en France. Ses proches refusent de parler d'exil et
évoquent un départ lié à "une affaire
strictement interne au parti" 32 . Pour se défendre, le
secrétaire général PDS affirme subir une "machination
visant son parti ", fomentée soit par le gouvernement, soit par le
Parti socialiste. Toutefois, il reconnaît le 7 novembre 1981 l'existence
de ces voyages, mais déclare que le seul but de ces expéditions
étaient de former des gardes du corps, de manière à le
protéger contre des menaces de mort venues du Sénégal.
29 Donal Cruise O'Brien, "Les élections
sénégalaises du 27 février 1983", PoA 11, 1983.
30 "Ousmane Wone maintient sa candidature", Le Soleil,
14 janvier 1983.
31 "Famara Mané s'explique", Le Soleil, 25 mai
1982.
32 "Wade rentrerait bientôt", Le Soleil, 10
décembre 1981 et Sylviane Kamara, "Une si longue absence",
Jeune Afrique, n° 1098, 20 janvier 1982.
Finalement, lors du procès tenu en septembre 1982,
seul Mamadou Fall est condamné à quinze mois d'emprisonnement.
Bien qu'acquitté, Doudou Camara n'est pas lavé de tout
soupçon. Pour preuve, les députés socialistes refusent en
janvier 1983 qu'il intègre la nouvelle Assemblée
confédérale de Sénégambie. En réaction, les
députés PDS boycotteront unanimement celle-ci.
Ce feuilleton judiciaire handicape fortement la
préparation électorale du PDS. Cependant, la mauvaise
organisation des autres partis d'opposition lui permet de conserver la
primauté de la contestation au cours de la campagne. Comme dit
précédemment, Wade se déclare candidat le 26 novembre
1982. Il refuse de céder sa place à un candidat unique - par
exemple Mamadou Dia - arguant que son bon score face à Léopold
Sédar Senghor en 1978 le consacre chef de l'opposition
sénégalaise. Pour faire taire les sceptiques, Wade
présente rapidement un programme économique, capable selon lui de
résoudre la crise traversée par le pays. Il propose "un plan
de restauration économique " , subdivisé en trois
sous-phases 33 :
- Un plan à court terme (1983-1985) qui restaurerait
l'économie du pays et proposerait une aide substantielle aux paysans par
la distribution gratuite d'engrais et de semences.
- Un plan à moyen terme (1983-1990) qui miserait sur une
politique déflationniste et d'assainissement des finances publiques.
- Un plan à long terme (1983-1995) qui tablerait sur la
mise en valeur agricole et matérielle, avec la réalisation de
grands projets nationaux.
Il ne s'agit pas là de juger si cette politique est
réalisable ou non. On constate simplement que Wade expose des
propositions concrètes, ayant des répercutions sur le long terme.
Il envisage ainsi - du moins dans ses discours - la possibilité d'une
alternance politique dès 1983, en dépit de toutes les affaires
qui ont secoué son parti. Il promeut aussi un programme "de restauration
politique", qui incorporerait des personnes nouvelles, "entourées de
toutes les bonnes volontés sans exclusive... socialistes inclus ".
Le secrétaire général du PDS reprend ici un
thème très à la mode pendant la campagne
présidentielle : celui "d'union nationale". Nonobstant le fait que
l'opposition désire se l'approprier, seul Abdou Diouf l'utilise à
bon escient, l'englobant dans une logique politique perceptible depuis janvier
1981.