Les dirigeants socialistes s'attèlent, pendant les
deux premières années de pouvoir de Diouf, à
préparer les élections de 1983. Ils décident, pour montrer
leur bonne foi démocratique, de reformer le code électoral et
l'accès aux médias pendant la future campagne. Ces changements
sont étudiés dès 1981 par l'Assemblée nationale,
avant d'être votés le 3 mai 1982 21.
Dorénavant, la Cour suprême veille sur le bon
déroulement des dépouillements électoraux, à
présent centralisés à Dakar. "Pour favoriser la
formation d'une majorité parlementaire stable", le nombre de
députés est augmenté, passant de 100 à 120. Un
double scrutin est instauré, copié sur le modèle
ouest-allemand, très largement favorable au maintien d'une
hégémonie PS. La moitié des députés est
élue au niveau départemental grâce à un scrutin
à liste majoritaire à un tour, tandis que l'autre moitié
est désignée par l'intermédiaire d'un scrutin
proportionnel au niveau national.
Concernant les médias, les socialistes prennent acte
de l'ouverture politique. Après de nombreux débats
parlementaires, le texte suivant est adopté : "pendant la campagne
électorale, tout parti présentant des candidats en vue des
élections législatives, utilisera les services de l'Office des
Radiodiffusions Télévisions du Sénégal. Le temps
mis à la disposition des partis politiques est divisé en deux
séries égales, l'une étant affectée aux partis,
appartenant à la majorité, l'autre à ceux qui ne lui
appartiennent pas" 22 . Le PS dispose donc pendant la campagne
électorale de 1983 - d'une durée totale de 21 jours - de la
moitié du temps d'antenne alors que les treize partis d'opposition se
partagent le temps restant. Pour ce qui est de l'élection
présidentielle, l'article 27 de la loi fondamentale se veut toutefois
beaucoup plus juste. La Cour suprême annonce qu'il y a
"égalité des candidats pour l'utilisation des moyens de
propagande dans les conditions déterminées par une loi
organique".
L'opposition, par la voix du PDS - on rappelle que ce parti
est la seule formation opposante présente place Tascher entre 1978 et
1983 - indique que ce code électoral est "une nouvelle preuve d'un
antidémocratisme réel" de la part des dirigeants PS. Outre
le double scrutin, la nonprésence de membres de l'opposition lors des
dépouillements et l'interdiction formelle d'organiser des alliances, le
PDS déplore que le ministère de l'Intérieur ait les pleins
pouvoirs au sujet des inscriptions et distributions des cartes
électorales, le risque de trucage étant fort prévisible.
De surcroît, Wade regrette que la présence d'isoloirs dans les
bureaux de vote soit facultative. Le PS, pour justifier cette absence bien peu
démocratique, répond que "l'électeur
sénégalais a touj ours affiché ses opinions". On sent
à travers cette réflexion que le parti gouvernemental n'a pas
concilié en 1983 sa volonté de démocratisation et
l'application sur le terrain. Il conserve encore
21 Momar Seyni N'Diaye, "Le nouveau code électoral
adopté", Le Soleil, 3 mai 1982.
22 Ibrahima Fall, "Nouvelle rédaction sur
l'utilisation des médias en campagne électorale", Le Soleil,
9 juillet 1982.
des vieux réflexes de parti unique.
Si beaucoup de points portent encore à contestation,
le code électoral favorise toutefois une campagne électorale
beaucoup plus ouverte que les précédentes. L'accès aux
médias offert à tous les partis d'opposition est un
véritable progrès pour la démocratie
sénégalaise. On comprend mieux les louanges adressées par
les observateurs étrangers, qui se réjouissent de la très
bonne tenue de "cette campagne exemplaire" 23,
qui voit l'affrontement entre une opposition très affaiblie et une
formation gouvernementale solidaire, mais aussi bénéficiaire, de
l'action présidentielle.